mercredi 18 avril 2012

Anti-Flag - Viellir en temps utile

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La musique n'est qu'une lente agonie. On fait mine de ne pas s'en apercevoir, de ne pas le savoir. Pourtant on le sait tous, plus ou moins consciemment : quand un groupe ou artiste commence à décliner, rien ne peut inverser la tendance. C'est lent. Propre. Presqu’imperceptible la plupart du temps. Pour faire bonne figure, on parlera poliment de contre-performance - voire d'album de transition. Vers quoi, on l'ignore dans la plupart des cas. Parce que quand cela devient moins bien un jour, cela ne redevient (quasiment) jamais bien le lendemain. Ça ne fait que devenir encore un peu moins bien, pour finir par être insignifiant, et enfin mauvais. D'une certaine manière, les "grands" sont ceux qui parviennent à inverser cette tendance. A casser le cycle de décrépitude programmée qui les guette.

Après avoir été d'éternels jeunes premiers du punk US, Anti-Flag a percuté avec un album somptueux, For Blood & Empire, il y a déjà sept ans. Culotté, racé, le résultat avait autant de gueule que de morgue. D'aucun voyaient déjà le groupe de Pittsburgh en nouveau Rancid, ce gang à l'intégrité inattaquable et à la classe inimaginable. C'est exactement l'inverse qui s'est produit : deux albums plus tard (dont un produit par Tony Visconti - bonjour le grand écart), Anti-Flag n'a jamais retrouvé sa verve, s'est perdu dans des disques trop produits et/ou trop prévisibles... finissant par devenir tout ce qu'on haïssait chez ses collègues lorsqu'il est apparu. A l'annonce d'un nouvel album, on partait sans conviction, convaincu que ce ne serait pas dégueulasse mais tout aussi convaincu qu'on n'y trouverait rien qui puisse rivaliser avec les "Die for Your Governement" et autres "Underground Network" d'antan.


C'est donc peu dire que The General Strike surprend. Par son engagement, son humeur résolument offensive. Par sa qualité, tout simplement. Qui n'est pas la même que celle d'un For Blood & Empire ou d'un Terror State, mais enfin : voilà douze titres ramassés, véhéments, qui ne s'encombrent (presque) pas de production clinquante et uppercuttent dans le bon sens. Il est vrai que Justin Sane et ses camarades, connus pour écrire au kilomètre (neuf albums, quatre EPs et plus d'une dizaine de splits en à peine plus de seize ans... sans compter les maxis...), ont cette fois ci pris leur temps pour auto-produire un album tout au long duquel on peine réaliser qu'ils approchent désormais de la quarantaine.

On a le droit d'être étonné tant The People or the Gun, il y a trois ans, semblait l'ouvrage d'un groupe en bout de course, tournant en rond et dont tout semblait indiquer que ses belles heures étaient derrière lui. Or il ne manque pas grand-chose à The General Strike pour être un album de premier ordre : rythmiques élancées ("The Neoliberal Anthem", "1915"), riffs efficaces ("This Is the New Sound", plutôt mal nommé), compos morveuses ("Bullshit Opportunities", "I Don't Wanna"), refrains sanglants ("Broken Bones", "The Ghost of Alexandria")... Le groupe retrouve par éclats les chemins du hardcore jouissif de ses débuts, sans renier tout à fait ses frasques mélodies plus récentes. Ce n'est pas exactement pareil, bien sûr. Cela ne le sera plus jamais. Cela s'appelle vieillir, et personne ne vieillit jamais parfaitement bien. Mais on peut ralentir la décadence, sans pour autant faire appel à la chirurgie esthétique. La preuve.


👍 The General Strike 
Anti-Flag | SideOneDummy Records, 2012

5 commentaires:

  1. Tu me fais plaisir mon Thom :)

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  2. Tu sais bien qu'on peut toujours me faire confiance pour faire plaisir ^^

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  3. Moi j'aime bien ça : http://www.youtube.com/watch?v=lS6MvzRUaIs
    Je ne devrais pas , mais j'aime bien .

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  4. hé, c'est pas mal ce truc! 40 ans tu dis? on dirait de la musique de gamins! je vais m'écouter l'album pour oublier que je suis vieux...

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  5. Daniel >>> Je ne vais pas te jeter la pierre, j'en avais moi-même parlé - en bien - dans cette sélection.

    Xavier >>> si tu veux vraiment t'offrir une cure de jouvence je te conseille plutôt un album de quand ils étaient (vraiment) jeunes quand même.

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