mercredi 13 mars 2013

Lettre à une Môman

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Chère Maman de Lyle,

Je me permets de vous écrire car votre cher bambin m'a souvent dit que vous nous lisiez avec intérêt, généralement dans le but de me faire comprendre que je ne devais pas écrire trop de conneries sur ce site. Or je me rends bien compte que depuis quelques temps, notre ligne éditoriale ne convient sans doute plus vraiment à une lectrice de votre standing. Je m'en excuse. C'a commencé il y a quelques semaines, un peu par défi, avec une chronique de concert de rap. Je sais bien que pour vous, ce n'est pas de la musique - sachez tout de même que c'était Lyle que je voulais embêter (pas vous). Aujourd'hui, au moment de récidiver, je suis presque gêné d'évoquer Iggy Azalea ; j'ai eu beau y repenser toute la nuit, je n'ai trouvé aucun moyen de le faire avec la politesse et l'élégance caractérisant habituellement Dans le mur du son. Cette classe discrète qui fait que nous arrivons toujours à évoquer avec pudeur et à propos moult chanteuses indie-folk dépourvues de look et dont le seul minois fait office de set-list. Dans le cas d'Iggy Azalea, je n'ai trouvé aucun qualificatif qui ne heurte pas votre sensibilité de lectrice fidèle, c'est pourquoi il m'a semblé nécessaire de prendre quelques précautions avant d'écrire que ce concert comportait trop de fringues et pas assez de musique, qu'une telle bitch mériterait de passer dix minutes en tête à tête avec deux ou trois dockers des Balkans ou que... non, même après vous avoir prévenue, je n'oserai pas écrire la dernière phrase. Sinon, c'était rigolo et, disons : énergique. Un peu vulgaire aussi, mais vous savez quoi, Maman de Lyle ? Je crois que c'était plus vulgaire musicalement que visuellement, ce qui n'est pas peu dire vu le concours de bitcho-poufferie inauguré par ce qui n'était heureusement qu'une première partie. Vous me direz (et vous aurez raison de me le dire), qu'attendre d'une nana qui a la chance de s'appeler Amethyst mais trouve qu'Iggy est un nom de scène plus cool ?

Oui parce qu'en fait, nous étions venus voir Nas. Peut-être que vous connaissez un peu, on peut l'entendre parfois sur des radios même si non, pas France Bleu. Nas, c'est quand même pas n'importe qui vous voyez. C'est quand même une petite légende, comme le laisse supposer sa présence à L'Olympia (quand on y pense, d'ailleurs). J'essaie de trouver une comparaison pop ou variété afin de vous faire prendre la juste mesure de ce qu'il représente, mais je ne trouve rien qui vous parlerait instantanément. Tant pis : je continue ma chronique.

Donc Nas, c'est un monsieur énergique qui ne se laisse pas démonter par le premier Olympia venu. Son show est plutôt minimaliste, à un écran moche (et parfois difficilement lisible) près, et il aurait tort de se priver : il a bien assez de présence pour se dispenser des chichis habituels. Une mauvaise langue pourrait ajouter qu'il n'a pas besoin de deux poufs remuant de lourds fessiers pour capter l'attention du public. Lui, il s'en fout totalement : il a une classe affolante, n'éprouve pas la nécessité d'en faire des caisses et des caisses et envoie le bois tranquillement, à peine campé sur son très bon dernier opus (Life Is Good. Je vous le recommande, Maman de Lyle.) Sans véritable folie, peut-être, mais avec une indéniable efficacité (il faudrait de toute façon se lever de bonheur pour complètement foirer un concert avec un tel répertoire). Seul bémol (enfin seul autre bémol si je compte la blondasse qui n'arrête pas de reculer et de coller ses fesses contre moi : ON NE RECULE PAS A UN CONCERT, CONNASSE), le son me semble assez pâteux et ne rend pas forcément hommages aux instrus (un ami fera cependant la remarque exactement inverse en sortant, alors vous n'êtes pas obligée de me croire). Pour moi en tout cas, ça ne le fait pas trop et surtout, ce n'est vraiment pas assez fort. Vous comprenez, à un concert en général et de rap en particulier, j'aime pouvoir fermer les yeux et laisser les beats se substituer à mon organe (je parle de mon cerveau ! Enfin ! Maman de Lyle !!!) Cela ne marche pas très bien puisque sur les intros de certains morceaux, j'entends plus les cris du public que la musique. Mais bref, ce n'est pas grave au point de me gâcher tout le set, d'autant qu'avec une orientation franchement best of, ce dernier semble avoir été composé tout exprès pour que moi aussi, je puisse jouer à brailler les refrains (je ne connais pas tous les albums de Nas par cœur, je le confesse). ‘Represent’, ‘Hip Hop Is Dead’, ‘Got Yourself a Gun’... il y a de quoi faire, même si l'accumulation de medleys peut parfois s'avérer un brin frustrante. Le meilleur moyen de contenter plus ou moins tout le monde et de caser un maximum de classiques en un minimum de temps (1h15 à tout casser), je suppose. A en juger par les mines satisfaites – voire joyeuses – de mes voisins de fosse, ça marche. Moi, je ne vous le cacherai pas, je me suis senti par instants un peu extérieur au concert ; j'étais un peu mal foutu, j'avais froid, je n'étais pas assez dans mon assiette pour me laisser totalement embarquer et n'ai pas trouvé, d'ailleurs, l'atmosphère aussi bouillonnante que ce à quoi je m'attendais. Cela n'a cependant rien à voir avec la prestation elle-même, tout à fait impeccable.

Sur ce Maman de Lyle, je vous souhaite une bonne continuation sur Dans le mur du son. Si vous êtes sage et si vous avez aimé cette petite lettre, je vous en écrirai peut-être une seconde pour vous raconter mon prochain concert de heavy metal.

Thominounet