dimanche 10 juillet 2011

Damages - Efficace

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[Taux de spoil : 15 %] Les déceptions amoureuses ont ceci de terrible qu'elles mènent immanquablement à la haine, au rejet viscéral, au mépris le plus cruel. J'en ai plus d'une fois fait l'expérience. Avec les femmes, et avec Damages. Mais si, voyons : Damages ! Ce mystère de la Création Télévisuelle étant parvenu, dans un numéro de contorsionniste ébouriffant, à être successivement la meilleure série du monde durant sa saison un, et la plus navrante durant sa saison deux ; la plus hype en 2008 pour mieux être annulée par FX dans l'indifférence générale en 2010, avant d'être repêchée in extremis par Direct TV, qui semble s'être faite une spécialité de ce genre d'opération de sauvetage (c'est elle, déjà, qui avait sauvé Friday Night Lights des eaux), et qui débutera la diffusion d'un quatrième chapitre ce mercredi. Damages dont tout portait donc à croire, affaire de statistiques, que sa troisième saison trouverait un juste équilibre entre excellence et médiocrité. Encore fallait-il avoir le courage de s'y plonger, et après une déception aussi violente on comprendra qu'à l'instar d'une bonne partie de son public (les audiences ont fondu comme neige au soleil), j'aie préféré prendre mon temps de peur de le perdre.

La statistique était exacte, et Damages a retrouvé un niveau honorable. Un peu plus, même : le show des frères Kessler a su redevenir une bonne série, ce qui n'était franchement pas gagné après cette seconde saison de sinistre mémoire, à la narration épileptique et au casting hystérique. Cette fois-ci, l'intrigue tient debout, librement inspirée de l'affaire Madoff (ici rebaptisé Tobin) et se recentrant sur un legal drama de facture plus traditionnelle, ce qui va plutôt bien au teint de Glenn Close. Une bonne idée n'arrivant jamais seule, le fait de placer au cœur du puzzle narratif non pas Madoff/Tobin, mais son fils aîné, s'avère d'une grande pertinence : s'il n'est pas un guest aussi bling-bling que William Hurt dans la saison précédente (en dépit d'une belle carrière dans le ciné indé US1), Campbell Scott est particulièrement convaincant en fils trahi et humilié, déchiré entre son honnêteté naturelle et la nécessité de protéger sa famille... Un rôle torturé et ambigu dans la droite ligne de ceux que tenaient Ted Danson et Željko Ivanek dans la première saison. Un rôle comme la suivante en manquait cruellement.


Cependant soyons lucide : le principal intérêt (ou in-intérêt, selon les moments) de Damages n'a jamais résidé dans ce qu'elle racontait, mais bien dans la manière dont elle le racontait. De ce point de vue, ce troisième acte du duel Patty Hewes/Ellen Parsons est presque un modèle de redressement de série en détresse, en deux temps et trois épisodes. Premier temps : en finir avec le capharnaüm narratif de la seconde saison, véritable sommet d'esthétisme creux et de vaine prétention scénaristique. Damages retrouve ainsi une construction plus simple, assez proche de celle de ses débuts, avec deux lignes temporelles séparées de six mois et avançant en parallèle. Les auteurs sont certes incapables de résister à l'envie de s'écarter de ce schéma pour en rajouter dans le dramatique, mais ils le font avec suffisamment de parcimonie pour que cela ne gène jamais la compréhension. Bien sûr, ça ne peut pas fonctionner exactement comme dans la première saison, dont l'intensité et le côté implacable provenait en grande partie du fait qu'on ne connaissait pas les personnages - ils étaient donc imprévisible. Rien ne permettait de dire, par exemple, qu'Ellen n'avait pas fini par devenir une meurtrière à force de subir le harcèlement moral de sa boss. Ce genre d'astuce narrative étant impossible à réitérer au bout de trois ans, les scénaristes ont opté pour l'approche inverse - c'est-à-dire jouer avec notre attachement à ces personnages que l'on connaît désormais. Sans surprise, c'est Tom Shayes, le seul à être à peu près sympathique, qui passe à la casserole dans le premier flashforward. L'enjeu sera dès lors le pourquoi du comment on en est arrivé à le retrouver mort, ce qui à défaut d'être très original a le mérite de faire avancer l'intrigue vers un but précis - loin du sentiment de roue libre que dégageait la saison deux. Et puis il faut reconnaître que le chant du cygne de Tate Donovan, acteur éternellement sous-estimé, ne manque pas de classe.

