mercredi 16 juin 2010

Glee - Éjaculation précoce

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Diffusé il y a déjà plus d'un an, le pilote de la nouvelle série de Ryan "Nip/Tuck" Murphy, trublion bien connu (et aimé) dans ces pages, en avait laissé quelques uns sceptiques. Un peu survendue, un peu trop buzzée, un peu trop soutenue par une publicité clairement mensongère (une spécialité du bonhomme, déjà roi des effets d'annonce jamais suivis d'effets du temps des McNamara & Troy)... Glee se présentait comme une parodie des teen-movies en général et de High School Musical en particulier, sans que l'on sache vraiment avec exactitude quel public elle visait... et quel autre elle moquait. Bien fichu sans être spécialement marquant, l'épisode cultivait un juste-milieu assez déroutant - on demandait encore à voir.

Quelques mois plus tard on s'y est recollé, non sans une certaine appréhension : entre temps Glee est devenue l'un des plus gros succès de la saison, un véritable phénomène chez les ados ricains... pas de quoi être vraiment rassuré. On revoit le pilote en éprouvant un certain embarras : avec le recul, la prétendue parodie ressemble plus à un pastiche, la musique est globalement de la soupe et les clichés sont nombreux. De là à se demander si on ne nous a pas changé le sulfureux Murphy (également réalisateur de l'OVNI cinématographique Running with Scissors), il y a un pas que l'on aura du mal à ne pas franchir.

Et pourtant, au fil des semaines, on se surprend à s'intéresser à Glee. Sans passion démesurée, certes. Mais il faut reconnaître que dès le second épisode elle s'avère bien moins cucul que ce que l'on pouvait craindre. Bien sûr, le pitch est largement rebattu : on suit les aventures de Will Schuester, prof tentant tant bien que mal d'envoyer la chorale du lycée jusqu'aux sélections régionales - ce qui est loin d'être gagné vu les losers absolus la composant. Toutes les figures imposées y passent, de l'héroïne dont le plus grand rêve est d'être une diva à la Beyoncé XXL en passant par le jeune gay ne s'assumant pas ou le capitaine de l'équipe de foot obligé de cohabiter avec le clan des freaks. Mais toutes y passent plutôt bien. Habile et malin à défaut d'être très subtil, Murphy parvient dans un premier temps à jouer avec les codes du genre avec un certain talent, ajoutant un zest de soap, s'éclatant dans des chorégraphies totalement délirantes (et souvent brillantes, il faut le dire) et grattant discrètement l'épaisse couche de vernis recouvrant ses personnages principaux (les secondaires, en revanche, sont totalement transparents). Ainsi Schuester n'est-il pas uniquement un prof dévoué au bien de ses élèves, mais aussi un artiste frustré vivant très clairement le succès qu'il n'a jamais eu à travers eux. Rachel est certes une jeune fille touchante attirant sur elle tout le pathos possible et imaginable ; elle n'en est pas moins une peste égocentrique et volontiers arriviste. Finn est l'archétype du gentil bogosse comme on en croise dans quasiment toutes les séries pour ados ? Oui, mais c'est aussi un gros lâche. La prof de sport, Sue Sylvester, est une véritable garce faisant tout pour mettre des bâtons dans les roues de la chorale... mais elle n'est dans le fond qu'un reflet déformé d'une certaine American Way of Life, libérale et individualiste, ne s'exprimant qu'à travers la compétition et la libre entreprise, et ne s'épanouissant que dans la réussite à tout prix.

Derrière l'apparente superficialité de l'ensemble, Glee se montre par éclats capable d'offrir une satire assez intéressante, souvent futile - toujours futée. En terme de transgression on est évidemment très loin de Nip/Tuck, mais on n'est pas non plus dans le même contexte. La manière assez punchy dont la sexualité des ados est évoquées, l'humour souvent carrément potache, la critique du puritanisme... tout cela n'est présent qu'en filigranes, mais Murphy navigue néanmoins régulièrement à la limite de ce que l'on peut faire sur ces questions dans un programme passant en prime-time sur la FOX.

