dimanche 29 avril 2012

CINQ SAISONS EN ENFER - Première partie

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Hasard ou coïncidence, mystère ou boule de gomme... figurez-vous que cette année, l'anniversaire du Golb tombe en plein second tour des présidentielles. Cruel dilemme : sacrifier le traditionnel exercice d'auto-célébration pour mettre un dernier coup de latte à Sarkozy ? Ou bien considérer qu'on a assez donné et qu'une semaine off ne serait pas de trop ? Aucun des deux ne me tentait réellement.


C'est alors que l'évidence m'a frappé. Le Golb, Sarkozy, c'est du pareil au même. Ils sont intimement liés. L'un des premiers articles (médiocre et heureusement disparu) de ce blog ne concernait-il pas son livre-programme de 2006 ? L'idée était donc trouvée : faire ce que je n'ai jamais fait jusqu'ici : publier un best of Sarkozy-Le Golb. Une rétrospective (y compris en comptant
Le Journal d'un dépressif, qui n'est plus en ligne depuis plusieurs années). Un dernier inventaire avant liquidation (du mandat de l'autre, hein - pas du Golb) qui permet, en creux, de réaliser à quel point ces cinq années furent surréalistes (et encore ai-je sélectionné, et encore n'ai-je pas écrit sur tous les sujets farfelus imposés par notre Président). A la relecture on notera deux faits marquants : l'humour devient de plus en plus forcé au fur et à mesure du quinquennat ; surtout, on s'aperçoit rapidement que finalement, le spectacle que Nicolas Sarkozy nous offre depuis une semaine y est déjà - pas même en germe. Tout y est, sans exception. Il n'a fait que proposer un concentré. Que caricaturer ce qui était déjà, par bien des aspects, odieusement caricatural.

Je vous invite donc cette semaine à un voyage dans le temps en deux parties, le tout entrecoupé, cela va sans dire, des meilleurs crobs sarkophilesphages dessinés durant cette période par mon camarade Alf (dans le désordre, pour d'évidentes raisons de mise en page). C'est l'histoire d'un mec qui voulait faire président. Et d'un pays qui ne l'aimait pas trop. Puis de moins en moins. Jusqu'à le détester viscéralement, pour l'avoir ainsi laissé pourrir sur place.



I. Intouchable

JUIN 2007. All the Way to Rouen

Impossible de ne pas me dire que dans ce wagon, échantillon représentatif de la population française s’il en est, 40 % des passagers ont voté pour l’UMP. Ce qui signifie que sur dix, il y a en là au moins quatre qui pensent que la France on l’aime ou on la quitte, quatre qui trouvent qu’il y a trop de gens qui profitent du système, quatre qui considèrent qu’on peut détecter les germes de la délinquance à partir de trois ans, quatre qui légitiment l’existence d’un Ministère de l’Identité Nationale, quatre qui… Je peux vous dire qu’avec les dernières élections je vais rapidement faire le tri dans mes amis. [...] Bref, me v’là à chercher l’UMP dans le train comme d’autres cherchent l’erreur, et c’est là que je me dis que les journaleux disent pas que des conneries : les lignes ont vraiment bougé. Parce que dans ce train, à en croire le pourcentage, les électeurs UMP devraient être très largement majoritaires – environ vingt à vingt-trois sièges de TGV sur cinquante dans le wagon. Or ici je ne vois que des braves gens tout à fait charmants… Donc à moins qu’une réforme soit passée dans mon dos qui préconise le parcage de toutes les personnes de gauche dans le même compartiment pour endiguer la contamination penséeunitaire (je rappelle que la pensée unique selon notre nouveau Président désigne stricto sensu toute personne n’étant pas d’accord avec lui), il y a fatalement ici des gens qui ont voté UMP sans en avoir la tronche (ni les moyens : nous sommes en seconde classe). Mine de rien, c’est nouveau : avant Sarkozy on pouvait assez facilement différencier un mec de droite d’un mec de gauche. Aujourd’hui ça devient compliqué. C’est peut-être ça qu’ils appellent l’Ouverture. Auquel cas je trouve qu’on devrait plutôt appeler cela Le Brouillage.

