dimanche 7 mars 2010

Nip/Tuck - Alone, Together

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[ALERTE SPOILER : nos services ont évalué le taux de spoil de cet article à 20 %] La fin d'une série est quelque chose d'assez particulier dont je m'aperçois que je ne l'ai encore jamais évoqué à ce jour. Je parle bien sûr au sens du feuilleton que l'on a suivi pendant des années, pas de la série qui est déjà finie lorsqu'on la découvre et que l'on se l'avale en quelques mois. Ce sont des rapports extrêmement différents et paradoxalement assez peu comparables. Je vous assure - et si vous ne me croyez pas blâmez plutôt les chaînes françaises et leurs robinets à séries frisant le contresens (car le principe même d'un feuilleton est de le suivre de manière progressive plutôt qu'en en bouffant quatre épisodes d'un coup).

La fin d'une série que l'on a suivie durant des années est donc quelque chose de très étrange, et c'est d'autant plus vrai concernant Nip/Tuck, qui aura été aussi régulièrement géniale que pitoyable. Les McNamara & Troy ne sont pas n'importe qui. Ils appartiennent à l'inconscient collectif, à la culture pop dans son ensemble, au-delà de la série dont ils sont les héros. Tout le monde ne l'a pas vue, mais tout le monde sait que c'est le truc avec les deux chirurgiens esthétique et plein de cul, et tout le monde sait que Julian McMahon est avant tout le beau mec qui joue dans Nip/Tuck - probable d'ailleurs qu'après sept années à jouer des rôles aussi forts les deux comédiens ne s'en remettent jamais. Avant même de commencer la dernière saison on est en train de repenser à quelques passages mythiques (l'auto-circoncision de Matt, la nana avec le sac sur la tête, Julia et le nain, le terrifiant Carver, Famke Janssen en transsexuel irrésistible, Julia qui noie la souris de sa fille dans les toilettes, la party pour fêter les premières règles de cette dernière, Escobar poursuivant Sean par-delà la mort, Christian star de porno sur youtube et raillé pour ses bourrelets, Christian qui se demande s'il n'est pas amoureux de Sean, Christian qui se tape une bimbo... par épisode des trois premières saisons...), parfois d'ailleurs les mêmes qu'on avait critiqués à l'époque... et il est bien difficile de réprimer une certaine tristesse (*). D'autant que comme l'a joliment prouvé la première partie de la saison six cet automne, Nip/Tuck en forme est une machine de guerre satirique terriblement efficace qui aura fait plus que nous amuser : conçue au plus sombre de l'ère Bush par un auteur - Ryan Murphy - à l'époque limite paria (aussi bien pour cause de militantisme homosexuel que pour avoir exercé durant des années sa plume acérée dans le Washington Post), ses deux premières saisons, tragiquement recouvertes par des suites très inégales, furent un véritable électrochoc en leur temps. Dès le pilote, l'un des plus réussis de toute l'histoire des séries télé, on savait qu'on avait affaire ici à quelque chose d'unique - aussi glauque qu'hilarant et aussi inventif que corrosif.

Cela semble un peu loin maintenant, mais Nip/Tuck méritait bien un final digne de ce nom... l'aura-t-il eu ? est une autre question, tant la chute semblera presque anecdotique au regard de la précédente fournée d'épisodes (ceux de l'automne, qui relevaient sacrément le niveau). A vrai dire cette ultime saison (la seconde partie de la six, même si certains la numérotent 7) fut vraiment bizarre, mettant systématiquement mal à l'aise tout en étant objectivement bien moins sulfureuse que les autres. Probablement moins réussie que la précédente, aussi - et surtout totalement éclatée. Neuf épisodes dont sept stand-alone, et quasiment pas un plan qui ne soit occupé par l'un de nos chirurgiens préférés (voire les deux) . Le propos est évident : on a dit tout ce qu'on avait à dire sur les personnages secondaires dans la saison d'avant, on en revient à présent au duo originel et on lui règle son compte en le confrontant à son passé de manière frontale et violente. Pas un épisode qui n'obéisse à cette règle et ne fasse appelle au souvenir des saisons précédentes - autant dire : des péchés que l'on croyait enfouis et qu'il est grand temps d'expier. Murphy fait plonger Sean et Christian aux origines de leur amitié, et interroge celle-ci avec une malice évidente : à quoi tient-elle ? Qu'est-elle ? Après tout ce qu'ils ont traversé ensemble, sont-ils encore des amis ou bien de simple collègues - ou bien un couple en crise ? La réponse ne faisait certes pas trop de doutes, mais l'épisode où ils entament une thérapie commune - probablement le meilleur de l'année - vient enfoncer le clou avec panache. Sans doute parce qu'il répond à une question cruciale que tous les spectateurs se sont fatalement posée depuis le début de la saison cinq (moment où vraiment, le torchon brûle entre les deux) : comment est-il possible que ces types soient encore ensemble ? Aucune solution n'est clairement donnée à cette interrogation, mais cet ultime arc d'épisodes permet au fan d'en prendre son parti : si Christian et Sean sont encore ensemble après toutes ces années, c'est tout simplement parce qu'ils sont incapables d'exister séparément. Tellement faibles, lâches et soumis que quoiqu'ils fassent pour en réchapper, ils reviennent toujours inlassablement l'un vers l'autre. En ce sens, le tout dernier épisode - dont on ne dira bien entendu pas plus que nécessaire - est riche de symbolique, réussissant l'étonnant paradoxe d'être à la fois un happy end et une chute assez délicieusement immorale. D'un côté le cycle infernal semble brisé, mais de l'autre le dernier plan conclut bel et bien sur une boucle.

