mercredi 28 décembre 2011

Bag of Bones - Trois heures et autant (sinon plus) de bonnes raisons d'arrêter d'essayer d'adapter Stephen King

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Adapter le King, c'est un peu trop souvent la roulette russe. C'est même devenu, à force, tout le contraire d'un gage de qualité. La faute sans doute au succès de l'auteur de Shining (et de cent autres). Quand on a son petit succès d'estime, on peut peut-être s'en tirer avec de bonnes adaptations ciné ou télé. Quand on est en vente dans tous les supermarchés du monde, c'est une tâche légèrement plus compliquée et le King (ou on le suppose son agent), qui n'est certes pas responsable de toutes les adaptions pourraves qu'on a pu voir ces quelques trente dernières années, n'a pas non plus toujours fait preuve d'une grande clairvoyance au moment de céder les droits de telle ou telle œuvre. Voire, en l'occurrence, de bon goût : Mike Garris, réalisateur empoté de ce Bag of Bones version TV, avait en effet déjà fait subir les pires outrages à Desperation, autre grand bouquin signé par King à la fin des années quatre-vingt-dix. A part Ron Perlman, réellement flippant, il n'y avait pas grand-chose à sauver dans cette relecture M6 du western sadique et anxiogène qu'on connaissait. Autant dire qu'on n'avait pas franchement hâte de voir ce que Bag of Bones, poignante histoire de fantômes que l'on pourrait aisément considérer comme une version morbide et crépusculaire de Ghost, allait donner une fois passée à sa lessiveuse... d'autant que Ron Perlman n'était pas dans le coup cette fois-ci.

Alors oui, évidemment, avec Pierce Brosnan au casting, on aurait dû se méfier. Il nous avait bien eu avec son interprétation inquiétante et subtile dans le Ghost Writer de Polanski, mais heureusement, Bag of Bones nous permet de retrouver le Pierce Brosnan qu'on aime - c'est-à-dire le plus mauvais acteur de sa génération. La scène où il court vers sa femme, agonisante après avoir été renversée par une voiture, est absolument tordante. On n'y croit pas une seconde, pas plus qu'à la "dépression" dans laquelle est censé être plongé son personnage par la suite. Brosnan gémit, bougonne, fronce les sourcils, ils en fait des tonnes et plus il en fait plus, moins il émeut. Très à l'aise dans des rôles où il doit se contenter de sourire et d'être cool (Remington Steele ou James Bond, peu importe : c'est le même personnage à quelques détails près), Pierce se révèle - sans surprise - d'une grande médiocrité pour ce qui est de camper un héros tragique ravagé par la douleur. Pire : il tente parfois de laisser percer une légère ironie qui fait qu'on s'attend à tout moment à l'entendre dire "The name's Bond. James Bond."

Faut dire aussi que l'indicible, ce n'est pas que pour Lovecraft. On a longtemps cru que le problème des adaptations de Stephen King venait de ce que, la grande majorité du temps, les réalisateurs se focalisaient sur l'aspect fantastique au détriment de la fresque humaine, qui captive généralement beaucoup plus dans les romans de l'auteur américain. Bag of Bones a au moins un mérite : il infirme totalement cette théorie. Plutôt fidèle au récit dont il s'inspire, il reproduit de nombreuses scènes au mot près, parfois même au détriment de sa propre narration d’œuvre (télé)visuelle... sans jamais provoquer ni angoisse ni émotion particulière (le rire dément qui peut parfois saisir le spectateur quand Pierce Brosnan bande les muscles ne pouvant décemment pas compter dans l'équation, puisqu'il n'est pas voulu). Sans la plume si caractéristique de Stephen King, sans la puissance suggestive qui se dégage de ses mots, tout ici semble résolument et désespérément plat et lisse, rappelant involontairement que les histoires de l'auteur sont souvent, sur le papier, assez banales et sans grand intérêt. Bag of Bones version télé, c'est à peu près ça : une histoire de fantômes comme on en a vu des centaines de fois, et qui peine d'autant plus à convaincre qu'A&E a eu la très mauvaise idée de la programmer en même temps que l'excellente American Horror Story.

Ce qui nous amène au constat le plus ironique : finalement, Stephen King, c'est mieux quand ce n'est pas lui. Son œuvre a tellement imprégné l'imaginaire collectif occidental que, dans le fond, l'adapter de manière littérale n'a quasiment plus aucun sens. L'esprit de King est bien plus présent dans American Horror Story, Lost ou le Walking Dead version B.D. que dans les pénibles adaptations des dernières années (on ajoutera la très médiocre Haven au nombre des pièces à charge). Pas de quoi faire regretter, loin de là, l'abandon du projet d'adaptation de The Dark Tower...


👎👎 Bag of Bones 
Mike Garris, d'après le roman de Stephen King
A&E, 2011

13 commentaires:

  1. Oui mais ils ont fait le coup du fantôme sous le lit.. tu vois? Du coup j'ai arrêté direct!
    Mais sur Pierce Brosnan.. t un peu dur non? Il est juste insipide c'est tout... hihih!

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  2. C'est certain qui si "AHS" est "une daube", on ne sait pas trop ce que ça, c'est :-)

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  3. Kath >>> insipide ? Non, il était insipide quand il était jeune ; maintenant c'est juste un vieux beau craignos ^^

    Marion >>> certes :-)

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  4. Ha bon ? Dark Tower c'est abandonné ?

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  5. Le dernier projet en date (trois ou quatre films de Ron Howard avec Javier Bardem dans le rôle de Roland) a été abandonné assez brutalement il y a quelques mois, oui. D'après ce que j'ai entendu Howard a continué à chercher des financements mais personne ne veut investir dans un tel projet en période de crise... et c'est déjà le troisième projet différent... donc The Dark Tower a rejoint la longue liste de projets hollywoodiens qui pourrissent dans les cartons et qu'on va sans doute nous ressortir tous les deux ans pour les enterrer aussi sec. Un comme Tintin jusqu'à cette année, où le Seigneur des anneaux durant plus de 30 ans...

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  6. si c'est patienter pour une réussite telle que le Seigneur des Anneaux, ca vaut le coup...
    maintenant je doute de la possibilité de faire un bon film de cette saga. Sauf à en extraire des passages (je pense notamment que l'histoire des Loups de la Calla, un peu remaniée, ferait un bon scénario)

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  7. Je crains surtout que la saga ne soit pas assez populaire pour obtenir le budget nécessaire à son adaptation. Un peu comme la Croisée des mondes qui s'était brutalement arrêtée après le premier film faute de ne pas avoir le succès escompté.

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  8. Je croyais que l'adaptation de La croisée des mondes avait été abandonnée suite à des protestations du Vatican ?

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  9. Quelle drôle d'idée... non non, c'est juste que le premier film a généré des recettes insuffisantes et que le second devait théoriquement être deux fois plus cher...

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  10. Oui, tu as raison ce n'est certainement pas assez populaire pour en faire 3 ou 4 films. Mais un film avec "d'après Stephen King" sur l'affiche, ca pourrait le faire. C'est vrai que ce ne serait plus vraiment La Tour Sombre. et peut être que King n'accepterai pas que sa grand oeuvre soit élaguée...

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  11. En même temps t'as déjà jeté un oeil à la BD ?

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  12. oui, mais juste un oeil: j'avais trouvé les dessins atroces...

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