SEPTEMBRE 2007. Police on My Back [Lettre à une ado de 2020]

Ça te semblera peut-être bizarre, mais en 2007 nous, Français de gauche, on était tous un peu choqués par l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. La droite décomplexée à l’époque c’était vachement nouveau, on connaissait pas trop et pour tout te dire on regardait plutôt ça d’un mauvais œil. Avant les loups faisaient semblant d’être des chiens, la situation était peut-être ambiguë mais on comprenait à peu près. Avec l’arrivée de Sarkozy au pouvoir les loups n’ont plus rien fait que de montrer leurs jolis crocs. Si on n’était pas content ils nous faisaient des bras d’honneur, genre Je suis comme ça et alors ? Je t’emmerde espèce d’agneau gauchiste. Honnêtement ça nous a fait tout drôle, quand ils sont arrivés. En plus ils avaient une manière assez hallucinante de pratiquer le révisionnisme non pas historique mais humanitaire : ils ont réussi à faire gober à une majorité de Français qu’en fait, c’étaient eux les gentils. Parce qu’ils faisaient pas semblant d’être des agneaux, ils s’assumaient. Ils disaient tout haut ce que tous les agneaux pensaient tout bas. Et d’ailleurs ces agneaux, ils existaient pas : c’étaient rien que des loups travestis. T’ouvrais la porte de l’enclos qu’ils filaient direct rejoindre la meute hurlante. Tous autant qu’ils étaient. Enfin c’est ce que beaucoup prétendaient alors. [...] A l’époque je croyais sincèrement que ç’allait bouger, alors je me suis pas trop inquiété sur le coup. Pas tout de suite. Comme tous les Français, quoi. J’avais les nerfs mais j’allais pas faire une révolution tout seul. J’ai donc attendu que la France se réveille. J’ai attendu longtemps. Très longtemps même. Et puis finalement, comme tous les autres, j’ai fini par m’y habituer. C’est vrai que ça m’a fait bizarre la première fois que j’ai entendu un syndicaliste déclarer qu’il voulait faire une grève d’une journée qui n’emmerderait pas trop les gens, mais au bout de treize ans la droite décomplexée me gène moins qu’avant. [...] Tout vieux con que je suis cependant je n’ai pas complètement perdu la mémoire. Je me souviens très bien de ces immigrés qui se jetaient par les fenêtres pour échapper à la police… oui, tu as bien lu : à l’époque il y avait des immigrés. En France. J’en ai jamais vraiment connu, parce que la plupart se planquaient pour pas se faire molester pas les keufs (keufs ça voulait dire policier, de mon temps). Mais paraît qu’y en avait beaucoup, et qu’ils en voulaient à nos bien et à nos allocs. Tu parles : quand tu vois ce qu’elles sont devenues aujourd’hui, nos allocs… ça sent un peu le foutage de gueule. Je pourrais pas le prouver, mais je suis presque sûr que les immigrés ils étaient innocents de tout ce dont on les accusait [...] A savoir de tout ou presque. Ne fût-ce que pour une raison somme toute évidente : comment une même personne peut-elle à la fois être un enfoiré qui nous vole notre boulot et un glandeur qui profite de notre système ? C’est pas cohérent : on peut pas à la fois travailler et pas travailler. Enfin sauf cas exceptionnel, évidemment. Genre ministre de Sarkozy… (pardon, tu peux pas comprendre, mais en 2007 c’était une blague très répandue – dans le monde entier – que celle sur le chômage technique des ministres français) … ah là là… excuse-moi de t’emmerder de la sorte avec ma démagogie humaniste d’un autre temps ! C’est que [...] franchement quand je vois à quoi ressemble le pays dans lequel tu fais ta crise d’adolescence… j’ai un peu honte d’avoir rien fait plus tôt. Ça m’a même détruit mes chroniques : si aujourd’hui j’en écrivais une où je fous à la porte ton petit copain arabe ou gitan la référence t’échapperait sans doute. De toute façon des gitans y en avait déjà plus beaucoup en 2007. [...] Moi et mes copains de 2007 on avait raison, mais personne nous a écouté. Les gens ils étaient tous totalement anesthésiés par la Rupture, l’Ouverture et la Théorie du Déclin. Oui parce que tu vois, déjà y a treize ans la France déclinait. Tous les gens sérieux nous l’affirmaient. Et nous on affirmait que c’était plutôt ce genre de propos qui marquaient le commencement de la décadence. On s’égosillait dans le désert à propos d’un retour à l’ordre moral et à la droite dure de la fin XIXeme / début XXème. [...] Le retour aux vraies valeurs de la famille et de l’autorité, tout ça. La perte des repères. L’islamisation de la société. La nécessité d’un grand nettoyage. Penses-tu qu’on nous aurait écouté, hein ? Tout le monde (et quand je dis tout le monde c’est tout le monde, parce que même les gens censés être de notre bord politique ils pionçaient) s’est foutu de notre gueule. On nous a accusés d’être dans l’opposition systématique . De prôner l’immobilisme alors que la situation était grave. De relayer la pensée unique. [...] On expliquait la même choses aux écrivains, aux chanteurs, aux cinéastes. Aux gens. On les lobotomisait littéralement, fallait plus prendre position, fallait prendre part à l’Unité Nationale (contre quoi ? on n’a jamais trop su…). Les groupes de rock étaient plus engagés, l’écrivain vedette de l’époque déclarait que Sarkozy était le plus grand homme de gauche de notre temps. C’était pas faux que la France déclinait, sauf qu’elle déclinait pas pour les raisons qu’on nous disait.


