mercredi 31 mars 2010

Skins - En dents de scie

...
C'est ce qui s'appelle avoir des couilles. Voire : la jouer kamikaze.

Depuis la saison trois de Skins, les auteurs (Jamie Britain et Bryan Esley) ont fait le pari osé de remplacer intégralement le casting et de lancer une nouvelle série avec une nouvelle histoire et de nouveaux personnages (exceptions faites d'Effy et de Pandora, qui ne jouaient que des rôles très secondaires jusqu'alors). Un véritable coup de poker tant le succès d'une série (en règle générale) repose de manière intrinsèque sur l'identification du spectateur aux héros - constat évidemment encore plus vrai dans un teen-drama. En considérant celui (énorme) de Skins et l'aura culte du programme, on peut même dire que la production est passée à un cheveu du suicide commercial et que cela suffirait presque à nous rendre cette seconde série sympathique. D'autant que loin de se cantonner à reproduire la formule qui en fit deux des magnats de la télévision britannique, nos auteurs font preuve d'une véritable volonté de renouvellement dans le ton et les thématiques, évitant du même coup le côté surenchère qui pointait le bout de son nez à la toute fin de la saison deux.

De bonnes intentions et de nobles idéaux, donc... qui malheureusement se heurtent très rapidement aux dures réalités d'un programme récurrent induisant de par sa nature même l'addiction du spectateur. Passons sur la nostalgie de personnages qu'on ne reverra jamais et contentons-nous de constater que les nouveaux venus ne sont manifestement pas à la hauteur de la tache qui leur est dévolue. Si cette seconde série - la saison quatre vient de s'achever en Angleterre - contient plusieurs bonnes idées (le retour en force du lycée - très absent des précédentes occurrences, la place plus importante dévolue aux filles...) et si on ne peut lui reprocher de chercher à développer un ton se démarquant des précédentes... elle butte toutefois sur une évidence : on ne peut pas créer dix personnages crédibles et complexes tous les deux ans en claquant des doigts. Entre une saison trois plus axée sur le fun voire ouvertement comique, et une saison quatre renouant péniblement avec la noirceur tant elle est prévisible... cette seconde génération s'avère surtout bien moins profonde, perdant beaucoup (voire tout) de la poésie d'autrefois. La faute à des caractères trop superficiels, parfois à peine esquissés et qu'on aura l'impression de ne toujours pas connaître une fois terminée la première fournée. Pourquoi ? Comment ?

Difficile à dire. Skins n'a jamais été une série parfaite ni irréprochable. Mais on n'y avait jusqu'ici jamais noté autant de faiblesses dans l'écriture. Un temps d'adaptation à la nouvelle donne est évidemment logique ; dépasser la moitié de la saison trois en ayant l'étrange sensation de n'avoir rien vu reste cependant assez problématique. Ce n'est pas compliqué : quand on entame la quatrième occurrence (la dernière avec cette équipe de comédiens et de scénaristes), c'est à peine si l'on se rappelle la précédente. S'il était difficile de s'extirper de la première série sans être plongé dans une douce mélancolie, de ne pas être touché par telle scène ou telle situation... il n'en reste rien ici. On n'est jamais vraiment ému, à peine concerné par les évènements d'une série qui a de plus définitivement cessé d'aspirer à toute forme de crédibilité. Même la mise en scène semble plus plate (il faut attendre l'épisode 3x08 pour retrouver ces trips hallucinés et hallucinants auxquels nous étions habitués)... alors ce n'est pas mauvais, il reste des épisodes très réussis (ceux sur Thomas et Effy sont vraiment très bons, dans les deux saisons) et vu que l'année prochaine verra les débuts d'une troisième génération, on ne peut même pas dire qu'on décrochera. Reste qu'arrivé au terme de la saison quatre, on n'est pas franchement mécontent d'être enfin débarrassé de ce gros bourrin de Cook ou des fades Freddie et Naomi... figures d'ados paradoxalement plus plausibles que les héros les ayant précédés - mais prouvant s'il en est besoin qu'en matière d'art le réalisme est souvent l'ennemi du bien.


Skins (saisons 3 & 4), créée par Jamie Britain & Bryan Elsley (E4, 2009-10)

22 commentaires:

  1. La saison 4 redresse quand même bien le niveau par rapport à la 3. Mais c'est vrai que ce n'est plus pareil. Cela a perdu beaucoup de sa finesse. Et puis :

    spoiler

    la mort de Freddie franchement, c'est ridicule. Cela dit cela amène une fin ouverte intéressante.

    fin spoiler

    RépondreSupprimer
  2. tu me donnes moyen envie,
    j'avais vu que des bouts de la 1e saison, mais la 2e m'avait pas mal chamboulé, elle est intense,
    je sais pas si j'ai envie de partir sur de nouveaux personnages, de toute façon le renouvelement de casting est ouvertement justifié par le fait que le public de la série est ado et se renouvelle en 2-3 ans, alors je vais laisser l'ado parler en moi et oublier les nouvelles saisons ^^

    RépondreSupprimer
  3. Pas vu la 4. La 3 était trop nulle, personnages à chier, sans fond, sans âme et pour certains hyper mal joués. Non merci.

