samedi 22 janvier 2011

The Radio Dept. - Le Mac Morning, c'est fini

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Cher lecteur, tu ne connais pas ta chance. Tu n’imagines pas combien nous t’aimons, et combien nous tenions à t’offrir ce nouvel épisode de ta rubrique préférée. Et il fallait vraiment le vouloir, crois-moi sur parole.

C’est que vois-tu, les jeunes gens du Radio Dept. ont un énorme besoin de sommeil, y compris dans la journée. C’est ça, d’être sur la route toute l’année. On se couche tard, on est complètement décalé. Et on finit par battre tous les records de retard d’interview (plus de trois heures !). Heureusement, l’entretien devait avoir lieu dans le cadre de l’excellent festival BBMix. Ton serviteur n’était pas paumé au milieu d’une salle de concert déserte en attendant, mais bien au chaud à siroter des bières pas chères et à découvrir les très bons Berniz. C’est toujours ça de pris.

Il faut cela dit reconnaître au trio suédois, qui n’avait plus foulé le sol français depuis des années, d’être particulièrement avenant au réveil. Heureusement, puisqu’on se retrouve backstage à moins d’une demi-heure de son entrée en scène. Sourires, poignées de mains chaleureuses et petit-déj au Beaujolais : Johan (chant), Martin (guitare & basse) et Daniel (clavier) sont manifestement ravis d’être ici, de jouer en presque stars américaines et de retrouver un public les attendant comme de quasi messies pop. Ravis, et un peu surpris aussi. Pas au point de s’avouer dépassés par leur succès, mais on sent bien que quelque chose n’est pas loin de leur échapper. Qu’ils n’étaient assurément pas préparés à cela.


C’est que The Radio Dept., c’est avant tout cette histoire vieille comme la pop de la bande de potes qui se lance dans la musique un peu par hasard, et découvre le succès presque par accident. Une vraie belle success-story à l’ancienne, comme quoi contrairement à ce que racontent les Cassandre cela n’a pas disparu. Johan : « J’ai rencontré Martin pour la première fois vers 96, on a fait connaissance assez progressivement, c’est seulement en 98 qu’on a commencé à jouer ensemble. C’était surtout pour le plaisir, on n’imaginait pas à cette époque avoir une carrière. C’est devenu vraiment sérieux aux alentours de 2002, quand on commencé à avoir de très bonnes chroniques dans la presse suédoise. » La suite s’enchaîne naturellement : EP, album, et Daniel, le clavier à l’accent pour le moins particulier (son « keyboards » sonne « cables », ce qui entraîne un fou rire de part et d’autres), rejoint les deux compères. « Je dirais que c’est vraiment entre 2001 et 2003 que les pièces du puzzle se sont imbriquées pour donner ce qui s’appelle aujourd’hui The Radio Dept. » Ce à quoi Martin ajoute immédiatement : « Il faut quand même préciser que le groupe tel que tu le vois maintenant n’existe pour ainsi dire que depuis 2005. Avant ça le line-up était très fluctuant. »

Comme dans toute bonne success-story, c’est alors au tour de la bonne fée d’entrer en scène. Celle du Radio Dept. se nomme Sofia Coppola, qui chipe un morceau de l’EP This Past Week ("I Don’t Like It Like This", pour ne pas le nommer) pour la B.O. de Marie-Antoinette. De manière complètement inattendue, le tout jeune trio échappé d’une petite ville suédoise (Lund, moins de 80 000 habitants et une localisation pour le moins excentrée) et jouant une musique à contre-courant de toutes les modes (la dream-pop est loin d’être hype en 2006) se découvre un rayonnement mondial. Qui ne fera que s’amplifier avec la parution l’an passé de Clinging to a Scheme, album cotonneux et sophistiqué qui présente tout d’un accomplissement. Le feu est mis aux poudres : même les charts US finiront consumés par ce disque accouché dans la douleur, quasiment jeté en pâture au bout de trois longues année de travail. Et on ne parlera même pas de la presse, dithyrambique. Martin : « On ne s’attendait vraiment pas à d’aussi bons retours. On était dans le brouillard, on aurait pu passer une année de plus dessus. Alors bien sûr on l’aimait et on espérait que quelques personnes l’aimeraient… mais à ce point-là… c’est vraiment extrêmement surprenant. » Daniel, hilare, de conclure : « J’ai l’impression que personne ne peut foncièrement détester cet album. »

passiveagressive 

Mais à vrai dire, ça, c’est déjà le passé. Le présent est une compile de singles et faces B d’excellente facture (la meilleure publication, peut-être, d’un groupe dont on a tout dit des atmosphères oniriques et trop peu de l’efficacité pop et du songwriting impeccable), et surtout un quatrième opus déjà dans les tuyaux, en essayant de faire comme si de rien n’était, comme si le trio n’était pas devenu the next big thing… en essayant de conserver la même distance et la même spontanéité. « On écrit constamment, ce n’est vraiment pas discipliné. Après on nettoie et on range (rires) Il arrive même que des chansons s’ébauchent en impro pendant les balances… bon alors la plupart du temps c’est à chier, ok. (rire général) Mais PARFOIS, il en sors quelque chose de vraiment bon. Un riff de Martin… ou Daniel qui trouve un son un peu inhabituel aux claviers » (Daniel se met à feuler un son improbable, entre le rut du chachelot et l’invasion martienne, ce qui provoque un nouveau fou rire de cinq minutes – ces gens se marrent tout le temps – avant que Johan ne retrouve – difficilement – son sérieux) « Il y a tellement de manières de faire germer une chanson… jamais on ne se pose en me disant : bon allez, écrivons un morceau aujourd’hui. » Mais cet album, alors ? Prend-il déjà forme ? Impossible d’avoir une réponse précise, mais Martin lâche, sibyllin : « Je nourris le rêve un peu fou d’enregistrer un disque étrange… mais tu vois, genre : vraiment weird, bizarroïde. Ce sera peut-être le prochain. » 


Passive Agressive – Singles 2002-2010, de The Radio Dept. (Labels, 31/01/2011)