II. La Virevolte

FEVRIER 2008. Ce serait donc ça. La France.

[En mois d'un an, le buzz a remplacé l'info. Cette semaine-là, Sarkozy proposait de faire porter la mémoire d'un enfant déporté à chaque élève de CM2]

Nicolas Sarkozy est un type extraordinaire. Reconnaissons-lui au moins ça. Vous pensiez le connaître ? Eh bien non : neuf mois après son élection, quinze ans après ses premières fonctions gouvernementales… il arrive encore à surprendre.[...] Il se renouvelle en permanence, il se renouvelle tellement qu’on a sans doute tous fini par oublier qui il était il y a encore deux ans. La rupture étant expédiée fallait bien continuer à vivre [...]alors voilà : Nicolas S. a décidé de pratiquer l'auto-rupture permanente. Sa capacité à brouiller les pistes est tellement développée qu’une seule véritable conclusion me vient : le bonhomme œuvre jour et nuit pour ses biographes. Lesquels seront assurément des biographes d’ouverture. Si si : ne sont-ce pas les journalistes de feu la presse de gauche qui passent leur temps à essayer d’expliquer l’inexplicable, de psychanalyser le Président au lieu de combattre sa politique ? Qui passent le plus clair de leurs journées à essayer de comprendre des contradictions incompréhensibles, comme s’il y avait une complexité profonde derrière – là où dans les contradictions de Chirac on n’a jamais vu que de l’inconséquence ? [...] Prenons le Rapport Attali… hein ? Mais si, voyons : pour libérer la croissance. Le programme politique français du mois de février… rappelez-vous, c’était y a deux, trois semaines. Comment ? Pardon ? Ah si si, je vous assure : c’était seulement y a trois semaines, grand max. Et ç’avait remplacé la politique de civilisation… hein ? quoi ? MAIS SI ! Rappelez-vous : c’était le programme politique français du mois de janvier. Qui avait remplacé lui-même… [...] Je sais, je sais : je vous déçois un peu sur ce coup. Vous vous attendiez sûrement à ce que je gueule, à ce que je m’insurge, à ce que… mais très honnêtement : j’ai plus la force. Sarkozy est usant, et c’est à l’usure qu’il nous aura tous. A quoi bon se révolter ? De toute façon les trois quarts du temps ses effets d’annonce ne sont suivis de rien [...] Sa vraie politique c’est celle qui se passe en coulisses, dont on ne parle que très peu, celle qui par exemple organise des rafles sur les immigrés – comme celle du foyer des Terres-au-curé la semaine dernière (plus d’une centaine de sans-papiers interpellés au petit matin par un escadron, on conviendra que c’est moins palpitant que de savoir qui baise qui – n’est-ce pas ?). Rafle, oui. Il n’y a pas d’autre mot. On comprendra que je me bidonne de voir le bonhomme se faire l’apôtre du Devoir de Mémoire le plus intégriste. [...] Admettons cependant que Sarkozy est, tout de même, un génie de la subversion. Réussir à diviser avec quelque chose d’aussi consensuel que le Devoir de Mémoire… la vache ! Ça force le respect. [...] Ça m’a rappelé que quand j’étais en CM2 (j’avais donc… neuf ans) un camarade m’a dit au milieu d’un cours : J’ai la peste noire. En rentrant j’ai demandé à ma mère ce que c’était. Ses explications m’ont terrifié. Pendant une semaine j’ai cru que j’allais mourir, j’ai même fait mes adieux à mes camarades dans la cours de l’école ! [...] Vous croyez peut-être que ça n’a rien à voir, mais ç’a tout à voir : en CM2 on est encore impressionnable, fragile – friable. En CM2 on n’est encore qu’un tout petit bonhomme. Et Louis Sarkozy, il est en quelle classe ? CM2 ? Sixième ? [...] Ce n’est pas même insoutenable, comme a dit Simone Veil. C’est juste grotesque. Quand bien même si ce projet passait en l’état (c'est inconcevable, ils reculent déjà et n'ont pas fini de marcher à reculons), il y aurait une hausse brutale du pouvoir d’achat. Des pédopsychiatres.

