dimanche 2 juin 2013

The Dark Tower : The Wind Through the Keyhole - Intermédiaire, mais surtout facultatif.

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Le premier réflexe, c'est de s'étonner de la complaisance avec laquelle ce nouvel épisode de The Dark Tower a été reçu. En général, ce genre d'initiative (relancer - même temporairement - une série déjà terminée depuis plusieurs années) a plutôt tendance à diviser les fans, ce qui est d'ailleurs très compréhensible. Après avoir instinctivement mis le livre dans mon panier d'achats au moment de sa parution il y a quelques mois, j'ai mis du temps à l'ouvrir, pas sûr finalement d'avoir envie de reprendre le chemin de la Tour de cette manière, avec un livre présenté comme intermédiaire et - plus inquiétant encore - susceptible d'être lu par les non-familiers de la saga du King. Une idée pour le moins saugrenue sur le papier, qui d'ailleurs s'avèrera - nous y venons - un gros foutage de gueule tant on se demande ce que pourra bien comprendre quelqu'un n'ayant pas parcouru non seulement les quatre premiers tomes du cycle, mais également tous les autres, auxquels les allusions sont innombrables. Difficile, donc, de ne pas s'étonner d'avoir croisé si peu de réactions un minimum cyniques face à cette sortie, The Dark Tower étant devenue depuis son terme une franchise juteuse comptant moult produits dérivés (souvent d'ailleurs de bonne qualité) et l'idée d'une adaptation refaisant surface environ une fois tous les huit mois (au moment de la publication de The Wind Through the Keyhole, elle était d'ailleurs à un stade avancé et annoncée pour 2013, tiens donc. Avant d'être abandonnée. Comme d'hab. Et sûrement tant mieux). Sans compter qu'il ne s'agissait pas seulement d'exhumer un épisode inédit, mais d'en écrire un tout nouveau tout beau, dans une époque où la qualité de la production du King, si elle demeure redoutable, n'est peut-être plus tout à fait ce qu'elle était il y a dix ans.

Tout ça pour dire que pas grand-chose ne me motivait pour me lancer, que le bouquin commençait à prendre la poussière et que plus je lisais de commentaires enthousiastes et moins j'avais envie de l'ouvrir. Je ne le regrette finalement pas, même si cela dit je ne comprends pas beaucoup plus tous ces articles dithyrambiques. En revanche et c'est tout le problème, j'aurais aussi pu bien ne jamais m'y coller et mourir très heureux en ayant su tout ce qu'il y avait à savoir de ce fabuleux univers et de ces formidables personnes. C'est peut-être bien tout le paradoxe de ce petit livre : si à un aucun moment il ne paraît sérieusement être en mesure de s'adresser à un public non-initié, il fait beaucoup d'efforts pour y parvenir et a tendance, de fait, à oublier les attentes de l'autre public - celui capable de reconnaître ce bon vieux [SPOILER] à des kilomètres, qui n'a guère besoin qu'on lui re-contextualise constamment les évènements.

Dans les faits, l'étrange entreprise prend donc l'apparence de deux histoires et demi imbriquées les unes dans les autres, une technique du récit-dans-le-récit-du-récit très régulièrement - parfois même un peu trop - employée dans la saga "originelle", qui a le mérite d'aller à l'essentiel mais fonctionne évidemment moins bien dans le cadre d'un court roman de trois cents pages que dans celui d'une œuvre monumentale en sept huit tomes. L'entame (une poignée de pages mettant en scène le Ka-tet de 19, principalement pour le plaisir de faire coucou aux fans car ils n'ont rien à voir avec le reste) est assez laborieuse, pas franchement naturelle et on se dit que c'est finalement assez bizarre de retrouver ces personnages de manière plus ou moins déconnectée du reste de leurs aventures. Sans doute parce que l'auteur ne cherche pas à leur apporter quoi ce soit de plus, ils semblent assez caricaturaux et on se retrouve un peu gêné de lire des phrases qu'on a l'impression d'avoir déjà lues cent fois dans les autres ouvrages (du genre "parfois, Detta Walker réapparaissait subitement en Susannah"... autant dire que le néophyte n'y comprendra goutte et que le fan, de son côté, n'avait pas besoin d'une explication). La principale motivation à cette lecture était de retrouver ces héros si singuliers, et on se surprend à être presque soulagé lorsque Roland entame son récit au coin du feu et qu'on entre dans le vif du sujet.