Le hic, c'est qu'une rupture de ton très nette s'opère à partir de la pause de mi-saison. Victime de son succès, à la fois idolâtrée par les ados et objet gay friendly ultime, auréolée du titre de sauveuse d'une économie de la musique en perdition... Glee se met progressivement à effacer ses personnages derrière son concept (ce qui n'est jamais une très bonne idée), de plus en plus musicale, de moins en moins comédie. Or on ne peut pas dire que la musique défendue, on ne peut plus mainstream, donne particulièrement envie de s'extasier. Si certains épisodes passent (notamment la spéciale Madonna, particulièrement marrante et enlevée), on est quelque peu gêné aux entournures lorsque la série tourne un clip à l'œil pour cette grosse ringarde d'Olivia Newton John, d'autant qu'en parallèle les intrigues se font de plus en plus fantomatiques. Comment souvent, la multiplication des guests ne fait que renforcer le malaise. Quel intérêt d'embaucher Joss Whedon pour réaliser un épisode s'il ne l'écrit pas et propose la même soupe que toutes les semaines ? Pire : quand la série se pique de faire participer un Neil Patrick Harris ou une Christine Chenoweth, aussi bons acteurs que chanteurs, elle ne fait involontairement que souligner la fadeur de son casting régulier.

Fatalement, on en ressort assez circonspect, voire franchement déçu. La première partie était sympathique et marrante à défaut d'être transcendante ; la seconde ne raconte quasiment rien, et n'est au mieux que le prétexte à des séquences en chansons parfois réussies, mais insuffisantes pour réellement accrocher le spectateur. La pause de mi-saison ayant tout de même duré quatre mois, il serait  tentant de voir en fait deux saisons en une, la première relativement réussie et la seconde foireuse. C'est avec une certaine circonspection que l'on suivra les débuts de la saison deux, histoire de voir si les scénaristes se sont subitement ressaisis ou s'ils poursuivent dans la voie il est vrai assez révolutionnaire inaugurée depuis avril : la série télé sans scénario ni personnages. Dans tous les cas on peut légitimement douter de la capacité de Glee à tenir ce niveau d'audience plusieurs années. Pour un coup marketing ponctuel, ça peut aller. Pour aller bouffer des parts de marchés à House ou aux femmes au foyer désespérées, il faudra sans doute un peu plus que des ados propres sur eux reprenant du Lady Gaga...


Glee (saison 1), créée par Ryan Murphy, Brad Falchuk & Ian Brennan (FOX, 2009-10)
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48 commentaires:

  1. Très bon article. Cette série ne te mérite pas ;)

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  2. Je ne suis pas allée au bout. La présence de Murphy m'a aguichée mais en fait, on est à des années lumières de Nip Tuck. Autant dans RWS on retrouvait bien son style autant là...

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  3. Rien vu de cette série et le côté musical ne me tente pas trop. Mais je me demandais s'il existait encore de bonnes séries "d'ados" ou sur les ados.

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  4. Oui mais est-ce ça vaut True Blood ?

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  5. diane, tu veux vraiment me lancer sur True Blood ;-)

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  6. Rien à sauver là-dedans. Sauf si on 16 ans, évidemment.

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  7. @Miss Sunalee : il y a bien sûr Skins, qui a déjà eu les honneurs du Golb ;)

    http://www.legolb.com/2009/10/skins-high-density.html

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  8. @ Lil': merci de me le rappeler ! je me souviens de l'article.

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  9. Pas du tout du tout accroché. Et le pire c'est que les critiques sont bonnes, alors que c'est d'une niaiserie finie !

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  10. ça fait même peur

    http://www.youtube.com/watch?v=oNHTCglQ_Wk

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  11. Et encore, ce n'est pas le pire.

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  12. Pas aimé du tout non plus. J'ai arrêté au bout du deuxième épisode.
    c'est plus de mon âge!

    Par contre True Blood... saison 3.. héhé!
    :-)

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  13. Ne soyez pas trop durs quand même, il y a vraiment des trucs marrants dans cette série. Après c'est inégal.

    Sinon pour répondre à la Miss, dans le genre j'aime beaucoup Misfits (série anglaise racontant l'histoire d'ados avec des super pouvoirs... je sais, dit comme ça, ça fait pas envie ^^). L'article devrait être pour bientôt d'ailleurs...

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  14. Bref, pour des séries ado, il faut aller en Angleterre si j'ai bien compris.