    RépondreSupprimer
  4. Marion >>> oui... et en même temps la saison 4 est tellement clichés, par moments.

    Arbobo >>> bah disons qu'en effet, ce renouvellement total était plutôt une bonne chose... mais ce qu'ils en ont faits...

    Serious Moon >>> là je ne suis vraiment pas d'accord. Je trouve que ces gamins jouent tous très bien.

    RépondreSupprimer
  5. Je n'ai vu que la 1, que j'ai beaucoup aimé, mais je ne voyais pas trop cela durer, de toutes manières...

    RépondreSupprimer
  6. Pas vu. Pas pu ! J'ai tellement aimé la première génération... comme Arbobo j'avais pas envie de voir le reste (même pour les beaux yeux d'Effy)(SUPERBES YEUX) :-)

    RépondreSupprimer
  7. C'est bon, tu peux te lâcher, elle est majeure depuis quinze jours :-)

    RépondreSupprimer
  8. mariooooooooooooooooooooooooooooon. putain.

    merci pour le flingage de la saison 4...

    fléche mieux tes spoilers!!

    RépondreSupprimer
  9. Je vois pas trop comment elle pourrait faire mieux... c'est aussi à celui qui lit le commentaire de savoir appuyer sur le frein ^^

    RépondreSupprimer
  10. le temps que je comrpenne que j'avais lu 'spoiler', mes yeux étaient déjà descendus plus bas...

    RépondreSupprimer
  11. ah... je viens de finir le saison 3,

    et je ne saisis pas les reproches.
    c'est pas plus outré que les précédentes,
    Cook et Effy sont des personnages franchement énormes, d'une intensité qu'on aimerait retrouver plus souvent,
    je suis absolument fan d'Emily à 200%,
    et les 3 derniers épisodes s'enchainent vraiment bien.

    le truc, c'est qu'une série débute par une saison 1 avec des personnages qu'il faut camper, donc on grossit le trait, voire on caricature, et on affine progressivement, parfois seulement avec la 2e saison.
    Là, c'est une autre série qui débute, donc on reprend ce processus à 0, et je trouve la psychologie des personnages pourtant bien travaillée, Katie n'est pas qu'une petite ordure, Naomi est plus que sa trouille et ses hésitations, Thomas est plus que le héros ingénu par lequel on le découvre...
    C'est pas vraiment une saison 3, ça fonctionne comme un spin off ou un remake, cette idée de saison 3 ne colle pas du tout avec le parti pris narratif et les habitues que nous avons prises comme spectateur, d'une progression de saison en saison.

    la constante, on la retrouve dans le rapport aux parents et l'image des adultes en général. Que des ratés, parfois de bonnes volonté, parfois pas idiots ni ploucs (cf le père de Jal dans les saisons 1&2), mais jamais à la hauteur, surtout bon à se lamenter (remarque, les personnages principaux aussi),
    et même si j'avais une très grande tendresse pour Sid et Cassie, et si certains épisodes comme ceux de Maxxie et de Jal m'ont donné de beaux souvenirs,
    je trouve cette saison 3 gonflée (difficile de dire "culotté" à propos de cette série ^^), et qu'elle réussit sont pari de ne pas juste refaire ce que la génération précédente avait fait.

    sur le plan humain, malgré mon âge avancé j'ai souvent trouvé les situations et les ressorts plus crédibles encore qu'avant, voire plus complexe.

    en plus, la BO devient vraiment très bonne à la saison 3 ^^
    Le seul défaut à la limite, mais il sert à marquer une rupture, c'est l'image trop léchée, en revanche ils ont changé les lieux, on continue de découvrir la ville, et aussi la campagne, j'aime beaucoup tous ces trips à la campagne et sur la côté, non seulement c'est beau mais ça rompt totalement avec l'image de la coolitude métropolitaine, urbaine, voire exclusivement londonienne (ou new yorkaise, parisienne, ou de los angeles). Ca aussi c'est un choix qui m'a fait très plaisir et que je trouve remarquablement réussi, mine de rien.

    brf je dirais qu'ils maintennent le niveau

    RépondreSupprimer
  12. J'avoue que c'est moi qui ait du mal à comprendre les compliments ^^

    Je me suis envoyé les trois premières saisons quasiment dans la foulée, et arrivé à la troisième tout ce que je relève dans cet article m'a vraiment sauté aux yeux (apparemment je ne suis pas le seul, Serious et Marion sont encore plus sévères que moi).

