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Ténèbres, prenez-moi la main. Accordez-moi cette danse, sensuelle et macabre, lancinante. Véritable dernier slow.
En formation duo sur cette tournée, uniquement accompagné du fidèle Tobias Nathaniel, Pall Jenkins a choisi l'option intimiste, cabaret mood et minimalisme pudique. Piano et voix, scie musicale souvent, guitare électrique occasionnellement. On ne verra rien ce soir du Black Heart Procession rock'n'roll et décharné, et l'on n'entendra rien du répertoire le plus enlevé des Californiens gothiques, ces 'Square Heart' et autres 'Back to the Underground' qui font le sel de leurs albums depuis quinze ans. Pas sûr que c'eût été mieux. Car Jenkins n'a guère besoin de fioritures pour capter une assistance aisément conquise (il faut entendre la véritable ovation qui suit la fin de 'Stitched to My Heart', ouverture pourtant hésitante). Il n'a besoin de rien, d'ailleurs, sinon de son charisme animal, sa seule présence suffisant à emplir l'espace de tension et à convoquer les ténèbres. Pas même de son micro, qu'il tient bien loin sur la plupart des titres ('The Old Kind of Summer', 'Blue Tears'...), comme s'il ne savait trop quoi en faire... pour finir par carrément l'abandonner dans un coin le temps d'un 'All My Steps' d'une beauté à couper le souffle ("All of my life / I tried to escape your love / All of my steps away / I tried to cover my tracks"). Le pire, c'est que c'est à peine si l'on sent une différence.
Après ce climax, la danse reprend, toujours bercée du même lightshow dépouillé, toujours écartelée entre danger et romantisme (dans l'univers funeste de la Black Heart Procession, l'un et l'autre sont indissociables). Nathaniel est prostré sur son piano ; Jenkins meut lentement son énorme carcasse, et sa voix, un peu hésitante sur les deux premiers morceaux, se fait de plus en plus profonde, forte, n'inspirant plus que frisson sur frisson. Les morceaux sont transfigurés, uniquement reconnaissables, pour certains, à leurs paroles anathématiques, à leur martèlement sourd de "heart", de "leave", de "love". Le rappel sera le coup de grâce, enchaînant deux des chansons les plus sublimes du groupe - 'The Waiter' et 'Drugs' - dans des versions laissant K.O. debout. "Merci d'avoir été aussi silencieux et attentifs", finira par dire Jenkins, et ce seront quasiment ses premiers mots de la soirée. Les derniers seront pour féliciter Dark Dark Dark ("wonderful band"), qui assura une première partie honnête, bien plus convaincante que lors de son passage avec Matt Elliott il y a quelques semaines, et dont il faudra bien se résoudre à parler plus longuement un de ces jours.
Ce ne sera pas encore pour maintenant, mais ne pas voir son souvenir effacé par les nocturnales de Pall Jenkins eût été impossible à n'importe quel groupe.