samedi 8 mai 2010

Deftones - Nous nous sommes tant aimés

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[Article précédemment paru sur Interlignage] Il y a les retours tant attendus et il y a les autres, ceux dont on se tamponne un peu mais bon - c'est pas plus mal non plus. Celui des Deftones s'inscrit clairement dans la seconde catégorie. Non qu'on ne les aime pas ou plus. Simplement on a un peu de mal à s'enthousiasmer, à la longue. C'est qu'il faut bien reconnaître que si l'on n'a pas détesté leur production récente (on se rappelle même vaguement avoir chroniqué positivement leurs derniers opus), on n'a pas non plus gardé un souvenir impérissable de Deftones (2003), encore moins de Saturday Night Wrist (2006), que six années de silence assourdissant ont largement contribué à effacer des mémoires 1.

Événementielle il y a encore deux ans, la publication prochaine de Diamond Eyes, sixième album du groupe de Chino Moreno, semble aujourd'hui presque incongrue, réminiscence des années 90 que l'on est tenté de balayer d'un revers de main. Il y a dix ans tout pile, les Deftones, rappelez-vous, étaient les maîtres du monde. Non content d'avoir révolutionné le metal en le rendant néo, au gré de deux albums inaltérables (Adrenaline et Around the Fur), le quintette de Sacremento venait de prendre tout le monde à contre-pied en publiant un véritable chef-d'œuvre (White Pony), entre metal atmosphérique et new wave moderne. Les chansons étaient grandioses, la production à se damner et la tournée qui suivit fut monumentale (comme toutes les autres : ces gens étaient à l'époque, tout simplement, le plus grand groupe live du monde).

Las. Les Deftones ne se remirent jamais vraiment de ce coup de maître qui les avait fait passer en quelques mois de meilleur espoir métallique à groupe de rock majeur. Et à en juger par Diamond Eyes, ils n'en sont toujours pas revenus. Si les errances de style en style et les tensions internes semblent à présent oubliées, force est de noter qu'on a connu ce groupe plus inspiré, et que si le résultat est relativement honnête et quasiment inespéré, il n'en demeure pas moins loin de ce que l'on était en droit d'attendre d'artistes de ce calibre.

En fait, la réception de Diamond Eyes se passe en deux temps.

Temps N°1 : les réjouissances. On est tout simplement content. Content de retrouver cette voix, ce son, ce style et ces atmosphères n'appartenant qu'aux Deftones. Leur patte sensuelle et éthérée est partout, sur le titre éponyme bien sûr, sur "Risk", sur l'élégant "This Place Is Death". Et quand le ton monte, sur "Rocket States" par exemple, pas de doute, on retrouve bien là aussi ce groupe qu'on a aimé d'amour, autrefois. On se dit qu'on reconnaîtrait le jeu de Stephen Carpenter entre mille. Que la cohérence de cet album est indéniable et le place d'emblée au-dessus de ceux qui l'ont précédé. Que c'est une chouette nouvelle, de retrouver les "vrais" Deftones 2.

Temps N°2 : au fil des écoutes, on commence à voir chaque fois un peu plus les coutures. Charmant aux deux ou trois premiers passages, Diamond Eyes se dégonfle très vite, certains morceaux sont systématiquement zappés et l'ennui s'installe. Pourquoi ? Comment ? D'une certaine manière, la réponse était implicitement contenue dans le temps N°1 : Diamond Eyes est un album honnête, bien fichu, efficace... mais totalement dépourvu de surprises. Osons même le dire, tant pis si cela fait de la peine : Diamond Eyes> est un de ces albums à formules, dont le moindre pont, la moindre montée en puissance, le moindre micro-arrangement... le plus petit lyric est cousu de fil blanc.

À d'autres, on le pardonnerait sans doute. Seulement voilà : les Deftones ne sont pas n'importe quel groupe. Et s'ils ont gagné des galons, et s'ils sont admirés et respectés bien au-delà de la petite sphère metal, c'est parce qu'ils ont su faire preuve d'inventivité et d'ambition lorsqu'en 2000, alors que le monde entier vibrait au son du neo-metal, ils prenaient le parti de déserter le genre en dépit de tout bon sens commercial et alors même que décliner la formule Around the Fur leur aurait assuré richesse et opulence. Comment ne pas être navré, dix ans plus tard, de les revoir poussivement s'audiocopier à l'infini, livrant le sous White Pony que leurs suiveurs eux-mêmes n'avaient pas osé publier ? Et encore. S'ils se contentaient de publier dix fois de suite le même putain d'album... sans doute trouverait-on le courage de leur pardonner. Mais à bien y regarder, Diamond Eyes, album acceptable et tout à fait audible, certes, manque cruellement de grandes chansons. Hormis la remarquable "976-Evil" et "CMND/CTRL" (dans une moindre mesure), pas de quoi grimper aux rideaux et pas grand-chose qui soit susceptible de s'élever au rang des "Digital Bath" et autres "My Own Summer" d'antan. Un peu chiant sur les ballades, le groupe est en pilotage automatique sur les rocks. Et c'est regrettable, car par éclats, l'album dévoile un potentiel dont on a l'impression qu'il n'a pas vraiment été exploité. Il est vrai que les innombrables coups du sort s'étant abattus sur le groupe ces dernières années ne l'ont sans doute pas aidé. Reste cette évidence : six ans d'attente pour cela, c'était au moins cinq de trop.


Diamond Eyes, des Deftones (2010)




(1) D'ailleurs pour être tout à fait franc, si je me souvenais parfaitement avoir écouté et chroniqué cet album à l'époque, j'étais bien incapable jusqu'à tôt ce matin de vous dire à quoi il ressemblait.

(2) Entre guillemets bien sûr, puisque le bassiste Chi Cheng n'est pas de la fête, même s'il va mieux après un accident et un long coma.
...

5 commentaires:

  1. Presque surpris que ce groupe existe encore...

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  2. C'est vrai que rien qu'entendre leur nom, cela fait drôle. L'album est pas mal, je trouve. Évidemment, comme tu le dis, c'est toujours un peu pareil, on ne peut pas dire que le groupe prenne beaucoup de risques...

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  3. D'ailleurs tout cela m'a surtout donner envie de réécouter les trois premiers albums. Ce qui est rarement un compliment...

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  4. ah ah, je pouffe, 3 malheureux commentaires pour les Deftones, c'est dire que tout le monde s'en carre! Justice est rendue. :-D
    Je trouvais déjà ça chiantissime, surestimé comme le reste de cette scène baudruche dont je tairai le nom (avec un chanteur tête à claque, une habitude, un leitmotiv non?) le plus triste c'est que désormais, ils ne me font même plus rire...

    Bon c'est dommage quand même, les Sepultura et Fear Factory avaient eu droit à de bonnes notes et PAF, l'accident parcours... le nouveau Deftones... Thom n'est finalement pas le sauveur du metal 90's ;-)

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  5. Ah salaud. Je vois que tu te lâches...

    Je ne vais pas répondre sinon ce sera la surenchère et ça va se terminer en Top of the Flops spécial Patton ;-)

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