jeudi 31 mars 2016

Paper Mario Sticker Star - Best of Both Worlds

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Paper Mario Sticker Star est la typique victime collatérale du phénomène que j'épinglais dans l'article inaugurant cette rubrique. Un rapide tour des sites spécialisés suffit à s'en convaincre : voici un jeu bien moyen, jamais assez ceci, souvent bien trop cela, incapable de se hisser au niveau des standards de l'époque en terme de scénario, de graphismes ou de développement. Oui parce qu'en 2016, rappelons-le, il est très important qu'un jeu offre un scénario extrêmement élaboré. Même s'il est estampillé Mario. On ne le dira jamais assez. Et gare à lui si ses graphismes ne sont pas à la hauteur. On ne dirait pas comme ça, mais sans ces deux éléments déterminants, il est absolument impossible – c'est prouvé – d'avoir droit aux pages cultures de Libération. Im. Pos. Sible. S'il est d'une manière générale assez difficile à quiconque de plus de treize ans d'être d'accord avec la pensée dominante sur les sites référents (jeuxvideo.couilles et gamecul, ou un truc comme ça), c'est carrément la consternation qui prévaut à la lecture des avis concernant ce jeu – ne serait-ce que parce que ces sites pourtant d'un unanimisme à la limite du suspect1 semblent tous s'être passés le mot pour dégommer ce pauvre jeu, symbole de la décrépitude d'une firme dont les dernières sorties sont toutes des bides. Faut-il préciser que dans le monde ultra-mainstream du jeu vidéo, on n'honore jamais que les plus forts ?

Mais récapitulons. Car avant de déterminer ce qu'est Paper Mario Sticker Star, il convient de rappeler ce qu'est Paper Mario – tout court. Soit donc, à l'origine, un des rares RPG de la Nintendo 64, lui-même émanation d'une aimable plaisanterie parue sur une Super NES agonisante, Super Mario RPG. Si ce dernier, qui ambitionnait de faire du Final Fantasy dans l'univers de Mario (et était d'ailleurs produit par Squaresoft), n'a jamais eu de suite, il a en revanche eu une belle descendance, puisque Paper Mario fut un succès suffisant pour rejoindre la longue liste des franchises maisons (Mario Kart, Mario Party, Mario Tennis, Mario Safari, Mario Curling, Mario Porn ou encore Mario contre Oui-Oui). Et de s'exporter par la suite sur Game Cube (Paper Mario : La Porte millénaire) et Wii (Super Paper Mario), avec toujours plus du succès et de critiques dithyrambiques (il faut dire qu'à l'époque, Nintendo n'était pas encore un vieil animal blessé obligé de produire des remakes de ses remakes de ses hits pour subsister). Précision utile : je n'ai jamais joué à un Paper Mario plus de deux heures, et je suis à peu près sûr que c'est une excellente chose pour découvrir ce premier épisode portable.

Ah oui au fait : Paper Mario s'appelle comme ça parce que... enfin bon, vous avez compris.

Paper Mario Sticker Star a en effet pour particularité de rompre avec le gameplay habituel de la série (soit donc celui d'un RPG toadstoolisé) pour initier un système proche de ces antiques (et imbitables) RPG japonais des années 80 transposant littéralement les jeux de plateau et leurs cartes à jouer en version vidéo. Mais si, ne faites pas les innocents : vous aussi, vous avez un jour essayé de comprendre comment ça fonctionnait. Bref, les principes de jeu de Sticker Star sont tout de même nettement plus simples à assimiler, puisqu'en gros, Mario se promène dans des zones ressemblant fortement à des niveaux de Super Mario, décollant des murs des stickers qui seront autant d'armes bien utiles dans les nombreux combats au tour par tour qui l'attendent. Hein ? Quoi ? Dans quel but ? Euh... alors attendez, j'ai fini le jeu il y a un moment... je crois que j'ai complètement oublié le scénario. Il y a un truc avec une fête des stickers qui tourne mal, des stickers magiques qui partent au quatre coin du pays et Bowser qui pète un câble et devient super vénère (apparemment juste avant, il était très calme et sympathique, mais pas de bol ils ont oublié de faire un jeu à ce moment-là pour raviver sa réputation). Anyway! On s'en fout un peu du scénario, ce qui signifie pas que les développements scénaristiques soient inexistants – nous allons y venir.

