mercredi 15 septembre 2010

True Blood - Plus cool que vraiment bien

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Ce qui est parfois un peu usant, avec les séries, c'est qu'elles sont décomposées en épisodes. Ne riez pas : la remarque n'est pas si absurde qu'elle en a l'air. Apprécier une saison dans sa globalité est une chose (fréquente ici), mais l'exercice implique régulièrement de négliger certains aspects pour prendre de la hauteur - quitte à ne pas forcément être tout à fait juste. Les séries usant d'intrigues à tiroirs posent souvent ce genre de problème ; 24, par exemple. On dira que sa saison huit est un demi-teinte, alors qu'elle n'en contient pas moins quelques épisodes incroyables et suffocants. Au côté d'autres nettement moins enthousiasmants.

La troisième saison de True Blood pose exactement le même genre de problème. Ce n'est pas une surprise : la série d'Alan Ball a toujours plus ou moins reposé sur un équilibre fragile, alliance de second et de premier degré, d'allégories fascinantes et de métaphores paresseuses, d'une toile de fond envoûtante opposée à des scenarii choisissant souvent la facilité pour de sinueuses raisons (le racolage en étant une, bien que son auteur s'en défende - en vain : sur HBO, on peut parfaitement avoir du succès sans avoir des séquences de pure mièvrerie). Toujours sur le fil entre série d'auteur et divertissement pop, True Blood a souvent mis dans l'embarras, et la manière dont elle fut d'abord injustement flinguée par la critique avant d'être à l'inverse totalement surcotée, tout comme son absence des cérémonies de prix, ne sont, dans le fond, que le juste reflet des ambiguïtés présidant à sa conception.

Après une seconde saison d'excellente facture, on pouvait supposer que Ball allait confirmer, enfoncer le clou de la provoc' et s'éloigner définitivement de la guimauve littéraire où il puisa l'idée initiale. C'est tout le contraire. La série n'a jamais semblé aussi racoleuse et catchy, clinquante et lourdingue, souvent carrément superficielle. A forcer le trait, à vouloir toujours en faire plus dans le trop, Ball s'est tiré une balle dans le pied durant toute la première moitié de la saison, six épisodes à la qualité franchement discutable et à l'intrigue souvent à la limite du compréhensible tant elle est pourrie par les incohérences et les ellipses. Six épisodes, somme toute, où tout est en trop. Trop de nouveaux personnages secondaires aux caractères à peine esquissés (Cooter, Jesus...), trop de personnages principaux laissés sur le bord de la route (la stagnation de Tara - définitivement bloquée en mode traumatisée - est le symbole d'un abandon narratif d'autant plus flagrant qu'à l'origine, c'était le personnage le plus intéressant de la série), trop de personnages secondaires ne servant plus à rien et maintenus pour des raisons scénaristiquement impossibles à justifier (Arlene, Terry, Pam, la mère de Tara...), trop de personnages principaux déconnectés de l'intrigue principale (Jason, Andy). Et donc, par extension, trop d'intrigues secondaires et parallèles, et trop de lenteur dans le fil conducteur de la saison. On en vient à regretter que Maryann Forrester n'ait pas réalisé une hécatombe à Bontemps ; on en vient surtout à peiner à comprendre où va cette saison, quels seront ses enjeux et ses thématiques centrales.

Il faut attendre le sixième épisode pour enfin comprendre où Ball veut en venir. Les défauts ne sont certes pas gommés, mais au bout du dixième allez-retour géographique l'auteur semble avoir compris qu'il était temps de passer aux choses sérieuses. Restait à voir comment réussir à provoquer un peu plus, ce qui n'était pas commode après une seconde saison aux airs d'orgie permanente. Alors va pour un sous-texte homosexuel de moins en moins discret au fil des chapitres (et, somme toute, assez mal exploité). Va, surtout, pour une focalisation narrative sur les tréfonds de l'âme humaine - donc vampirique. Enfin des vampires qui ne sont pas des bisounours sous leurs airs de grands méchants. Après avoir largement appuyé l'allégorie - que je trouvais un peu simpliste - du racisme dans la première saison, Ball fait bifurquer avec une certaine intelligence la trame de la série. La tolérance a ses limites ; même souhaitant s'intégrer - et peu le souhaitent réellement - les vampires n'en demeurent pas moins des bêtes et constituent un danger réel pour la société. Pour brutal qu'elle soit au regard des deux saisons précédentes, cette rupture avec la thématique (de plus en plus éculée) de l'humanité du vampire est salvatrice pour la série, qui monte d'un voire deux crans dans la violence, l'hémoglobine et les scènes SM (lister tous les personnages qui seront à un moment attachés et/ou sadisés serait sans fin).

