mardi 1 mai 2012

Speed Trials (M12)

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Un épisode de Speed Trials un peu plus copieux qu'à l'habitude, longue pause hivernale du Golb oblige. Non pas tant en terme de nombre de disques évoqués, qu'en terme de contenu :  beaucoup d'entre eux auraient pu, en d'autres circonstances, prétendre à une véritable chronique sur Le Golb. Autant dire que s'il y a un seul Speed Trials à lire en 2012, c'est celui-là.



👍👍 Vers les lueurs, de Dominique A (2012) 

Au fil des années, Dominique A est devenu un maître ès trompe-l-'œil, un prince du faux-semblant dont les albums, de plus en plus raffinés, de plus en plus travaillés, s'imposent en classiques décalés, en creux, à force de paraître ce qu'ils ne sont pas ou plus ou n'auraient pas voulu devenir. A la première écoute, on est souvent déçu. Vers les lueurs n'a pas la froide majesté du sublime La Musique, qui lui-même avait pu décevoir sur le coup, avant de se révéler peu à peu l'un des tous meilleurs opus de son auteur (surtout accompagné de son double-surtout-pas-bonus-mais-essentiel La Matière). Plus rock, plus pop, plus chanson... Vers les lueurs semble d'abord plus simple, plus apaisé ("Rendez-nous la lumière", quel curieux titre pour du Dominique A...), sonnant presque parfois comme un album pop-rock de quadra lambda (ce que l'homme de Remué ou de Tout sera comme avant ne saura jamais être). Il n'en est pas moins aride, surtout dans sa seconde moitié, aux riffs éventreurs ("Close West") et aux mélodies pop désolées ("Vers le bleu", "Le Convoi")... on ne peut s'empêcher de se dire qu'il y a quelque chose d'un peu décevant dans cet album, d'un peu petit bras parfois... et en même temps on ne peut pas plus s'empêcher d'y revenir encore et encore. Sans doute parce que Dominique A, qui rééditait il y a peu l'ensemble de ses disques dans des versions remarquables, a fini sans qu'on s'en rende compte par quitter ses habits de songwriter de talent pour de devenir l'un des seuls artistes français (le seul, en fait) de sa génération à réellement écrire une œuvre,  à laquelle chaque nouveau disque apporte une pierre non-négligeable.

👍👍 Tango Boys, des Motel Beds (2011)

Certains groupes nécessitent de prendre occasionnellement de leurs nouvelles, mais les Motel Beds n'en font visiblement pas partie. Belle découverte de 2011 avec un album - Sunfried Dreams - classé 30e dans le Classement du Golb, le combo de Dayton est déjà de retour (et même encore un peu plus vite que ça puisque ce nouveau disque est en fait sorti mi-décembre). S'il est sans doute un peu moins étincelant du point de vue mélodique (quoique cela dépende des titres), et enthousiasme par conséquent un poil moins, Tango Boys propose globalement le même réjouissant cocktails à base psyché-rock velu ("Milquetoast Discovery"), d'hommage à la britpop sixties ("Hopeless") et de feulements affriolants ("Tropics of the Sand"). Pas de quoi se priver. A noter que depuis, le groupe s'est également fendu d'un album de reprises pas piquées des vers, disponible gratuitement ICI.

👍 Les Voyages de l'Âme, d'Alcest (2012)

Présenté ici ou là comme un groupe de post-metal Alcest, dont je reconnaîtrais volontiers ne quasiment rien savoir, a suffisamment fait revenir l'influence dans une sauce gothique pour, au final, évoquer plus spontanément l'Anathema nostalgique et contemplatif de l'époque Judgement qu'un quelconque sous-Neurosis (ce n'est pas forcément plus mal tant l'espèce a eu tendance à profiler depuis dix ans). On trouvera ainsi sur ces Voyages de l'Âme, noyés quelque part dans l'Ether et les murs de guitares, le même équilibre fragile entre noirceur et préciosité, emphase et abandon. C'est aérien, remarquablement écrit par instants, et porté par une voix profonde et habitée - même lorsqu'elle braille (ce qui n'arrive pas souvent). Si on le droit de dire d'un groupe vieux de dix ans qu'il s'agit d'une jolie  découverte, c'en est une - à tout le moins dans ces pages.