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  15. J'étais pleine d'espoirs concernant cette série (en raison des critiques élogieuses lues ou entendues), on peut dire que là c'est la douche froide ! Tant pis, ou plutôt tant mieux, de toute façon il faut que je découvre le Dr Who...

    Sinon, tu publies des critiques de série en semaine maintenant ? C'est perturbant ! :-))

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  16. Miss >>> il faut dire que les bonnes séries ados sont rares. Ou alors la première saison est bien et ça vire au soap après. Et de plus en plus de séries "adultes" incorporent des éléments de teen drama, ce qui bouffe pas mal de terrain. On se retrouve avec des séries comme Friday Night Lights, qui s'adressent presque de manière simultanée aux ados et adultes...

    Mélanie >>> ce n'est pas si nouveau... ça fait bien un an (sans doute un peu plus) qu'il y a des chroniques de séries les mercredi où il n'y a pas d'édito ;-)

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  17. Ne te méprends pas, je trouve ça très bien que tu réussisses à te mettre à la place d'un ado de 16 ans :-)

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  18. Thom, une remarque hors sujet en passant:
    Lorsque je suis au boulot, j'ai un affichage (très sympa d'ailleurs) avec colonne de droite sur fond blanc et articles dans un cadre aux angles arrondis (la bannière est toute noire par contre).
    et chez moi c'est fond uniforme gris (mais avec la bannière).
    Je ne sais pas à quoi c'est du, bizarre non?... bref, c'est plus une information qu'une question.

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  19. Il y a j'en ai peur des dizaines de facteurs qui entrent en jeu... navigateur, configuration informatique, config des écrans, luminosité, contraste. La "bonne" présentation, si j'ose dire, c'est la bannière, les bords arrondis, l'arrière-plan gris, le cadre gris, et le cadre intermédiaire gris clair... et ça je pense qu'en fait tu dois pouvoir l'avoir à ton bureau, ça doit juste être une question de contraste ou quelque chose comme ça. Pour chez toi je n'en sais rien. Si tu as du temps à perdre tu peux toujours essayer avec plusieurs navigateurs histoire de voir s'il y a des variations... au moins tu sauras que c'est une question de config - même je serais bien incapable de t'en dire plus ;-)

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  20. ah oui tient, quand je passe avec Mozilla c'est tout bien... je pense que ma version d'internet explorer est périmée...

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  21. Bon, je vais essayer de me retenir ...

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  22. Glee, c'est pour glitter?

    J'ai vu l'épisode sur Gaga par curiosité (qui en est déjà à trois "apparitions" dans une série avec South Park et Gossip Girl) et j'ai trouvé ça effroyablement cucul et pénible. Je suis d'autant plus étonnée d'apprendre qu'il s'agit d'une série du même type qui a fait nip/tuck...

    D'ailleurs, Glee fait partie des séries qui a reçu un bon petit tâcle comme ça en passant dans la première saison de Community (qui là pour le coup est UNE PUTAIN DE BONNE SERIE)

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  23. Effectivement, Community est assez jouissive.

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  24. Community est doublement jouissive. Pour l'épisode en lui-même, et ensuite pour la petite scène finale entre Troy & Abed ^^

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  25. Je n'en suis qu'au début, moi. Mais c'est vraiment bon. Je suis content de voir la relève de Scrubs assurée :-)

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  26. Je l'ai suivi à l'"américaine". J'ai eu le sentiment d'un changement de cap à la mi-saison, encore plus vers la fin. Mais ça reste diablement bon. Pas du tout le même registre que Scrubs, mais les interactions entre les personnages, qui sont eux mêmes fort attachants, sont hyper chouettes !

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  27. Moi j'ai trouvé ça plutôt sympa... c'est marrant, ça ne prend pas la tête, un épisode par semaine, pourquoi pas ?

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  28. Je parlais de Glee, pas de Community.

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  29. Thierry >>> pas du tout le même registre que Scrubs ??? Alors là, je ne suis vraiment pas d'accord. J'y reviendrai quand je chroniquerai la série, pour la peine.

    Leïa >>> oui, je suis d'accord, c'est plutôt sympa. A petite dose...