Excellemment castés (mention spéciale au toujours formidable James Frain, sans doute l'un des meilleurs seconds rôles de série des dernières années), ces vampires cinglés, psychopathes ou mégalomanes offrent les scènes les plus drôles et excitantes d'une saison dont ils compensent les nombreuses faiblesses (intrigue secondaire avec Jason sans intérêt particulier, sous-intrigue sur la nature de Sookie face à laquelle on a du mal à ne pas bailler, parfois). Au risque de faire basculer le tout du côté de la série Z ? Force est de noter que les scènes de baston sont de plus en plus nombreuses et, le plus souvent, aussi inutiles à l'intrigue que les revirement sentimentaux de Sookie. Alors bien sûr, tout cela peut-être considéré comme secondaire. Plus que jamais, True Blood vaut avant-tout pour son ambiance lancinante et sexuelle, la canicule qui s'en dégage, ses décors sublimes et ses dialogues souvent savoureux. Avant d'être une série de premier plan, l'œuvre d'Alan Ball est un feuilleton cool, sexy et délirant que l'on prend plaisir à retrouver chaque semaine. Mais pour combien de temps ? Au bout de combien de portées de nouvelles créatures fantastiques, de combien de scènes de larmes (ridicules) d'une Sookie de moins en moins jouvencelle... au bout de combien de faux cliffhangers nous lasserons-nous ? Un jour ou l'autre, il faudra bien que le génial Ball se décide à écrire des scenarii un peu plus consistant que ceux qui nous occupèrent cet été. Sans quoi sa série ne sera plus suivie que par les midinettes trempant leur culotte à chaque apparition d'Eric Northman.


True Blood (saison 3), créée par Alan Ball (HBO, 2010)

21 commentaires:

  1. Excellent papier. Tout est dit !

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  2. Les midinettes? Quelle midinettes?

    Ah nan, là, j'vois pas...

    ^^

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  3. Tout à fait d'accord. La série a vraiment beaucoup perdu de sa superbe.

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  4. "les midinettes trempant leur culotte à chaque apparition d'Eric Northman."
    hein ? moi ? nooooonnn....

    A part ça, comme tu dis, trop d'intrigues parallèles, peu de cohérence du scénario. Le bouquin était un limité au point de vue intrigue mais la série aurait dû se concentrer juste sur le rapport loups garous/ vampires sans introduire en plus la notion de fée, qui si j'ai bien compris apparaît plus tard chez Charlaine Harris.

    J'aimerais revoir la saison en une fois, le découpage d'un épisode par semaine ne m'a pas vraiment réussi.

    Avant que je ne l'oublie: mention spéciale à Tara qui est devenue maîtresse en tremblements de la lèvre inférieure.

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  5. hihih! mais elle est bien plus jolie avec les cheveux courts en tout cas.
    Sinon, pour ce qui est de la série que pourrait on dire de plus que Thomas si ce n'est que le final avec Russel à la télé ça rachète bien des défauts! Dommage que les scénaristes n'aient pas plus exploité le filon.

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  6. @Miss Sunalee

    "Avant que je ne l'oublie: mention spéciale à Tara qui est devenue maîtresse en tremblements de la lèvre inférieure. "

    Han, je l'avais remarqué aussi et j'ai pensé à Kath :-)))))

    Et Tara j'espère qu'elle est partie pour de bon, voire même qu'elle va se suicider (vu comment elle a fait ses aurevoirs à tout le monde)! Elle m'a plus que saoulée cette saison...

    @Thomas

    J'me présente, Élodie, midinette de 31 ans, j'assume complètement le m***llage de c***ttes à la vue de M. Skarsgard!!!

    "les scènes SM (lister tous les personnages qui seront à un moment attachés et/ou sadisés serait sans fin)."

    Aaah, la scène d'Éric dans la cave... ah lala... en plus si je me souviens bien le plan était en contre-plongée accentuant ainsi la graaaaandeur de M. Skarsgard... Ah lala... (Thomas, tu pourrais même rebaptiser Le Golb, "Le Skarsgard" en hommage à notre cher viking -- hihi, je sens que ton sang vient de ne faire qu'un tour là!!!)