AVRIL 2008. Du vent, du bluff, des mots (doux)

Donc nous y sommes. Sarkozy a changé. Sarkozy s'est calmé. Sarkozy a décidé de devenir Président de la République. Adieu Ray-Ban, byebye Rolex. La mode bling-bling n'aura pas duré un an. Vous me direz : c'est le principe des modes. Ces trucs-là sont saisonniers. Soit, mais quand même : on pouvait raisonnablement espérer que l'histoire retiendrait cette saga estivale, puis automnale puis hivernale. Raté : dans cinq ans le bling-bling, on l'aura tous oublié. On ne saura même plus ce que ça veut dire. C'est pour ça que je vous en parle : je voulais marquer le coup. D'autant que si Sarkozy se décide subitement à gouverner... non seulement ce sera moins marrant, mais en plus ce sera pire. La fin d'une époque : ni plus ni moins. L'écran de fumée dissipé les Français vont se rendre compte que la politique gouvernementale est catastrophique. Ils vont déprimer. Contingent militaire par-ci... plan de rigueur par-là... et pensez-vous que Sarkozy viendra leur remonter le moral en paradant sur son yacht ? Que dalle : il ira yachter, toujours, mais en cachette. Le plus malheureux de l'histoire étant sans doute François Fillon. Le pauvre, on l'aimait bien. Il était sympa, à côté de son patron il faisait limite janséniste, c'était cool. Il se bâtissait sa réputation d'anti-Sarkozy, il commençait à y croire... et voilà qu'il apprend dépité que Sarkozy a décidé de devenir Président. Et que par extension lui va devenir Premier Ministre.

III. Travail, Crise, Patrie.

MAI 2008. Emulations

Incontestablement les jours fériés sont néfastes pour le travailleur bloguien, il suffit de voir la chute brutale du taux d'articles depuis deux semaines pour se convaincre que le gouvernement a raison : créer du temps libre, du temps de loisir, ne sert strictement à rien en terme de productivité. Vous laissez un pont au blogueur - pensez-vous qu'il vous écrira un joli article pour vous remercier ? Que dalle. Il préfèrera partir quelques jours chez ses beaux-parents, aller au bord de la mer avec ses mioches ou profiter du soleil dans son jardin. C'est tout lui, ça : il passe toute l'année à se plaindre de ne pas avoir le temps de bloguer, et quand on lui en laisse le temps il fait autre chose. Toute la société française, ce conglomérat de fainéants, d'assistés et de râleurs, ne tient-elle pas entièrement dans cette dernière assertion ? Ah non vraiment... heureusement qu'il reste des gens comme moi pour se rappeler du sens profond de la Valeur Travail. Avec mon blog hyperactif et [tous ces sites dont je m'occupe] je suis une pub vivante, que dis-je ? Un manifeste pour le Travailler plus ! [...] A l'évidence je me réalise pleinement et entièrement dans cette surcharge d'activité, je ne ménage pas mes efforts parce que j'aime profondément travailler, parce que le travail est le fondement même de la société humaine, l'équilibre essentiel à l'accomplissement profond de l'individu. Le travail c'est la santé, chantait à juste titre l'un des plus célèbres philosophes sarkozystes. Mais c'est aussi l'avenir, le bonheur, la jouissance, le pognon. C'est la souche même de l'existence. Le travail - c'est la vie. Non mais entre nous... qu'est-ce qu'ils nous gavent les portugaises avec leur Valeur Travail ! Un siècle que l'évolution logique de toutes les sociétés occidentales glisse vers le travailler moins, que la société du loisir s'impose un peu plus à chaque nouvelle décennie, qu'on réduit le temps de travail et prolonge les congés payés... et voilà qu'une petite bande de réactionnaires frustrés d'avoir été trop jeunes pour choisir leur camp en 68 débarque pour nous expliquer tout le contraire et pour littéralement nous traiter de fainéants. Il y a quand même une inconnue profonde dans l'élection de Sarkozy, un an après : comment les Français ont-ils pu élire un type qui les insultait en permanence ? Comment ont-ils pu confier leur avenir à un mec qui les traitait de paresseux à tout bout de champ pour lui-même partir trois fois en vacances depuis sa prise de fonctions ? [...] Non, le travail n'est pas le fondement de l'âme humaine, ni de la société ni de rien du tout. En faire une valeur ciment de toutes les valeurs est pure absurdité. [...@ Et quand bien même ce serait vrai... que cette idée soit défendue par le gouvernement qui a massivement détaxé... la succession pour tous les patrimoines [...], se proposant donc indirectement de créer sous deux générations des micro-castes de rentiers... avouez qu'il y a là quelque chose de presque amusant : vous devrez à l'avenir travailler comme des bêtes pour accéder à la propriété et essayer de changer de condition, en revanche rassurez-vous, les enfants des riches d'aujourd'hui seront les riches de demain sans avoir à bouger le moindre orteil. A croire que la Valeur Travail ne frappe pas toutes les catégories de la population dans les mêmes proportions...


