jeudi 28 août 2008

The Rascals - Efficace & Prometteur

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Selon la Prophétie, un Homme un jour se lèvera qui dira à tous les chantres du revival rock’n’roll des années deux-mille : « Hey les gars, c’est fini tout ça. Vous êtes des vieux maintenant – va falloir céder la place ». Les autres le regarderont d’un air interloqué, cet étrange héros évidemment très jeune, très beau et très anglais. Pas franchement effrayés et carrément énervés. Carl Barat s’avancera furax, défiera le Messie du regard… puis tombera à genoux et fondra en larmes. Alors le jeune homme posera la main sur sa tête, sourira tendrement, se penchera… et murmurera à son oreille : « Je te pardonne, Carl. Je pardonne tes offenses et je pardonne même ton Romance at Short Notice de pépé. » Et le visage de Barat de s’illuminer, reconnaissant : « Merci… merci mille fois… Miles. »

Oui, car le Messie – on a oublié de vous le dire – s’appelle désormais Miles, Jésus étant déjà pris par un hippie ressemblant vaguement à Sébastien Tellier.


La Prophétie, donc, voudrait que The Rascals soient ni plus ni moins que la Relève avec un grand « R ». La nouvelle génération qui balaiera l’ancienne, celle qui a grandi dans le même bac à sable qu’Arctic Monkeys, qui s’est élevée à l’écoute de The Coral, des Libertines ou des Queens Of The Stone Age… bref : Rascalize est censé (du moins selon les écrits bibliques de la presse britonne) symboliser le premier jour du reste des années deux-mille, le début d’une nouvelle vague à défaut d’une nouvelle ère.

Rien de bien nouveau en effet du côté de Liverpool sinon une rage sourde et une incandescence comme on en avait plus vues depuis un bon moment en Angleterre. N’y allons pas par quatre chemins : Rascalize est sans doute le meilleur debut-album que le rock anglais nous ait offert en 2008 ; les Rascals ne font pas différemment des autres, mais ils le font mieux, bien aidés en cela par la production grondante et cotonneuse de Ben Hiller (producteur éclectique à qui l’on doit notamment le dernier – ainsi que le prochain – Depeche Mode). Si la première écoute laisse un peu sceptique les compos font leur chemin et les doutes se dissipent assez rapidement tant l’album se révèle bien plus complexe et sinueux qu’on le croirait de prime abord. Pincée de shoegazing ici ("Rascalize"), psychélisme ténébreux là ("Out of Dreams"), accélérations furieuses ("Stockings to Suit")… les Rascals ont tout pour plaire, et l’on peine à comprendre pourquoi leur premier opus (après trois excellents EPs) recueille tant d’échos tièdes sur le Net, depuis sa sortie anglaise en juin.

Car le fait est que Rascalize n’a rien de détestable et s’avère même souvent plus inventif que la mélasse revival habituelle : nerveuse et tendue à l’extrême, "Do Your Husband Know That You’re on the Run?" est exactement le genre de chanson qu’on n’espère plus entendre sur le prochain The Verve… "Rascalize" (la chanson) fait office de slogan teigneux et groovy, façon Pop Will Eat Itself des débuts (ou Happy Mondays de la fin, ce qui revient au même)… "Bond Girl" glisse dans les enceintes avant de les détruire et évoque immanquablement les Queens Of The Stone Age période Nick Oliveri… non vraiment, difficile de comprendre ce qu’on pourrait bien trouver d’ennuyeux à cet excellent premier opus – du moins lorsqu’on aime le genre : qu’une personne totalement réfractaire au revival RNR des dernières années ne supporte pas une minute de la redoutable "People Watching"… ça peut se comprendre. Qu’un amateur d’Arctic Monkeys (qui n’est pas non plus – n’exagérons rien – le plus grand groupe de la décennie) puisse ne pas goûter Rascalize, en revanche… il y a quelque chose d’étonnant, sinon d’inquiétant. Surtout lorsque d’aucuns résument honteusement The Rascals à des clones sans saveur des singes susnommés, quand les mêmes singes pourraient tout aussi bien être taxés de clones sans saveur de dix autres groupes (le rock se mordrait la queue ? Quel scoop, mes enfants…). Peut-être le public commence-t-il tout simplement à se lasser de tous ces groupes à guitares ? Possible.

Auquel cas il serait franchement dommage que les Rascals en fassent les frais : à défaut de sauver le rock’n’roll, Miles Kane a tout ce qu’il faut là où il faut, des chansons qui tiennent (pour certaines très bien) la route, des refrains assassins ("I’ll Give You Sympathy") et un groove furieux comme on en entend pas si souvent. La relève ? Un peu mon neveu : à l’heure où les revivalers de la première génération s’avèrent tous plus décevants les uns que les autres il est finalement rassurant de voir que derrière ça se bouscule au portillon. Ils s’appelaient The Horrors l’an passé, ils s’appellent The Rascals cette année. Nul ne peut dire s’ils dureront ou bien s’ils ne passeront pas l’hiver – dans le fond est-ce si important ? Ces jeunes gens sont là et bien là, leurs albums sont nerveux et braillards… ils tiennent pour l’heure le flambeau et c’est bien tout ce qui compte…


👍👍 Rascalize 
The Rascals | Deltasonic, 2008