Second temps, redéfinir les forces en présence. Le véritable sujet de Damages ayant toujours été la relation (un tiers-filiale, un tiers-amoureuse et un tiers-faustienne) entre Hewes et Parsons, il fallait trouver un moyen de la repêcher, tant elle avait sombré (dans le ridicule, principalement) l'année précédente. Là encore, les frères Kessler usent avec une grande intelligence d'un artifice extrêmement banal : ils envoient Ellen bosser pour le procureur et mettent de la distance entre les deux lionnes. Ce qui n'est qu'une autre manière de dire que Rose Byrne (qui est toujours aussi anxiogène à regarder mais a énormément musclé son jeu) passe pas mal au second plan et que Glenn Close, parachutée indiscutable héroïne d'une véritable intrigue, assure le taf sans forcer son talent. Elle n'a certes plus le même pouvoir de fascination qu'aux débuts de la série, mais sa classe demeure aussi inaltérable que son apparence (mais quel âge a cette femme ???). Surtout, ses faces à faces avec Ellen sont d'autant plus chargés en intensité qu'ils sont désormais rares, brefs et équitables.


Bien sûr, tout n'est pas parfait et le double péché originel de la série demeure : Damages est toujours un one-shot prolongé en dépit du bon sens, et toujours un gros thriller mainstream tentant de se donner de grands airs arty. On retrouve par instants toutes les lourdeurs du genre, intrigues secondaires ennuyeuses et vaines (pour Ellen) ou simplement répétitives (on a compris depuis deux ans que Patty était une mère exécrable ayant passablement traumatisé son fils... est-il nécessaire d'insister lourdement là-dessus chaque année ?). Mais on ne peut cette fois-ci lui dénier une redoutable efficacité, et même un retour de l'addiction qui fait plaisir. Sans être aussi haletante que par le passé, Damages réussit à accrocher le spectateur et donne à chaque épisode envie de voir le suivant. Par rapport à sa seconde saison, c'est assez énorme. Suffisamment pour qu'on retarde la publication de l'avis de décès.


👍 Damages (saison 3)
créée par Todd A. Kessler, Glenn Kessler & Daniel Zelman
FX, 2010


(1) Scott a notamment joué dans le film grunge culte Singles et dans le non moins culte The Exorcism of Emily Rose.

10 commentaires:

  1. J'avais pas trouvé la saison 2 si dégueu, et j'ai trouvé la 3 très bien.

    Sinon il est mort le "fresh blood"??

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  2. Je n'ai pas fait gaffe, mais de toute évidence le Fresh Blood remarche...

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  3. La saison fonctionne pas mal, mais c'est en partie parce que le spectateur a revu ses exigences à la baise. On reste loin, à mon avis, de la première, qui était vraiment une gifle.

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  4. > de toute évidence le Fresh Blood remarche...

    Euh. Non. Mais c'est peut-être juste moi qui ai un pb de navig.

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  5. Pas eu le courage de me lancer dans la saison suivante après une deuxième vraiment très nulle. Comme toi, quoi. Ah bah non toi tu as craqué :D

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  6. Serious >>> non mais ce n'est qu'un bug, en même temps, ça ne m'empêche pas de dormir :-)

    Lil' >>> pas vraiment puisque je ne me retenais pas plus que ça ^^

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  7. Sympa de voir qu'il y a encore des gens qui regardent Damages ^^

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  8. J'avais abandonné la deuxième saison à la moitié et j'ai regardé la troisième sans beaucoup d'enthousiasme. Même le retour de Frobisher m'a un peu ennuyé.

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  9. Je l'ai trouvée ce matin sur un disque dur. Je ne me rappelais même plus l'avoir récupérée ... D'un autre côté, je n'ai pas encore regardé la première saison. Encore moins la deuxième, donc.

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  10. Ah Thierry, si tu me permets, la première c'est quand même à voir....

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