OCTOBRE 2008. Krach, Baby Krach!

« Mes amis... l'heure est grave ! Il faut agir !
- Bien Monsieur le Président. Que devons-nous faire Monsieur le Président ?
- Hé quoi ? Vous n'avez donc aucune idée ?
- C'est que...
- Quoi ?
- En général, Monsieur le Président... c'est vous qui avez des idées... qui gérez les problèmes...
- Alors à quoi bon avoir des ministres ?
- Eh bien... sauf votre respect, Monsieur le Président, c'est ce qu'on se demande tous depuis plusieurs mois...
- Bon bon bon... ça suffit - nous n'avons pas de temps à perdre. Que pouvons-nous faire selon vous ?
- Honnêtement Monsieur le Président ?
- Vous savez bien que je place la transparence par-dessus tout le reste.
- Rien.
- Comment ça Rien ?
- Rien. Nous ne pouvons rien faire, Monsieur le Président.
- Vous n'avez pas une mesurette économique à me suggérer ?
- Oh si, bien sûr... mais ça ne changera rien.
- C'est pas grave - faites quand même. Et sinon ? Vous avez un coupable ?
- Un coupable, Monsieur le Président ?
- Un responsable ? Quelqu'un qui devra rendre des comptes pour cette crise.
- Euh...
- NON ?
- Monsieur le Président... il n'y a pas un grand patron responsable de tout, à Wall Street.
- Vous m'en direz tant !
- A part la bourse, bien sûr.
- La bourse ?
- Oui Monsieur le Président. C'est un peu comme Dieu, mais à Wall Street.
- Ah. Ce me plaît bien ça. J'aime bien ça, moi, Dieu.
- Monsieur le Président ?
- Faites lancer un mandat d'arrêt international contre ce Wall Street. Et qu'ça saute ! »

JANVIER 2009. L'Obama est le pain du malheureux.

Je ne vois pas bien ce qu'il y a de moderne à évoquer durablement la droite la plus conservatrice et réactionnaire [...] Il faudra que vous m'expliquiez en quoi le rabotage (quand ce n'est pas l'éradication) des contre-pouvoirs et la criminalisation de toute opposition potentielle s'apparente à de la modernité ? C'est donc moderne, de faire passer tous ses adversaires pour des gens dangereux ? L'ultra-gauche (terme qui n'existait même pas pour le commun des mortels il y a six mois) ? Terroristes ! Les syndicats ? Fauteurs de trouble ! Besancenot ? La gauche la plus violente (pour ne pas dire inhumaine) ! Les socialistes ? Des malotrus qui prennent en otage l'Assemblée et qui refusent de la fermer ! [...] ça devient dangereux de s'affirmer de gauche. [...] Bien entendu je pratique l'excès de caricature (hihi) [...] Il n'empêche : à force d'avaler des couleuvres au nom d'une raison (avez-vous remarqué comme nos amis de la Majorité Présidentielle nous demandent toujours d'être raisonnables ? C'est marrant... surtout si on considère qu'eux-même surfent sur l'aspect le plus strictement émotionnel de l'opinion...) devenue synonyme de résignation, on finit par se satisfaire du moindre mal au lieu de chercher l'Absolu. Un compromis par-ci, un compromis par-là. On en vient à lire des trucs comme le Président a obtenu gain de cause : les patrons de banque ne toucherons pas leur bonus, ils reverseront juste les dividendes aux actionnaires, tout au plus sept milliards. Combien ? Sept ? Et Zéro bonus ? Oh, bon bah ça va alors. C'est pas si mal. C'est déjà ça. Finalement on s'en faisait toute une montagne de ces banquiers, ça s'est plutôt bien passé...