Très rapide à prendre en main et, cela va sans dire parlant d'un Mario, extrêmement bien réalisé (la 3D stéréoscopique de la DS fait vraiment des merveilles), Paper Mario Sticker Star s'avère cependant assez rapidement bien plus complexe et bien moins enfantin que ce que son univers coloré laisse supposer de prime abord. Très vastes et regorgeant de secrets en tout genre, les niveaux ne se finissent pas en cinq minutes montre en main (comptez plutôt un bon quart d'heure minimum en ligne droite – ce qui est extrêmement long pour un jeu DS moyen), et s'avèrent rapidement non seulement variés et inventifs, mais encore sacrément retors. En cela, Sticker Star s'inscrit immédiatement aux antipodes des précédentes apparitions de Mario sur console portable, qu'elles soient RPG ou non (je pense en particulier au tristounet New Super Mario Bros. 2, qui se joue quasiment en activant le pilotage automatique). Il faut un certain temps pour parfaitement comprendre l'utilité de chaque sticker, et une sacrée dose de réflexion pour les utiliser au bon moment. Surtout – et c'est sans doute ce qui lui a valu les critiques tiédasses qu'il s'est attiré – il propose un véritable challenge, ce qui est devenu très inhabituel chez Nintendo, à quelques rares exceptions près. Pis, ce challenge repose pour bonne part sur des éléments typiquement old school (j'entends par-là : typiques des jeux de l'époque où j'étais un gamer de haut vol), soit donc des contraintes, non pas tant dans la liberté de circulation (le monde est assez ouvert et, de toute façon, chaque niveau est suffisamment foisonnant pour que le besoin d'exploration de chacun soit satisfait) que dans l'utilisation des fameux stickers. Car le petit carnet dans lequel on les stocke est... un petit carnet, précisément. A une époque - et sur une console - où la vie, les items et l'argent infini sont quasiment devenus une norme, où à l'image de The Legend of Zelda : A Link Between Worlds on a habitué le joueur à avoir tout, tout de suite... Sticker Star fait carrément tache, puisqu'il nécessite de surveiller (et trier) continuellement le stock d'auto-collants et de réfléchir (quelle horreur) à l'utilisation que l'on va faire de chacun. Une réflexion (beurk beurk beurk !) exacerbée s'agissant des "stickers de trucs", transformés à partir d'objets en apparence inutiles ramassés au quatre coins du monde, et qu'on n'utilisera rapidement qu'avec la plus grande parcimonie une fois compris qu'on risquait de bien galérer (ou de dépenser beaucoup de thunes) pour les récupérer si d'aventure ils n'avaient pas été consommés à bon escient. Mais c'est bien évidemment ici que réside tout le plaisir. Quel soupir de soulagement à la fin de chaque monde, de voir une page s'ajouter au cahier... page qui sera bien entendu bien vite remplie et dont on se demandera surtout comment on faisait sans elle une heure auparavant.