Alors vraiment, on pourrait bien sûr faire quelques critiques cinglantes sur certains épisodes de la saison, mais ce serait presque malhonnête. Conclure une histoire aussi tordue que celle de ce duo n'était pas une mince affaire, et les scénaristes s'en sont relativement bien sortis. Mine de rien, il y a encore un an et alors que la série était à son plus bas niveau depuis le début, c'était loin d'être une évidence.


Nip/Tuck (saison 6, partie II), créée par Ryan Murphy (FX, 2010) 



(*) Et ce n'est "que" Nip/Tuck... vous imaginez après le dernier épisode de Lost en mai...
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16 commentaires:

  1. Je pressentais un article sur Nip-Tuck aujourd'hui. ;-)
    Je ne l'ai pas lu.
    Je vais regarder les deux derniers épisodes et je repasse plus tard !

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  2. J'ai trouvé cette fin vraiment faible et sans intérêt. Il y a eu de bons épisodes en saison 7 mais comme il n'y avait pas d'arc narratif...bof bof. Ca aurait pu s'arrêter à la saison 4 comme à la saison 12.

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  3. Thierry >>> non ? tu ne les as pas encore vus ? Pour une fois que j'ai un (deux !) coup(s) d'avance ;-)

    Serious >>> je te trouve excessif ; mais je suis habitué à ce que Nip/Tuck cristallise des sentiments étranges, des haines que je ne comprends pas trop, des exigences qui me dépassent...

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  4. Et Christian, il a combien de coups d'avance sur nous ? ^^
    Cette saison 7 est un peu inégale. Comme tu le dis, peu de liants entre les épisodes, mais il est vrai que les deux derniers, surtout le dernier, renvoient les protagonistes vers la lumière.
    Tout semble à nouveau s'éclairer pour eux. On les voit tous sourir.
    Dans ces deux derniers épisodes, plusieurs personnages parlent de "second chance". La voilà la 2ème chance de Sean & Christian : la séparation.
    Pas de noirceur en conclusion, comme on l'attendait (espérait ?). Joli contrepied.
    J'aurais quand même préféré une fin peut-être un peu plus trash.

    Et la dernière scène (comme tu le dis, la boucle est bouclée) nous permet quand même de retrouver notre bon vieux Christian ;-)

    L'histoire de Matt & Ava est peut-être un peu "too much". Mais bon, c'est un détail.

    Ils vont me manquer, tous ces petits salopards. Même Linda.

    Sinon, quelques jolies coquilles dans ton texte ^^
    *une mince à faire
    *bourrelés

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  5. Je crois que nous sommes tous d'accord sur le côté inégal de la saison.

    Par contre, @Thierry, la fin concernant Matt est quand même sombre et même glauque, quand on y pense...A l'image du personnage !

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  6. @Marion : pour Matt, bien sûr que c'est glauque et sombre. J'aurais dû écrire "tiré par les cheveux". J'aurais préféré une fin vraiment trash pour lui, parce qu'il la vaut bien ^^

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  7. Cette histoire avec Matt est tellement immorale que j'ai adoré. Ca m'a sauvé la fin (trop douce). Mais c'est sûr que Matt aurait pu... dû mourir (depuis longtemps). Ce personnage est tout de même l'incarnation du mot PATHETIQUE.

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  8. Mais comment tant de personnes ont-elles déjà pu voir ces épisodes ? ^^

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  9. Attends, attends... c'est quoi cette suspicion ? ^^

    En plus les épisodes sont en streaming de manière tout à fait légale sur le site de la chaîne ;-)

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  10. Je ne savais pas les Français aussi calés en langues étrangères ^^
    Ou alors, le Golb a un lectorat de très haute qualité, ce dont je ne doute pas une seconde !

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  11. En même temps Serious Moon est est américain et Marion est diplômée en traduction... :-)

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  12. Et j'ai perso un BAC + 4 en english option traduction qui ne m'a strictement servi à rien ^^

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  13. Ca sert au moins à regarder des séries en streaming légal. Ah ah ah.

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  14. Manquerait plus que ça ...
    J'aime pas le streaming. Ca me fait mal aux yeux.
    J'ai un certificat du doc m'autorisant à télécharger :-)

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  15. Pas encore fini de mater, je lis ça plus tard :)

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  16. Quoi ? Tu n'as pas un super diplôme d'anglais comme tous les lecteurs du Golb ? :-)

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