IV. Bouffons verts (de rage)

MARS 2009. Trouble. Everyday

Aujourd'hui lorsque je tombe par hasard (ok : pas tout à fait par hasard) sur un membre de l'UMP à la télé, je n'ai plus envie d'écrire un long édito argumenté et moqueur... je suffoque juste de colère. Comme vous, peut-être. [...] Hormis quelques appels à l'émeute je n'ai plus grand-chose en stock. Tel sera sans doute, à l'heure du Jugement, la seule grande réussite des sarkozystes : être parvenus à faire se radicaliser les modérés. Alors je les regarde à la télé et je suffoque, et je mentirai si je disais que je les écoute réellement. Pourtant autrefois j'aimais bien ça : écouter les gens avec qui je n'étais pas d'accord. C'était d'ailleurs comme ça que je les appelais : les gens avec qui j'avais des désaccords politiques. Jamais ô grand jamais je n'aurais songé à les considérer comme des adversaires politiques, à employer un vocabulaire guerrier sur le champ du débat d'idées. Mais aujourd'hui quel débat y-a-t-il ? Où y-a-t-il du débat ? Il y a quelques années qui semblent un siècle, on pouvait discuter avec des gens de ce parti conservateur qui s'appelait alors RPR. On pouvait être en désaccord, on pouvait ferrailler. Rien pourtant n'interdisait d'éprouver du respect, voire de la sympathie pour ces militants ou députés ou ministres. Mais ceux-là... ceux qui sont en place aujourd'hui... je les regarde bien, les Darcos, les Bertrand, les Morano ou les Wauquiez. Je les regarde bien et j'ai juste envie d'en prendre un pour taper sur les autres. Je les regarde et je vois des génies de la communication, pas des gens prêts à débattre. On les appelle hommes (femmes) politiques, on devrait les appeler hommes sandwichs. Des encarts publicitaires à la Gloire du Prince, des dépliants propagandistes à visage humain. Qui écrasent de leur mépris toute opposition, toute velléité de résistance. Détournent les mots de leur champ sémantique pour servir leur intox. Xavier Bertrand qui parle de dénoncer l'hypocrisie ! Ne fût-ce si effroyable, on en rirait. [...] Avec Sarkozy a été promu tout ce que la droite pouvait compter d'autodidactes incultes, au nom de la méritocratie parait-il [...] Des gens dont on ignore du coup s'ils accordent ne serait-ce qu'un sou de crédit à leur apologie de la transparence, cette quasi idéologie qui retombe sur la société entière et l'écrase de tout son poids... comme si la transparence avait quoique ce soit avoir avec l'honnêteté et la sincérité. Je parle de transparence, mais ce n'est pas le seul mot qu'ils ont [...] galvaudé. Que penser de gens si prompts à qualifier d'irresponsable toute personne témoignant d'une opposition à leur politique ? Irresponsable... merde alors. C'est violent ça, comme mot. Irresponsable. La frontière entre l'irresponsable et l'aliéné, sémantiquement parlant, est très mince.

AVRIL 2009. Hadopi truste toutes les conversation. Ici aussi.


MAI 2009. Everybody Hates Fred

[...] On peut être de droite et... est une des plus fabuleuses techniques rhétoriques inventées par le sarkozysme : on peut être de droite et avoir du coeur, on peut être de droite et faire du social, on peut être de droite et défendre les artistes... on peut aussi être de droite en étant de droite, mais c'est moins rigolo [...] Frédo, c'est pas le premier Laurent Fabius venu. Et puis il est contre la pipolisation, il le dit plus loin. Donc pas question de venir faire une interview, même dans l'antre du pipole [Voici], sans causer de la santé mentale de Ségolène Royal ni de ces gauchistes qui veulent tout détruire (sic) et n'ont rien à voir avec les syndicats (qu'il respecte, eux). [...] Sa témérité [au journaliste] n'ayant aucune limite, il ne se dégonfle cependant pas : il va jusqu'à interroger Frédo sur sa fameuse phrase à propos de la tristement célèbre "dénonciation citoyenne". Là, la réponse est tellement surréaliste qu'elle mérite d'être recopiée mot pour mot : "Mettons-nous bien d'accord : dénoncer, c'est un beau mot. C'est le J'accuse de Zola qui dénonce une injustice, c'est montrer du doigt des horreurs, c'est dénoncer les passeurs qui exploitent les clandestins... la délation est abjecte car elle renvoie aux heures les plus sombres de notre histoire. Pas la dénonciation. Les mots ont un sens." Stupéfiant, non ? Zola, grand homme de droite comme chacun sait, on l'imagine très bien verser dans la dénonciation citoyenne - c'est une évidence. Mais le plus drôle (ou effarant / terrible / affligeant) c'est quand même la conclusion. Précisément, le verbe dénoncer a deux sens principaux : Signaler une personne à la justice, et S'élever publiquement contre quelque chose. Il va sans dire que J'accuse s'inscrit dans la deuxième catégorie, quand la fameuse dénonciation citoyenne s'inscrit sans la moindre discussion possible dans la première. Les mots ont un sens, sacrebleu ! Du moins en français. En sarkozais, c'est pas pareil. C'est différent. Un peu comme un mi-bas. Ca ressemble beaucoup à une chaussette, par bien des aspects c'est une chaussette... mais ce n'est pas exactement pareil qu'une chaussette, en fait. Osons carrément le dire : il y a beaucoup moins de points communs entre J'accuse et une dénonciation à la justice qu'entre un mi-bas et une chaussette

JUIN 2009. Best of Me? Best of You!

