jeudi 6 janvier 2011

Art Brut - Un plaisir simple

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Mardi dernier, le psychopathe Eddie Argos et sa bande de mercenaires geeks étaient de passage dans la capitale. Une soirée Custom au Nouveau Cas', encore une, à la programmation toujours aussi surprenante (ce qui peut-être vu comme un compliment ou une critique selon l’endroit d’où l’on se place et le goût de chacun pour les surprises) et au timing on ne peut plus millimétré (la fin était annoncée à 22h30 ; nous étions dehors à 32 pile).

La vie de chroniqueur étant épuisante, on manquera When Saints Go Machine (à regrets) pour cause d’interview avec les délirants Hoquets à quelques pâtés de maison de là (à lire prochainement dans ces pages). On ne loupera rien en revanche de Jonquil… à regrets aussi. Sympathique durant deux morceaux, leur musique estivale et festive (qui a dit « vampireweekendienne » ?!) se fait progressivement pesante, non pas au sens de heavy mais bien au sens de lourdingue. Et au fur et à mesure que les titres se font ici plus discoïdes, là plus cheesy, on n’a quand même bien du mal à ne pas avoir envie de faire autre chose.


L’entrée en scène d’Art Brut vient évidemment balayer le sentiment de vague ennui qui commençait de nous submerger. Il semble assez peu plausible de s’ennuyer en compagnie d’Eddie Argos, de plus en plus grassouillet et toujours aussi sévèrement allumé. Tout au plus nous assaille une vague crainte : si pendant une heure il ne nous joue que des titres de son dispensable dernier album, on risque peut-être de bailler à un moment ou un autre. Fort heureusement, nulle trace de cet odieux excès. Au contraire, c’est le très culte premier opus (Bang Bang Rock’n'Roll. 2005. Indiscutablement le meilleur des quatre) qui va composer un gros tiers du set. Ce qui affligerait chez n’importe quel autre groupe et ne pose ici aucun problème : Art Brut, comme l’expliquait avec talent notre camarade Lyle dans son article de la semaine dernière, n’est pas un groupe sérieux. Argos lui-même, gesticulant et grimaçant et éructant à s’en décrocher la mâchoire sans jamais réussir à arracher une note juste… Argos lui-même est une grande blague avec des cheveux, des jambes et un bide. Cartoonesque – à tout le moins pas tout à fait humain.

Qu’importe dès lors qu’il préfère rejouer ad vitam aeternam "Emily Kane" ou "Good Weekend", plutôt qu’un nouvel opus ressemblant plus que jamais à un prétexte à brailler des textes surréalistes, dessiner une belle pochette et tourner. Il passe d’ailleurs le plus clair de son temps (entre deux bonds et trois blagues) à demander au public ce qu’il veut entendre, comme si celui-ci risquait de répondre autre chose que "Formed a Band", "Nag Nag Nag" ou "DC Comics & Chocolate Milkshake". Et pourquoi le ferait-il, d’ailleurs ? Ces hymnes increvables comptent assurément parmi ce que le rock anglais a offert de mieux durant la dernière décennie, et les versions survitaminées dans lesquelles ils sont délivrés font foi. On ne va définitivement pas voir Art Brut pour faire autre chose que passer un bon moment en oubliant ses problèmes, et une heure est très probablement la durée idéale pour ne pas se lasser, dans la mesure où le risque est fort de finir par avoir le sentiment d’entendre toujours plus ou moins le même morceaux. Comme dirait un très bon ami retrouvé là-bas et au comble de l’exultation : normal, c’est de la chanson à texte. Si seulement les mormons de la chanson française pouvaient l’entendre…