👍 Painkillers & Alcohol, de Judah Warsky (2012)

On peut donc intituler son album Painkillers & Alcohol sans être un ado dépressif que sa copine a largué et dont les parents divorcent. Bon à savoir. Car si Painkillers & Alcohol (le titre) évoque plus spontanément un groupe de hard-rock pubère, Painkillers & Alcohol (l'album) donne effectivement une idée assez juste de ce qu'on ressent en mélangeant alcool et anti-douleurs. Un sentiment de bien être nauséeux. Une douleur en sourdine. Une impression de vapes. En toute logique, l'ensemble sonne comme du Grandaddy sous Tranxene. Touché.


👍 A+E, de Graham Coxon (2012)

Qu'attendre en 2012 d'un huitième album solo de Graham Coxon, sinon... un huitième album solo de Graham Coxon ? A quarante-trois ans, l'ex-guitariste de blur s'est fait une spécialité de la pop foutraque dispensable mais sympatoche, un peu punk, très lo-fi, parfois belle, souvent un peu crétine. Après un Spinning Top un peu sage il y a trois ans, A+E le voit revenir à une forme déjante jouissive, qui sera comme à presque chaque disque vénérée par quelques uns et royalement ignorée par le plus grand nombre. D'une certaine manière, le gentil (quoiqu'un peu autiste) Coxon est unique au monde, rare artiste à avoir été successivement une superstar et un songwriter underground culte. A+E n'est pas, bien sûr, un disque grandiose, même s'il renferme paradoxalement l'une des meilleures chansons de l'année ("Advice"). Il n'essaie jamais de l'être. C'est ce qui le rend attachant.

👍 Long Black Cars, des Waves Pictures (2012)

C'est un folk-rock en apparence anodin, mais dont les crissements et la force de conviction ne laissent de séduire. Un folk-rock souvent guilleret, mais dont les fêlures laissent deviner quelque hantise bien dissimulée. C'est un disque qui aura tout l'air inutile à beaucoup, mais qui ne se le sera pas. Le nouveau Wave Pictures est un ravissement simple et pas cher. Comme d'habitude.


👍 Redemption City, de Joseph Arthur (2012) 

Il faut bien l'avouer, on attendait plus grand-chose de Joseph Arthur depuis son virage classic-rock Springsteenien, pas vraiment palpitant de la part d'un type susceptible d'écrire des choses aussi sublimes que "Cant Exist", "I Would Rather Hide" ou "Black Lexus". Ce n'est donc pas la moindre des surprises que de découvrir que, quelques mois seulement après un énième nouvel album décevant (The Graduation Ceremony... pas si mauvais, du reste), Joseph Arthur revient en pleine forme, gratuitement sur son site, avec un double album minimaliste, brumeux et parfois renversant ("Night Clothes", "Humanity Fades"...). Un peu long sans doute (c'est toujours le problème de ce genre de disque), mais réjouissant.

👍 Old Ideas, de Leonard Cohen (2012)

Vous connaissez le proverbe : un seul être vous manque, et tout est repeuplé. Fou comme depuis qu'il s'est libéré de la kitschissime emprise de Sharon Robinson, qui pourrissait ses albums depuis près de vingt-cinq ans, la musique de Leonard Cohen a retrouvé des couleurs - donc principalement du noir. Old Ideas, c'est tout un programme, plutôt tenu - tant pis si l'on aurait aussi bien pu l'appeler vieux pot. Le Poète y renoue avec une forme de grandeur, mâtine le tout d'ironie discrète, et Dieu que cela fait du bien de pouvoir écouter un Cohen sans se dire "les textes sont superbes mais ces musiques, ces arrangements... c'est pas possible."


👍 Hardware, d'Agent Side Grinder (2012)

On a beau être un peu déçu à la première écoute, tant les différence avec le redoutable Irish Recording Tape (un des meilleurs albums de l'an passé, même s'il datait en fait de 2009) sautent aux oreilles, la carrière d'Agent Side Grinder suit une certaine logique, annoncée par  le titre de ce nouvel album : elle descend le temps, passe de la cold-wave à la new-wave, de Joy Division et The Fall à New Order et Depeche Mode. On le droit de ne pas accrocher plus que ça, d'autant que fidèle à lui-même, le groupe ne fait rien pour être spécialement aimable. Mais rien qu'à cause de morceaux du calibre de "Wolf Hour" ou "Bring It Back", industriels et rageurs, difficile de considérer ce Hardware comme un ratage.