Ce fut une saison exceptionnelle. Pleine de saine indignation, de vannes foudroyantes et de Sarkozy. C'est pas compliqué : pour un peu, ça donnerait envie qu'il soit Président pour l'Eternité. Je pensais à ça l'autre jour. J'essayais d'imaginer ce que serait devenu Le Golb si Ségolène Royal avait été élue il y a deux ans. On aurait rigolé, bien sûr - sans doute. Mais est-ce qu'on aurait eu autant d'occasions de s'indigner ? De se transcender ? Est-ce qu'Alf et moi aurions eu le bonheur de travailler ensemble chaque semaine ? Est-ce que vous nous auriez lu avec autant d'intérêt ? Est-ce qu'on aurait à ce point profité du bafouement de nos libertés individuelles, de notre constitution, de notre honneur et de la langue française ? Il faut bien le reconnaître, même si ce n'est pas facile : je dois ma carrière à Sarkozy. Tel un vulgaire président de France Inter, je ne serais jamais rien devenu sans lui. Et je ne vous parle même pas d'Alf... un caricaturiste, lui ? Allons donc ! C'est le portraitiste officiel du Roi - rien d'autre. Quel Belge passerait autant de temps à dessiner le Président d'un autre pays ?

SEPTEMBRE 2009. Hadopi encore (on aime tellement ça).


Journal de Drob

Journal de drob (sept 09)

12 septembre. Mais non voyons ! Brice Hortefeux n'est pas raciste ! Il est juste "d'une autre génération" (dixit un responsable d'asso manifestement ivre ce jour-là). Au passage levons les ambigüités concernant une autre rumeur le poursuivant depuis longtemps : Brice Hortefeux n'est pas chauve, il est dégarni. Et il n'est pas Auvergnat, mais bien Neuilléen. En attendant s'il est aussi honnête qu'il le dit, il devrait théoriquement à l'heure où vous lirez ces lignes avoir démissionné et même : cessé toute activité politique. Parce que franchement, en 2009, être raciste... bon, passons, il a bien le droit de penser ce qu'il veut. Mais prétendre faire de la politique de nos jours et se laisser prendre au piège de la vidéo filtrant sur le Net comme le premier débutant... c'est juste inacceptable - tout à fait indigne d'un ministre. A sa décharge, c'est vrai qu'il est d'une autre génération. [...]

23 septembre. Bon, bah finalement, deux semaines plus tard Brice Hortefeux n'a pas démissionné. Sans doute même est-il très fier d'avoir eu le courage de résister aux pressions. D'ailleurs je ne sais pas si c'est moi mais depuis lors, Brice semble devenu hyperactif - pas un jour sans qu'on nous parle de lui. C'est peut-être aussi parce que cette affaire a fait de lui une superstar. C'était jusqu'ici un homme de l'ombre, manquant de charisme et de pipolité... désormais plus personne ne peut ignorer qui est ce ministre au nom si... sulfureux. Non parce que quand même, c'est vrai ça. Autorisons-nous une seconde à nous interroger sur le déterminisme hortefeuxien : suis-je le seul à trouver que ce Monsieur a le nom, la tronche, la raideur de l'emploi ? Même lorsqu'il ne dit rien Brice Hortefeux, qui a tout de même enchaîné avec brio Identité Nationale et Intérieur, a l'air d'une pub vivante pour le racisme. Sa simple apparition est déjà une incitation à la haine (encore plus maintenant). On s'est beaucoup interrogé sur le côté prototypal du jeune Amine... mais qui s'est interrogé sur Brice Hortefeux, prototype du gros beauf qu'est pas raciste - juste il aime pas les fouteurs de merde ? C'est quand même un peu le prototype du bon Français, un peu macho et un peu raciste, juste ce qu'il faut pour que certains le trouvent truculent.

DECEMBRE 2009. Mes fesses me piquent (mais moins que mes yeux)

L'autre jour je me promenais dans la rue, du côté de la rue de Solférino... bah j'ai bien failli y passer. Non non : n'ayez crainte, je n'ai pas été pris à partie par une bande de socialistes. En revanche leurs balles ont bel et bien rasé ma tête. Décapité, que j'ai failli mourir. Éborgné par un éclat de polémique ! [...] Octobre et novembre n'ont été qu'un long et interminable enchaînement de polémiques. [...] La polémique, en ces temps de super-information-qui-va-tellement-vite-qu'elle-va-encore-plus-vite-que-celles-de-Sarkozy-le-jour-de-la-chute-du-mur, n'est plus qu'une espèce de brouhaha généralisé dont on peine à dégager quelque chose.