    Je ne trouve pas les personnages de la saison 3 vraiment "construits", mais à la rigueur peu importe - je ne les trouve surtout pas du tout attachants. Et surtout, je le maintiens, la série rompt totalement avec la base réaliste qui faisait sa force. Dans la première saison, on avait cet espèce de dealer qui poursuivait Syd, mais on s'inquiétait pour lui, ça restait crédible... là, l'espèce de truand SM à deux balles et juste complètement ridicule, comme le final de la saison (tu me diras : ce n'est à rien à côté de la chute de la saison 4). Pour moi cette seconde génération est à l'image du personne de Cook : totalement too much, et les trucs plus subtils qui pourraient émouvoir (la relation entre les deux filles - je ne sais plus le nom de la copine de Naomi, les tribulations de Thomas...) sont complètement noyées et étouffées par ce personnage craignos (et les autres trucs totalement craignos, la parodie pas drôle de X-Factor, le truand pastichant Carlyle dans Trainspotting, l'intrigue pseudo thriller dans la saison 4, etc.)...

    Et puis esthétiquement parlant, enfin, je trouve que la série baisse. Il n'y a aucune scène aussi marquante que celles des deux premières saisons (je pense à l'errance de Tone sur fond de Low ou les scènes surréalistes et fabuleuses avec Eff dans le hangar)

    RépondreSupprimer
  13. réaliste?

    alors désolé mais tu n'as rien compris, à cette série :-)
    Et je le dis avec le plus grand sérieux ^^

    ce qui est réaliste dans Skins ce sont les sentiments, les relations, le vécu de l'adolescence.
    Les situations, et aussi les personnages adultes, sont complètement too much depuis le début, la 1e affaire de dealer dont tu parles et le personnage du dealer/prof en particulier, sont irréalistes depuis le début (confier 300g à vendre à un gamin inconnu? c'est risible si on le prend au 1er degré), et l'épisode d'effy saison 1 est totalement barge aussi, tout comme la relation entre chris et sa prof ou le fait que sa mère se soit barré en lui laissant à peine de quoi vivre.
    Du "too much" il y en adepuis le début, parce que ça fait partie du fun de forcer le trait, d'en rajouter, skins est réaliste dans la psychologie mais pas dans le détail des intrigues, c'est une fable cette série.

    Et pour ce qui est du caractère too much de Cook, à quelques détails près je te jure que j'en ai croisés au lycée des Cook, et des JJ, et des Effy, et des Pandora.
    Un mec qui prend exprès les rond-points à l'envers, à fond de 3e, avec 1 bouteille de whysky entière dans les veines, avec ses meilleurs potes comme passagers, tu peux trouver ça "too much" (moi aussi, surtout sur le moment), mais je l'ai vécu ;-)

    RépondreSupprimer
  14. Ne me prends pas pour un neuneu, quand même. De même que je ne te prendrai pas pour un neuneu en t'expliquant la règle du vrai et du vraisemblable :-)

    Skins n'a jamais été réaliste, mais son univers demeurait crédible. Les adultes too much ne sont d'ailleurs qu'un miroir déformé d'une certaine réalité, la manière dont lorsqu'on est ado on voit bien souvent les adultes (= des personnages de cartoon ne comprenant rien à notre réalité). Ce n'était pas réaliste qu'il arrive autant de choses au même groupe d'ados en deux ans, mais c'était de la licence poétique, pas du "too much" ni de la surenchère.

    Dans les saisons 3 et 4 (surtout dans la 4, d'ailleurs), on est carrément dans la surenchère de... tout. Surenchère d'émotion parfois facile, surenchère de potacherie, surenchère d'évènements hénaurmes qui finissent par perdre leur sens.

    Surtout, un point qui m'a vraiment dérangé, c'est que la première génération avait un vrai background, ils se connaissaient depuis toujours, leur groupe avait un sens. La seconde, on a du mal à comprendre ce qui les unit, ils ne s'aiment même pas vraiment, ils sont collés les uns aux autres sans raison... chez la première génération, quand les liens commencent à se distendre, il y a une vraie émotion qui se dégage (c'est la fin d'une époque, le passage à l'âge adulte, etc.). Le même procédé narratif chez la deuxième génération n'a absolument pas cet effet, ils sont tous si différents et si antagonistes qu'il semble logique et peu bouleversant qu'ils se mettent sur la gueule, se détestent, se séparent... etc, etc, etc.