C'est tout le paradoxe de cette mini-réforme des principes de Paper Mario : apparemment bien plus simple, si ce n'est carrément simpliste (il n'y a par exemple plus de niveau d'expérience, l'endurance du héros augmentant à la manière des fragments de cœurs de Zelda), il s'avère rapidement que l'on y avance bien moins tambour battant que dans ses prédécesseurs. Long, riche, parfois assez tordu, il ne se boucle pas en trois heures de temps mais nécessite de longues phases de recherche, de réflexion et d’observation, sans jamais être fastidieux2. Parce que, cerise sur le gâteau : il est drôle, ce jeu. Très. Voilà bien longtemps qu'on n'avait pas vu une aventure de Mario aussi fantaisiste, enlevée, barrée... parfois presque parodique dans sa manière de revisiter avec humour les conventions et l'univers du plombier. Alors que ce dernier donnait de plus en plus souvent l'impression d'errer dans des jeux prometteurs mais constamment inachevés (une constante sur une console dont les soft ont pris la mauvaise habitude de presque tout donner dans les cinq premières heures), le voici embarqué dans une quête qui occupe durant des semaines, au travers de chapitres extrêmement inventifs et soignés, tant dans les situations qu'en terme de level design pur. Alors non, on n'a pas affaire ici à un véritable RPG, mais plutôt à un jeu d'aventure mixant des éléments de Paper Mario avec d'autres issus de Zelda ou ailleurs. J'avoue même en avoir été un peu surpris – et déçu – durant la première partie, en me disant que tout ceci était fort joli mais risquait de s'avérer un tantinet répétitif au bout d'un moment. C'est tout le contraire qui s'est produit ; Paper Mario Sticker Star m'a non seulement happé durant plus de trente heures, mais encore m'a poussé à faire des choses que je n'avais plus faites depuis des années face à un jeu vidéo : contempler de longues minutes un écran et me torturant les méninges pour déterminer la marche à suivre, suer en affrontant un boss, piailler en le battant, faire la liste des objets trouvés/perdus/utilisés/collectés, éclater de rire en rencontrant Kamek3... et j'en passe. On a assez souvent l'occasion de reprocher à Nintendo de reposer sur ses acquis pour ne pas se féliciter de la voir sortir de sa zone de confort. Alors soit, je n'avais peut-être pas besoin d'insulter la quasi totalité des joueurs du pays pour le faire. Mais franchement, c'était quand même vachement plus marrant comme ça.


👑 Paper Mario Sticker Star 
Aventures/RPG, Nintendo 3DS | Nintendo, 2012


1. Rappelons que sur jeuvideo.orgasme, la moyenne générale de tous les jeux chroniqués depuis le dépôt du nom de domaine est d'approximativement 18,7.
2. Si ce n'est peut-être pour remplir le musée des stickers – d'ailleurs je vous arrête tout de suite : ça ne sert à rien. Ne faites pas comme moi, ne vous emmerdez pas à chercher TOUS les objets dans TOUS les niveaux, vous seriez terriblement déçus.
3. Ah non, pardon, ça c'était tout nouveau pour moi. Putain, Kamek est drôle. Bordel de Dieu.

15 commentaires:

  1. Mais il y a eu des jeux vidéo après 1997 ?

    Mario, en plus ?

    :-)

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  2. Je ne sais pas ce qu'on en dit mais je suis d'accord avec toi : ce jeu est génial :) Un de ceux auxquels j'ai le plus joué depuis 2 ou 3 ans et le meilleur que je connaisse sur DS/3DS :)

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  3. Dites Monsieur, il me semble qu'il y a un peu de laisser aller au niveau de la rubrique best of à droite ;))

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    1. Pourquoi ça ? Au contraire, je fais vachement gaffe à ce que ce soit varié et ponctuel. Hier j'ai été contraint de changer le module un peu tard, du coup j'ai changé un peu tard (mais moins) aujourd'hui, normal.

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    2. Evidemment si tu ressors ton super article sur Weezer je suis obligé de me taire ;)

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  4. Mais il y a eu des jeux vidéos après 1983 ?

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    1. Il paraît même qu'un de tes homonymes s'est taillé quelques succès ^^

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  5. C'est un excellent jeu c'est clair, mais sans vouloir accorder du crédit à des critiques qui n'en mérite pas c'est difficile de pas le trouver beaucoup moins génial que les Paper Mario NGC et Wii qui sont tout simplement des CHEF-D’ŒUVRE. Dire qu'il est plus difficile montre bien que tu n'as pas assez joué sur ces derniers qui sont inépuisables dans le genre, tu peux y rejouer des milliers de fois alors que Sticker Star tu as déjà tellement refait les niveaux la première fois que tu n'as pas trop envie d'y rejouer après.

    Enfin ce n'est que mon avis :-)

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    1. Bah... vu ce que j'écris en intro, je ne peux pas vraiment le contester ^^

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  6. Mais comment fait-on pour joueur aux jeux vidéo quand on a le syndrome du canal carpien ? ;P

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    1. Réponse évidente : on ne peut pas :D

      D'ailleurs, l'article lui-même était déjà écrit depuis un moment.

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  7. Bon, je viens de l'acheter pour mes enfants. Et rien que pour eux bien entendu ;)

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