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  30. Bon, j'aurais dû dire "pas aussi poussé dans l'absurde".
    Il n'y a pas, dans Community, les "fantasmes / délires individuels" qui viennent se mêler au / parasiter le réel comme dans Scrubs et qui, pour moi, identifiaient cette dernière.

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  31. C'est marrant, pour moi ce n'est pas le truc le plus "identifiable" et personnel chez Scrubs. Il s'agirait plutôt d'une certaine manière d'enchaîner le burlesque à une forme de tendresse - voire de mélancolie - qui je trouve se retrouve assez bien dans Community...

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  32. Sur l'enchainement burlesque / mélancolie, on est bien d'accord.

    Quant aux "fantasmes parasites", je n'en avais jamais vu avant Scrubs, ou alors, cela ne m'a pas marqué. C'est peut-être pour cela que, pour moi, c'est la marque de fabrique définitive scrubienne.

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  33. Y a Six Feet Under, aussi. Mais c'est vrai que les deux séries ont commencé en même temps.

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  34. Ne me parle pas de SFU ;-)
    ça fait déjà quelques mois que ça me titille de la visionner pour la 3ème fois en entier (mais pas le temps, ou alors je laisse tomber des trucs plus récents).

    SFU = une vraie grande série dont la fin ne m'a pas déçu ^^

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  35. Je ne vois pas à quoi tu fais allusion ^^

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  36. J'adore Glee.. c'est un souffle de vie assaisonné d'un goût musical... ça a ravivé une flamme en moi... a fait naître un rêve! Vive Glee pour toujours! I'm A Gleek :P

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  37. Perso, j'ai adore, mais surtout la premiere partie.
    La deuxieme partie, c'est vrai, est decevante.
    (A part l'episode Madonna et Gaga, que j'ai vraiment bien aime).
    Les intrigues sont baclees je trouve.
    Rachel touve sa mere et en un episode, l'histoire est finie.
    Artie et Tina, on les voit quand?
    Puck/Rachel, ils sortent ensemble, se separent et se tournent autour en seulement deux episodes, mais rien dans le reste, comme si leur relation n'existait pas.
    A la place on a des couples cliches qui se tournent autour sans jamais rien faire, c'est chiant!
    Ils le disent dans l'episode 2, on veut du SEXE, alors appliquez!
    Merde, a 15-17 ans, on pense a ca!

    Mais la saison 2 a l'air prometteuse, avec moins de numeros musicaux, plus centre sur les personnages (Avec un episode special Britney Spears mettant en vedette Britanny qui sent bon le fun) et avec, peut-etre plus de reflexion( un episode centre sur la religion opposera Kurt et Rachel totalement gay-friendly a un personnage tres chretien, peut-etre une reflexion sur Religion et Fanatisme?)

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  38. Nous sommes d'accord ! La critique aurait été beaucoup plus positive si la saison s'était arrêtée à l'épisode 13 (comme c'était d'ailleurs prévu au départ).

    Pour la saison 2, on verra bien. Je ne vais pas abandonner la série sans lui laisser une dernière chance... mais elle a intérêt à envoyer du lourd dès les premiers épisodes :-)

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  39. Pour l'instant, j'ai de l'espoir.
    Rien que la diminution des numeros musicaux me rassure, parce que franchement, je les sautais parfois (meme souvent).

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  40. Ma femme ne m'aurait pas autorisé à sauter les passages musicaux, mais c'est vrai que parfois j'ai trouvé ça assez poussif (et, pour tout dire, pas toujours très inspiré).

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  41. "mais elle a intérêt à envoyer du lourd dès les premiers épisodes :-)"

    Entre le cirage de pompes de Britney et la dénaturation du RHPS, c'est réussi didon...

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  42. Bah en même temps tu vois, je n'ai pas tenu mes bonnes résolutions puisque je n'ai pas regardé la série depuis la reprise (et ne compte même pas le faire prochainement...)

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  43. (la saison 2 est a jeté aux orties) (puis à napalmer)

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  44. Eh bien je n'ai même pas tenu ma promesse de l'an dernier puisque je n'ai tout simplement pas regardé la 2, et n'en ai éprouvé aucune honte ni aucune besoin :-)

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  45. Il y a trop de bonnes séries à voir et de bons livres à lire pour perdre son temps avec ce genre de choses ;-)

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