vendredi 22 février 2013

Endymion - Sommeil du juste

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Si l'on considère que j'ai raconté précédemment comme j'avais eu un mal de chien à entrer dans Hyperion, je ne sais même pas comment exprimer mon sentiment vis-à-vis de la lecture d'Endymion, premier tome de la seconde série des Cantos, un genre de sequel dont il faut bien dire qu'il porte particulièrement bien son nom. Ah ça : il y en a eu, de la séquelle, l'objet m'ayant occasionné un prodigieux nombre de migraines, pour finalement me plonger dans l'une des plus longues "pannes de lecture" de toute mon existence. Et le pire, c'est qu'il n'y avait même pas de quoi : Endymion est a priori beaucoup plus facile d'accès que son glorieux prédécesseur, doté d'une narration bien plus linéaire et d'un synopsis autrement moins farfelu. Non, la vérité nue, c'est tout simplement que cela ne m'a pas intéressé une demi-seconde passées les dix premières pages.

En gros, Endymion raconte l'histoire d'un mec qui s'appelle Endymion (je vous avais dit que c'était plus simple), et qui a ressuscité alors qu'il avait refusé le cruciforme et aurait dû théoriquement mourir de mort définitive (ne riez pas, l'expression est quasiment écrite telle quelle). Légèrement perplexe (on le serait à moins), il entreprend de nous raconter sa vie de (quasi) Roi mage, principalement pour passer le temps et aussi un peu parce qu'il porte un lourd fardeau que nous sommes conviés à découvrir au fil des pages. Problème majeur : on s'en tape complètement. On a beau retrouver avec plaisir l'univers ultra-référencé et ultra-pré(ten)cieux de la série, le style de l'auteur comme plusieurs personnages phares des épisodes précédents... la mayonnaise ne prend jamais, et les Voyages d'Endymion (le titre en VF) prennent l'allure d'une odyssée barbante (quoique parfois joliment écrite) à travers des mondes dont se tamponne et à la rencontre de gens dont on n'a rien à carrer.

Pourquoi ? Comment ? Faisons court : il manque à Endymion le goût de la démesure, l'espèce de folie parfois (souvent) malsaine qui hantait Hyperion. Ouvrage culte, le premier cycle de la saga de Simmons n'en était pas moins un texte singulier, prenant tous les codes de la SF à revers, riant de son propre souffle épique et faisant preuve d'une si évidente cruauté vis-à-vis de ses personnages que l'on ne pouvait décidément pas ne pas trouver cela au minimum plaisant. S'il essaie d'en reproduire fidèlement l'essence, ce livre-ci a bien du mal à faire croire qu'il est autre chose qu'un vulgaire produit dérivé, à la construction plate et au style abrutissant de redondance. Plus empathique (et emphatique aussi, d'ailleurs), Endymion est au moins aussi pompier sans jamais retrouver cette inspiration baroque et cette ironie mordante qui caractérisaient Hyperion, et permettaient d'avaler l'in-avalable, de se laisser fasciner par l'imbitable, de digérer des kilomètres de références parfois lourdingues, d'avaler des quintaux de mysticisme à faire virer Philippe de Villiers bouffeur de curés. Virtuose du roman progressif comme d'autres le sont du rock, Simmons était jusqu'alors sur le fil, et voici qu'il retombe lamentablement du mauvais côté : son émotion se fait pathos, sa spiritualité verse dans la religiosité bas de gamme, son ingéniosité narrative se métamorphose (on le voit parfaitement arrivé à la moitié) en démonstration pénible et vaine (double pléonasme). Pour vous dire le niveau cette lecture, qui s'inscrivait dans feu le Cantos Golden Challenge, mené conjointement avec ma (con)sœur yueyin, a coûté la vie à notre petite entreprise. Mais à quoi sert ce livre ?!!! finit par s'écrier le lecteur, légitimement désespéré, après cinq-cent-et-quelques pages de torture (pour ce qui est du sadisme au moins, Simmons n'a pas changé entre les deux séries - le problème c'est qu'il s'en prend désormais au lecteur). La réponse est d'autant plus évidente que l'auteur fait à peine l'effort de laisser la question en suspens : justifier l'existence de cette horreur de Shrike, soit donc, en plus de la médiocrité de l'ensemble, démythifier un concept qui fascinait principalement parce qu'il semblait insaisissable. Sans surprise, c'est l'auteur qu'on finit par rêver de voir pendu à son arbre aux suppliciés.


👎👎 Endymion 
Dan Simmons | Firethorn Press, 1995

14 commentaires:

  1. J'ai détesté moi aussi (mais comme presque tout le monde: tu jettes un œil aux critiques sur le net, le livre se fait massacrer une fois sur deux). Tout ce qui est super dans Hyperion n'est pas dans Endymion, à la limite ce n'était pas plus mal d'arrêter votre "challenge" ici.

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    1. J'ai pu constater ça car, au bout de 200 pages à me faire prodigieusement chier, j'ai fini par aller jeter un œil sur le Net afin de vérifier qu'il y avait bien une histoire qui commençait à un moment. Et je n'ai pas été déçu du voyage. J'aurais peut-être dû commencer par me renseigner avant d'acheter le bouquin (pensant mener le Cantos Golden Challenge à son terme j'avais tout de même investi dans la bonne grosse édition compilant Endymion et le tome suivant, que je n'ai évidemment jamais lu.)

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  2. Enfin, Simmons a-t-il ce qu'il mérite.
    Vous n'avez plus qu'à rectifier les articles précédents.

    ;-)

    BBB.

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    1. Je sens poindre quelque chose ressemblant à de la jubilation... ;-)

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  3. Ah merde, ça donne presque envie de le lire :)

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    1. Oui eh bien, n'en fais rien, car c'est vraiment une grosse purge. Autant parfois il y a des trucs tellement mauvais qu'ils en deviennent bons, autant là c'est juste un truc d'une longueur indécente, qui ressasse les mêmes idées pendant des pages et des pages et qui, en plus d'être sans intérêt, et à pleurer d'ennui.

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    2. Sûr que pour un livre c'est plus fatigant que pour un film :)

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  4. Je n'ai aucun souvenir de ce livre, mais je ne crois pas que je l'avais détesté. Je crois par contre que j'avais mis très longtemps à le finir et que j'avais même abandonné plusieurs fois.

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  5. J'adore la comparaison avec le prog-rock, c'est tout à fait ça :-)

    De toute façon Dan Simmon, ça a toujours été de la SF très prétentieuse et qui s'écouter parler. Je préfère encore un bon vieux space opéra.

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  6. ça m'a fait un effet de ce style sur tous les bouquins de simmons que j'ai tenté de lire après hypérion, genre aucun intérêt^^; je me rappelle à l'époque avoir enchaîné sur pierre bordage, un style d'écriture plutôt rustique mais des histoires vraiment cools^^

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    1. C'est sûr que Bordage c'est un peu l'antithèse de Simmons.

      Je crois qu'Hyperion marchait bien parce que malgré le décor, les citations innombrables et l'apparente complexité de l'intrigue, ça restait une histoire assez humaine articulée autour de personnages relativement forts. Endymion, même s'il est plus linéaire, c'est l'inverse : c'est un livre qui raconte le décor et ne s'intéresse pas tellement à ceux qui le peuplent.

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