Une bonne nouvelle en amenant une autre, c'est à partir de ce moment que l'on commence à se sentir beaucoup moins circonspect. D'une part parce qu'explorer un peu plus la jeunesse de Roland et l'univers de Gilead n'était pas du luxe ; il y avait là une matière riche, complexe, qui aurait presque pu donner lieu à une nouvelle série tout à fait différente de la première. C'est donc avec un certain intérêt qu'on s'engouffre dans ce deuxième récit, même s'il faut bien reconnaître que dans sa volonté décidément curieuse de signer un épisode stand alone, King ne nous apprend finalement pas grand-chose que nous ne sachions déjà et préfère se concentrer sur un récit oscillant entre pastiche de western policier et histoire d'action plutôt rondement menée (qu'importe que la chute soit finalement prévisible). On pourrait assez facilement raconter la même histoire en virant toutes les références au reste du cycle, et dès lors sans doute ne resterait-il plus qu'une petite nouvelle sympa. Ce qui n'est déjà pas mal.

Ironiquement c'est dans une troisième partie sans Roland ni la plupart des personnages de la série que King, ce petit fripon, retrouve réellement le souffle de sa saga. A la différence du reste du roman, il semble enfin réussir son projet : rédiger une histoire en lien direct avec cet univers, qui puisse réellement faire office d'extension. Les références sont multiples mais extrêmement discrètes et surtout, ce petit conte initiatique s'avère solidement construit et rythmé, plein de fantaisie... bref, tout ce que ce qui l'a précédé n'était jamais. Arrivé au milieu du livre, on a enfin le sentiment que l'auteur réussit à se lâcher, comme si l'entame de ce premier épisode depuis sept ans lui avait collé une pression d'enfer mais ouf : c'est fait, et maintenant on va se faire plaisir. Or, les bons textes de King ne fonctionnent que là-dessus : lorsqu'on sent qu'il est tout à ce qu'il écrit et prend son pied à raconter juste pour raconter. Dans sa seconde moitié, The Wind Through the Keyhole est donc un bon - parfois même très bon - texte de King, qui rappelle souvent le mésestimé Eye of the Dragon (qui lui-même s'inscrit dans le paratexte de The Dark Tower), et dont les moments de génie ont tendance à re-hausser le niveau de l'ensemble tout en créant dans le même temps un contraste assez saisissant avec une première moitié trop lente et maladroite. Si d'aventure l'auteur se piquait à nouveau de reprendre le chemin de la Tour, ce qui semblait invraisemblable il y a encore un an et paraît désormais plus que probable, on ne saurait trop lui conseiller à l'avenir de suivre cette direction-là : explorer l'univers en créant de nouvelles histoires à la périphérie de la saga, plutôt que de reprendre des personnages et des lieux connus pour ne faire finalement que jouer à King qui écrit The Dark Tower.


The Dark Tower : The Wind Through the Keyhole 
Stephen King | Grant, 2012

10 commentaires:

  1. J'ai même pas été au bout. Soporifique.

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  2. J'ai trouvé que c'était une lecture agréable. Après, on est en droit d'attendre plus que cela d'un épisode de la Tour sombre, c'est certain.

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  3. Un peu comme Bloom.

    Ce sont des petites nouvelles agréables retapées à la va-vite en roman, rien de plus. Mais on ne s'ennuie pas, enfin pas moi, en tout cas.

    Par contre je ne suis pas du tout d'accord avec ta conclusion, et je ne veux surtout pas que King en fasse une habitude !!

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    1. Ah mais je te rassure, je ne le veux pas non plus ! Simplement à partir du moment où il l'a fait une fois, je ne vois pas de raison qu'il ne le refasse pas...

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  4. j'hésite j'hésite... c'est vrai que des nouvelles dans l'univers de la Tour Sombre, ca pourrait etre pas mal. J'ai un excellent souvenir des épisodes des "Loups de la Calla" en marge de l'histoire principale, qui aurait pu faire une bonne nouvelle indépendante. Ou de la jeunesse de Roland dans le 4eme tome.
    En revanche si c'est pour se faner des histoires avec les personnalités multiples de Suzannah, non merci...
    bref, je suis entièrement d'accord avec ta conclusion...

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    1. Bon alors, je précise bien au cas où que le truc sur Suzannah n'est qu'un exemple, ce n'est pas du tout de ça que parle le livre, hein ^^

      Sinon ben... oui, je pense qu'il y aurait suffisamment de choses à raconter à la périphérie de cet univers pour ne pas avoir besoin de ressortir des personnages ayant vécu leur vie. Ce qui éviterait aussi accessoirement de rajouter des tomes intermédiaires dans une chronologie déjà bien compliquée, le cas échéant.

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    2. D'autant qu'il y a de nombreuses zones d'ombres dans la série "originale". Par exemple tout ce qui tourne autour de John Farson, "l'homme de bien", dont on entend beaucoup parler, dans les épisodes de la jeunesse de Roland, sans trop savoir, à la fin, de quoi il s'agit exactement.

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    3. Effectivement, le cycle fourmille de backstories purement décoratives qui, quitte à écrire des tomes "bonus", pourraient être exploitées.

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