    Carrément d'accord avec la conclusion et même, pour cela, j'aurais été plus sévère au niveau de la notation... J'ai tellement été en manque de scénario paske le sensationnel ça va un moment, quoi... Du coup, je me dis que je vais peut-être lire les bouquins, apparemment, c'est pas mal...

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  7. Les bouquins, c'est bien mais pas top. Il ne faut pas s'attendre à de la grande littérature, loin de là. Charlaine Harris raconte une histoire et puis c'est tout. Mais je la préfère de loin à Laurel K Hamilton qui dans le premier volume des aventures d'Anita Blake écrivait scène d'action sur scène d'action et puis rien d'autre (et apparemment dans le dernier volume en français, c'est scène de cul sur scène de cul !).

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  8. ça sera toujours pas pire que Anne Rice...

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  9. pour la saison 4 c'est par ici
    http://www.youtube.com/watch?v=fM9KIiV7Kmc&feature=player_embedded

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  10. C'est amusant, car l'an dernier, quand je disais que la série était "bourrine", tout le monde me tombait dessus. Aujourd'hui, tout le monde semble partager mon avis. Hi, hi.

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  11. Bonjour, une bière svp!
    ah non désolé, je repasserai plus tard....

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  12. Je suis globalement tout à fait d'accord, mais personnellement ces défauts ne me dérangent pas plus que ça face à l'ambiance, les dialogues et les personnages... J'ai vraiment suivi cette saison avec jubilation et j'ai hâte de voir la suite, même si ça ne change pas (trop). Evidemment, j'aimerais bien voir la série prendre son envol vers plus de profondeur (tiens une oxymore) et de complexité, mais j'aimerais bien en même temps qu'elle garde ce côté pulp/cool/sexy/fun/pop/feuilleton/racolage/-xploitation... 8)

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  13. Bon, c'est malin, je m'ennuyais dans la 2ème saison, donc je n'ai pas continué, mais là va falloir que je vérifie.
    Eric il est blond, et ça c'est pas callente du tout, à mes yeux.

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  14. Xavier > on dit "bonjour un tru blood svp" (ou une vierge bien fraîche) :D

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  15. Serious: non, je faisais du mauvais esprit, en demandant une bière dans un salon de thé.
    Mais aujourd'hui je suis moins bougon, donc va pour un True Blood (c'est quoi au fait?). (la vierge bien fraiche, j'ai hélas passé l'age...)

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  16. C'est du sang de synthèse qui permet aux vampires (s'ils le souhaitent) de se nourrir sans tuer les gens. Assez efficace selon un vieil ami :)

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  17. Marrant que tu parles de l'après épisode 6, car pour l'instant avec ma douce on a juste fini l'épisode 6 :-P
    Mais pour l'instant, au vu des 6 1ers épisodes, effectivement trop de sous-intrigues qui ralentissent le rythme de la série, reste l'excellent tordu et jubilatoire James Frain (ça change un peu de l'image qui me restait de lui, à savoir torturé par un Jack Bauer jouant avec les fils électriques d'une lampe de séjour ^^)

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  18. Il faisait aussi un remarquable Cromwell dans The Tudors. Acteur effectivement excellent...

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  19. mais où est-elle cette saison, pourquoi je l'ai pas vu... tu me donnes envie là... je vais pouvoir râler (ou pas) et... non ne parlons pas d'Eric ici ;-)

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  20. Je suis presque entièrement d'accord avec tout ce que tu as écrit, sauf que je n'avais déjà accroché qu'à moitié à la saison 2 (la moitié Dallas). La saison 3 surenchérit dans le violent et le sanglant pour compenser le manque d'inspiration, mais c'est parfois bien fait. (L'intervention télévisée de Russell, quand même, c'était quelque chose).
    Ceux qui continuent de regarder la série au bout de 3 saisons ont de toute façon, plus ou moins consciemment, accepté l'idée qu'ils se font racoler. Alors un peu plus ou un peu moins...

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  21. Accepter l'idée que je me fais racoler, mouais... je ne sais pas trop. Ce n'est pas moi que la série racole, pas personnellement je veux dire, quand elle montre de la scène de faux sexe au kilomètre, des torses musclés ou passe trois ou quatre épisodes sur la romance. Ce qui amène à la question : pourquoi je regarde, alors ? Réponse d'ici la saison 4 !

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