Born to Die, de Lana Del Rey (2012)

Voici donc l'album de la nouvelle sensation hype du moment (enfin, d'il y a déjà un moment, on s'en serait douté), qui a à peine eu le temps de le sortir qu'elle était déjà devenue la tête à claque préférée des hipsters. Sur Le Golb, à vrai dire, on ne se pose pas ce genre de question. On se contente d'écouter les disques. Celui est loin d'être mauvais et témoigne même d'un vrai potentiel par instants. Il y a une classe dans la prod ; il y a une aisance dans les mélodies ; il y a une voix élégante et une personnalité incontestables. Si Born to Die a un défaut, c'est plutôt qu'il n'enfonce pas vraiment le clou par rapport à l'EP qui mit le feu aux poudres, et que passés deux ou trois tubes-nés que l'on connaissait déjà ("Video Games", "Blue Jeans"), il ne donne pas grand-chose. Dommage.


Win Peter Winters, de Win Peter Winters (2011)

Un autre album de 2011, qui pour sa part a été sciemment écarté dans le but de - ne riez pas - écrire un long article dessus. Passons sur cette totale réussite pour saluer un disque auquel les cordes donnent une incontestable ampleur, à tout le moins sur les titres les plus réussis ("Sparks in the Sky", "Weary & Worn"). Ailleurs, le lyrisme est parfois mal maîtrisé et a tendance à dégouliner un peu partout (la faute notamment à une voix pas toujours à la hauteur des arrangements, donc des ambitions). Mais rien que pour sa forme audacieuse, Win Peter Winters méritait un mini coup de chapeau. En musclant un peu le songwriting et en cessant de se reposer exclusivement sur la beauté du violoncelle, le groupe pourrait parvenir à des choses plus que simplements intéressantes.

Heavy Flowers, de Blaudzun (2012)

Puisqu'il est finalement assez rare de tomber sur un groupe évoquant Echo & The Bunnymen (je ne compte pas Coldplay, qui évoque à peu près autant le groupe de Mac the Mouth que Le Golb rappelle l'Express, bien qu'il s'en réclame... Coldplay, pas Le Golb)... parce que c'est plutôt rare, disais-je, on aurait plutôt tendance à accueillir favorablement le nouvel album album de Blaudzun, ne fût-ce cette malencontreuse évidence : un groupe évoque rarement les seuls Bunnymen. Les évoquer, c'est déjà en soi naviguer en zone de turbulences, et risquer le naufrage à chaque vague. Heavy Flowers s'en sort plutôt pas mal, soyons de bonne foi, mais n'évite pas tous les icebergs - ce serait trop beau. Du coup, le résultat est trop moyen pour parfaitement convaincre, malgré quelques très bons morceaux.


Blunderbuss, de Jack White (2012)

C'est marrant, y a des albums comme ça, même quand on en attend rien de spécial, ils arrivent quand même à être décevants. Celui de Jack White est presque un cas d'école. Après le split des White Stripes et compte tenu de sa crédibilité et de ses moyens, il aurait pu faire à peu près n'importe quoi. Il a choisi de faire un album des White Stripes potable, et sans Meg. Un son à décorner les boeufs confirme qu'il est un très bon producteur (mais on en doutait pas). Un ou deux éclairs de génie rappellent qu'il sait écrire des chansons. Mais dans l'ensemble, Blunderbuss est un album assez terne et moyen. Comme souvent, White semble se contenter du service minimum. Ca va bientôt faire quinze ans que ça dure. Depuis le temps, il a fini d'être prometteur et est juste devenu un vieux rocker. Dommage qu'il ait oublié de passer par la case chef-d'oeuvre.


👎 Kiss on the Bottom, de Paul McCartney (2012)

Et nous terminons par notre grand jeu-concours : A quoi sert un album de Paul McCartney en 2012 ?. Envoyez vos réponses sur papier libre à l'adresse que vous connaissez bien, vous gagnerez peut-être - veinards que vous êtes - le droit de voir vos quelques lignes publiées sur Le Golb. La chance !

3 commentaires:

  1. Les choeurs, chez Cohen, c'est juste pas possible ...

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  2. Y pas foule ici aujourd'hui ^^

    Bon alors là-dedans je préfère nettement Judah Warsky et Dominique A, les autres m'intéressent moins. Enfin c'est dommage, si le Joseph Arthur était simple ce serait un très bon disque. Et Cohen c'est vrai que c'est mieux, maintenant comme dit Thierry y a quand même un ou deux trucs assez laids dessus.

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    1. Mais foutez-lui la paix, à Cohen. Ils sont très bien ces chœurs. Quoi ? Comment ça personne me croit ?

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