lundi 14 novembre 2011

The Who - Obèse et un peu couillon

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Trente-huit ans qu'il embarrasse tout le monde. Trente-huit ans qu'on le regarde sans trop savoir quoi en faire, comme un obèse un peu couillon mais plein de bonne volonté qui, engagé au service militaire, déclencherait la perplexité de ses supérieurs. Quadrophenia est réédité en grande pompe - l'expression fait sourire tant elle lui sied bien. L'occasion de le ressortir des cartons, de tenter une énième réévaluation de ce classique par défaut dont personne n'a jamais trop su dire s'il était franchement mauvais, raisonnablement médiocre ou carrément génial.

Les trois perspectives se côtoient tout au long de cette réédition à la longueur indécente, qui alterne refrain assassins et horreurs au synthé, montées en puissance fulgurantes et préfiguration de Dream Theater. C'est une chose de dire que l’œuvre des Who n'a plus qu'un intérêt très relatif passé 1968. C'en est une autre de savoir quoi penser des albums du groupe après cette date. Disons-le franchement : cet article n'apportera aucune réponse toute faite.

Quadrophenia est un genre de super Tommy, ce qui n'est pas peu dire. Il est au concept-album culte, déjà passablement boursouflé, ce que le maxi best of est au menu best of traditionnel. Plus de frites, plus de soda sucré (pour ne pas dire plus de sucre dans le soda)... une affaire de quantité plus que de qualité, sinon une (im)pure et simple histoire de gras. Ne fuyez pas : le gras, ça peut être très bon. Hors périodes de régime. Il est entendu que des mets comme 'Cut My Hair' ont de grandes chances de boucher toutes vos artères si vous en abusez, mais cela ne signifie pas qu'il faille s'en priver. Comme toute en chose en ce monde, Quadrophenia est avant tout affaire de modération. Et puisqu'on ne peut pas compter sur ses auteurs pour en faire preuve...

S'il fallait choisir un statut à Quadrophenia, ce serait donc celui-ci : l'album des Who qu'on n'écoute jamais mais qu'on est toujours content de ressortir, précisément parce qu'on sait que cela n'arrivera pas souvent. Un disque qui malgré une tentation prog gros cul renferme quelques très bons moments, 'The Real Me' bien sûr – 'The Punk & The Godfather' et le véhément 'I Am One' aussi. Le groupe a été plus inspiré et Daltrey moins maniéré, certains passages sont gentiment ringards ('Quadrophenia', 'The Dirty Jobs')... mais tout n'est à pas jeter et l'on peut même accidentellement se retrouver à brailler 'Is It in My Head?' à l'insu de son plein gré. En fait, malgré une production carrément lourdingue par instants, il s'agit même plutôt d'un bon album (à plus forte raison muni de bonnes enceintes).

Plutôt d'agréable tenue, la présente édition est assortie d'un second CD à peu près aussi révolutionnaire que le dernier album du groupe, mais qui s'enchaîne somme toute plutôt pas mal avec l'original, notamment grâce à quelques démos un peu plus rough. Attention cependant à l'abus de sucre sur 'Dr Jimmy' et 'Love, Reign O'er Me', nous souffle notre correspondant auprès de l'Union Française Pour La Santé Gastro-Musicale.


👍 Quadrophenia [Deluxe Edition] 
The Who | MCA/Universal, 2011 (1973 pour l'édition originale)