Et c'est sur un premier bilan que l'année s'achève, sans un bruit (enfin à part quelques polémiques, et un ou deux buzz. A suivre - et le pire reste à venir.

14 commentaires:

  1. Tout ça d'un bloc, j'avoue, ça fait un peu peur !

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    1. Et encore, à côté de l'épisode 2, l'épisode 1 est plutôt charmant ^^

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  2. De la belle ouvrage mon Thom. C'est pas de la compil, c'est pas de l'archivage, c'est quasi du travail d'historien trash que tu nous a fait là.
    J'ai relu récemment un livret de Desproges sur l'actu de l'année... 86 (oui je sais tu n'étais toi qu'un BB au mieux à l'époque - mais moi une graine d'ado) et tout m'est remonté d'un coup à la g... Pareil avec cette "première partie" de "Cinq saisons en enfer" (oui, ca ressemble à un compliment cette comparaison exagérée ;). P'tit, j'ai presqu'envie de pleurer en reparcourant tout ça... Car je pourrai dire un jour à mes petits-enfants: j'y étais... avec Thom ("ouiiii, ouiiii : le fameux Thom!" ;) et... grâce à un président qui s'appelait Sarko ("Qui ça pépé?" "Sarkozy... tu regarderas sur Wikipedia")et qui, en 5 années uniques, a marqué à jamais la République française de sa talonnette de clown triste!

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    1. Tu sais Alfounet, de tous les couples auxquels j'ai pu contribuer, le nôtre est le seul qui ne se soit jamais érodé avec le temps - et même, il s'est bonifié ;-)

      Cela dit tu rigoles, mais c'est vrai que j'ai passé 40 fois plus de temps sur cet article "déjà écrit" que je n'en aurais passé avec un édito normal.

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  3. Ayant découvert le Golb récemment je n'avais pas lu tout ça et je dois dire que je me suis régalée. Il y a vraiment des perles, j'aime beaucoup la réflexion sur "on peut être de droite" ^^

    Le plus inquiétant, c'est que rien de tout ça n'a vieilli...

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  4. Ah moi aussi je me suis régalé ! D'abord, parce je n'avais pas lu (loin s'en faut...) toutes ces chroniques décapantes au moment de leur publication ; ensuite car cela nous conforte dans notre décision d'utiliser dimanche prochain le bulletin Hollande pour sortir le sortant. Que ceux qui hésiteraient encore à en faire de même (re)lisent cette savoureuse anthologie pour s'en convaincre !

    Tu as raison, Thomas : TOUT y est ! Ta rétrospective permet de prendre le recul nécessaire pour "relativiser" les multiples incohérences/contradictions de la campagne menée par Sarko (jusqu'au soir du 1er tour). Déjà, en février 2008, tu observais que ce "type extraordinaire, génie de la subversion [avait] décidé de pratiquer l'auto-rupture permanente." A partir de là, rien ne peut plus nous surprendre de sa part...

    Reste à comprendre "comment les Français ont pu élire un type qui [en 2007] les insultait en permanence" et aussi pourquoi beaucoup d'entre eux (pas la majorité, hein ?) s'apprêtent aujourd'hui à récidiver, nous exposant à une cruelle "double peine" (et là, ce serait un comble, non ?!) Méditons, pour finir sur cette formule (détournée) extraite du discours de Sarko à Toulouse, cet après-midi : "La France n'a pas le droit à l'erreur".

    P.S. : MERCI Thomas de contribuer ainsi à cette "oeuvre de salubrité publique" qui consistera à faire battre Sarko.

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  5. Et le style évolue autant que le contenu. Intéressant.

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  6. "Et le pire reste à venir"

    Tu m'étonnes, on n'a pas encore eu l'identité nationale...

    Sinon je regrette un peu l'absence de Sonia la coiffeuse économiste dans cette rétro :)

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    1. Ah ah... j'ai hésité à la mettre mais elle s'insérait mal dans l'ensemble.

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  7. Effectivement, tout y est.
    Tout comme toute la campagne de Sarkkozy était déjà plus ou moins dans une chanson écrite depuis 40 ans: http://www.youtube.com/watch?v=uFVrBzuyhFA

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    1. Merde, désolé pour la faute de frappe, et pour le lien qui n'est "que" supertexte.

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