lundi 24 janvier 2011

No One Is Innocent - Sans déconner

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Tenir bon. S'accrocher jusqu'au dernier morceau, sinon jusqu'au dernier souffle. Ne rien lâcher à l'air du temps, au cynisme de l'époque, à son goût pour la condescendance et le sarcasme facile. La démarche de No One Is Innocent rejoint de manière troublante celle du chroniqueur, lorsque celui-ci tente d'écouter le dernier opus de l'ex-meilleur groupe français de sa génération sans s'étouffer de rire. Il serait commode, bien sûr, de prendre Drugstore de haut, de se dire qu'à l'instar d'une infinité de combos des années 90, celui-ci n'a plus rien à dire depuis longtemps, que c'est dans l'ordre des choses et ne mérite pas particulièrement que l'on s'y attarde. On pourrait répondre par le mépris, mais ce serait fort hypocrite : on était sincèrement curieux de l'entendre, ce Drugstore, à la faveur d'un précédent album, il y a déjà presque quatre ans, plutôt solide dans le genre rock heavy et intemporel. Certes, Utopia était loin et on le savait déjà. Mais après tout, on a tous le droit de vieillir, de changer, d'évoluer. En fait en matière de musique, on a même plutôt tendance à encourager ce genre de choses.

Evidemment, l'évolution chez le toujours aussi sérieux Kemar s'est traduite il y a déjà bien longtemps par une reformation du groupe sans aucun membre d'origine, ce qui tend à faire de lui un genre d'Axl Rose franchouillard (autre type qui semble ne jamais sourire). Le fait n'est pas nouveau, et à la limite tant mieux : on peut aborder Drugstore avec d'autant plus de distance qu'il ne s'agit en aucun cas du groupe qui berça notre adolescence rebelle. Tout de même : on ne s'attendait pas à ça. On ne trouve d'ailleurs pas tout à fait les mots pour désigner ce "ça". Le plus juste, sans doute, serait de parler d'album médiocre et sans intérêt. Le plus juste, oui... mais le plus sincère ?

Alors soyons sincères : dès les premières notes de "Cheri Moog", on est consterné par ce qu'on entend, à savoir une somme de gimmicks chourravée chez vingt groupes indus de la fin eighthies et servis autour d'une mélodie dont Reznor rougirait sans doute, tant elle rappelle ce qu'il composait à quatorze ans dans le sous-sol de ses parents. On veut croire, l'espace d'un instant, que ce n'est qu'une entame malheureuse. On est pas au bout de nos peines, puisque le second titre poursuit dans la même veine indus-qui-se-veut-catchy-mais-n'est-jamais-que-lourdingue, d'un cheap certain et d'un ringard consommé. Sueur sur le front du brave chroniqueur, qui fut fan - il y a longtemps.

En fait, il faut attendre encore un peu avant de saisir toute la dimension comique de Drugstore, qui ne révèle réellement l'épaisseur de sa bêtise que lorsque le chant se fait francophone. La barre a été placée haut, l'objectif de l'ouvrage semblant être de repousser les limites de l'ineptie et du néant intellectuel. "Paris" ou "K.O." déclencheraient l'hilarité partout ailleurs ; sur un album de No One, qui fut l'un des groupes les plus extraordinaires dont la France ait jamais accouché, on est juste gêné. Gêné pour ces gens que l'on estimait et qui se couvrent de ridicule à jouer du mauvais Da Silva (pléonasme) sur "Qui je suis", dont le texte est tellement cucul la praline que l'on se sent obligé de checker la pochette pour être bien sûr qu'il s'agit d'eux. Mais oui, c'est bien d'eux qu'il s'agit, on les reconnaît même par éclat, par exemple sur "Les Opposants", seul titre à sauver d'un naufrage comme l'on en verra sans doute peu en 2011. Et encore, les gimmicks y sont là aussi assez irritants, comme sur chaque titre et plus encore que la voix ou les paroles. C'est à cet abus de fausse bidouille technoïde (le mot lui-même semble évadé d'une autre époque), ces petits gazouillis de synthés ou ces anathèmes paresseux que Drugstore doit son côté ringard, donnant l'impression de n'être qu'un album à formules et à grosses ficelles. Si le groupe s'était contenté de balancer la purée sans réfléchir, au moins n'aurait-on pu attaquer la pertinence de l'ensemble ; Drugstore semble pourtant, et c'est sans doute le plus effrayant, avoir été un album pensé, mûri, aspirant même à une forme de maturité. On ne sait que dire.

No One Is Innocent a pris un sacré coup de vieux. Nous aussi. Cela dit nous n'avons pas vieilli ensemble, et à l'écoute de Drugstore il est difficile de ne pas se dire que c'est une des meilleures nouvelles de ce début d'année.


Drugstore, de No One Is Innocent (2011)

11 commentaires:

  1. Et sinon, le nouvel Iron & Wine ? ;-)

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  2. hi hi hi, je m'étais tu lors de sa publication sur Interlignage, mais là... cette piqûre de rappel a du bon :-D
    En même temps, qui attendait encore qqch de No One en 2011? Surtout de la part d'un groupe qui n'a jamais été à la pointe de l'originalité à ses débuts, restait une certaine efficacité, qui semble avoir disparu donc.
    Bof...
    Au moins ils ont fait des économies pour la pochette

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  3. Il est en effet assez pathétique ce disque...

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  4. Déjà à l'époque j'aimais pas trop...

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  5. Un Top of the flops passe toujours bien. Même si là, évidemment, je me moque un peu du groupe. "Drugstore, qui ne révèle réellement l'épaisseur de sa bêtise que lorsque le chant se fait francophone. La barre a été placée haut, l'objectif de l'ouvrage semblant être de repousser les limites de l'ineptie et du néant intellectuel.", ça fait mal !

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  6. Thierry >>> eh bah... je ne sais pas trop, il me laisse très perplexe, ce nouveau I&W...

    Doc >>> quand même, Utopia était un album qui avait vraiment de la gueule (le premier était beaucoup moins personnel et surtout solide, je te l'accorde).

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  7. Ca va être dur de trouver des fans hystériques pour t'attaquer :-)

    (et c'est vrai que cet album est nul à chier)

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  8. Bah non, justement : moins il y a de fans, plus on se fait facilement agresser :-)

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  9. Je voulais dire que même en étant fan, c'est difficile de défendre cet album...

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  10. çà donne presqu'envie de l'écouter ;)

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  11. Tu ne serais pas un peu fétichiste ? Avoue, en fait ton vrai nom c'est l'Abuse :-))

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