    RépondreSupprimer
  15. je saisis bien,
    mais vous parlez du tout en ayant vu la saison 4, moi pas.

    ay lycée des liens se font très vite, et aprfois des liens bizarres. Effy à Pandora dans la saison 3 "tu t'es déjà demandé pourquoi on est amies?"
    le genre de questions qu'on ne se pose pas, et qui font aussi que certaines amitiés d'école ou de lycée, pourtant très intenses, ne résistent pas au moindre changement.

    ça je le trouve très réaliste, justement. mais, du point de vue narratif, que ça ne facilite pas l'identification et l'adhésion du spectateur, effectivement ça ramène à vrai/vraisemblable et à l'inefficacité narrative de la réalité ^^
    (d'ailleurs la littérature vériste m'a toujours gonflé)

    les personnages ont tout de même un background commun : les "mousquetaires" freddie-JJ-cook sont amis depuis le primaire, et la saison repose largement sur la dynamique de ce trio, qui vole en éclat à cause d'une fille dont les sont amoureux (et plus réaliste que ça, tu meurs ^^), mais c'est vrai que le lien entre les autres filles et ces garçons est ténu, il est très contingent,
    mais comme la série repose aussi sur des portraits, ça ne m'a pas gêné autant que toi.
    Une fois encore, la fille canon délurée et populaire qui se laisse coller par une nunuche qui lui sert objectivement de faire-valoir, difficile d'être plus proche de la réalité lycéenne :-)

    dans la 1e génération, le fait que Jal et Michelle soient dans la même bande que Chris et Sid n'allait pas beaucoup plus de soi, la seule différence c'est qu'ils se connaissent déjà, mais on n'en sait pas plus ça s'arrête là.

    Quant-à la manière dont le père de Anwar réagit à l'homosexualité de Maxie, elle relève du conte de fée (ça me gène pas, je t'ai dit que je tiens cette série pour une fable trash),
    alors que ce qu'Emily se prend dans la gueule durant toute la saison 3, ça c'est vraiment trash et vraiment réaliste, plus d'une lesbienne a du chialer devant son écran en revivant leur calvaire à travers elle.

    une fois encore j'ai pas vu la saison 4, mais si on doit reprocher un truc au final de la 3, c'est plus son happy end doucereux (mais pas mal vu, au fond) que son manque de réalisme (là ce serait plus l'émeute dans le lycée après l'élection de cook).

    après, oui le caïd est une caricature idiote, et le proviseur adjoint qui pète dans le mégaphone aussi, mais les adultes sont le défouloir des scénaristes, de vrais toons :-)

    le truc aussi, c'est que dans la saison 3, la réalité des personnages c'est qu'ils sont très seuls. Ce qui rejoint un peu ta critique sur les liens trop faibles pour que leur délitement soit douloureux, mais là encore réalité/réalisme, je trouve ça finement observé au contraire, et dans leurs excès aussi bien cook qu'effy me paraissent aussi réels et proches de l'ado que j'étais, que peut l'être freddie ou naomi.

    je suis toujours sensible à ces portraits de eprsonnages apparemment intégrés mais perdus dans la foule ^^

    Mais pour finir j'en reviens à mon point de départ : chacun voit cette série avec une certaine vision héritée de sa propre adolescence. Et tu n'imagines visiblement pas à quel point j'ai trouvé la saison 3 réaliste.

    RépondreSupprimer
  16. J'ai quand même du mal à t'imaginer en Cook :-)

    RépondreSupprimer
  17. imagine plutôt un mix de freddie avec le physique de JJ ^^

    RépondreSupprimer
  18. Je viens de commencer la saison 3 et je ne peux m'empêcher d'avoir un gros problème: Thomas vient du Congo mais il joue la kora comme un dieu, ce qui est vraiment du grand n'importe quoi. D'ailleurs même le nom de son village sonne plus Afrique de l'Ouest que Congo.
    Je dois sans doute être une des seules qui se rend compte de ça mais peu importe, maintenant c'est dit ! Un peu de respect pour les musiques du monde et ne s'il vous plaît, n'amalgamez pas toute l'Afrique ;-)

    RépondreSupprimer
  19. Je vais me faire l'avocat du Diable, mais qu'est-ce qui empêche un Congolais de jouer la kora ? Il a le droit d'être cultivé et ouvert sur les autres cultures d'Afrique :-D

    Bon, en vrai, j'avais pas remarqué ^^

    RépondreSupprimer
  20. En plus, il joue de la mbira (ou thumb piano, ou likembé) et ça, c'est un instrument d'Afrique Centrale ;-)

    RépondreSupprimer
  21. Après on peut voir le verre à moitié plein et se dire que c'est déjà exceptionnel de voir de la mbira dans une série anglo-saxonne ^^

    RépondreSupprimer

Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).