lundi 15 février 2010

Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra - 2010 commence ici.

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[Article paru en tout début de mois sur l'inénarrable Interlignage] Cette fois-ci, c’est la bonne. Enfin ! [...] 2010 a été longue à démarrer, mais enfin nous y sommes : voici venir le premier disque réellement susceptible de prétendre aux podiums de fin d’années, le premier disque très attendu de ce trimestre… et le moins qu’on puisse dire est qu’il ne déçoit pas.

On connaissait déjà le talent du Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra. On avait déjà tout écrit dès son premier opus (He Has Left Us Alone But Shafts of Light Sometimes Grace the Corner of Our Rooms, il y a dix ans) de son inventivité et de sa beauté. Aujourd’hui l’on pose Kollaps Tradixionales sur la platine et l’on se dit que tout ou presque est à refaire.

Comme il semble loin le temps ou A Silver Mt. Zion était le side-project de trois évadés de Godspeed You! Black Emperor ! Plus d’une décennie déjà, quand on a presque l’impression que c’était hier. Ce n’est plus vraiment le même groupe et ce n’est plus tellement la même musique, rien d’étonnant dans le fond de la part de gens qui auront passé leur vie à jouer (bien plus subtilement que d’autres) le refrain de la rupture permanente. Comment qualifier autrement un groupe ayant dépensé autant d’énergie à changer incessamment de nom, au point que de nombreux amateurs aient fini par renoncer à les appeler autrement que par leur intitulé premier (A Silver Mt. Zion, donc, même si eux-mêmes ne l’utilisent plus depuis longtemps) ? Une matérialisation (ou presque : un nom n’est évidemment pas matériel) de leur démarche musicale, sans doute. Déjà au début, A Silver Mt. Zion était sur la brèche. He Has Left Us… et Born into Trouble as the Sparks Fly Upward ne ressemblaient à rien de connu, sinon à Godspeed… et encore. Et puis la voix du projet de moins en moins principal s’est éteinte. A Silver Mt. Zion a continué d’avancer, de se transformer et – bien entendu – d’être en rupture. Jamais il n’a cherché à compenser le silence assourdissant du groupe canadien mythique depuis 2002, et jamais il n’aura laissé de chances à l’auditeur de l’adopter comme dérivatif. Et plus il est devenu évident qu’on ne ré-entendrait plus Godspeed avant un bail, moins il aura été possible d’en rapprocher un Silver Mt. de plus en plus rock, de plus en plus dur et de plus en plus emphatique. La rupture encore, bien sûr. Définitivement consommée avec ce nouvel album, dans la suite logique mais fracassante du précédent (13 Blues for 13 Moons). Du post-rock au post-hardcore, il n’y avait donc que quelques pas ?

En fait des chœurs habités aux cassures cassures rythmiques en passant par les breaks instrumentaux, le collectif a désormais en sa possession tout l’attirail du groupe prog de base, mais il l’utilise sur Kollaps Traxidionales comme aucun autre avant lui. Une grande spécificité de l’orchestre déjà largement démontrée par le passé : ces gens sont comme des gosses qui auraient un jouet différent dans chaque main et s’amuseraient à les fracasser l’un contre l’autre dans l’espoir naïf mais fabuleux qu’ils finissent par fusionner. C’est tout à fait le sentiment que donne cet album, et notamment son plus formidable morceau, "Kollaps Tradicional (Bury 3 Dynamos)" : le gosse Silver Mt. tient Hawkind dans sa main droite, PiL dans sa main gauche, et les cogne ensemble comme un sourd afin de donner naissance à une pièce métallique et torturée, qui séduirait aussi bien par le côté spatial et puissant d‘In Search of Space que pour l’aspect vol en piqué inspiré d’"Albatross".

Tout l’album pourrait ainsi être résumé par cette image enfantine ("There Is a Light", par exemple, fracasse une inspiration tribale avec un genre de hardcore orchestral) ainsi qu’à une manière étonnante de se révéler au contact des autres (ainsi le somptueux final "‘Piphanny Rambler" fait-il écho au récent "Coward" de Vic Chesnutt, sur lequel s’ébrouait devinez qui ? A Silver Mt. Zion, bien sûr). C’est d’ailleurs le propre des enfants que d’avoir des avis bien plus tranchés que les adultes, et d’en changer ainsi souvent. Grandir après tout, c’est être dans une rupture permanente, contre le monde et contre soi-même.

A Silver Mt Zion n’arrête pas de grandir. Et cela lui va extrêmement bien.



Kollaps Traxionales, de Thee Silver Mt Zion Memorial Orchestra (2010)


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14 commentaires:

  1. Je suis (évidemment) plus client de ce qu'ils faisaient à leur début, que de ces productions récentes, un peu trop "braillardes" pour moi.
    Cependant, ce nouvel album demeure bien au-dessus de la moyenne. Mais c'est moins mon truc.

    BBB.

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  2. Si je l'apprécie de plus en plus au fil des écoutes (il devrait être dans les 30 en fin de mois), je ne suis pas, comme déjà dit ailleurs, d'accord avec ton "2010 commence ici".
    Même si février est très très très faiblard :-(

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  3. Putain de bon album. Il se révèle à chaque écoute (comme dit très bien Thierry).

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  4. BBB. >>> en effet, je ne suis pas vraiment surpris.

    Thierry >>> mais février est court, heureusement ;-)

    Ambalx >>> tout à fait d'accord.

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  5. Mon avis est un peu l'inverse de BBB. Les premiers disques étaient trop "abstraits" pour moi, mais depuis quelques temps j'aime beaucoup ce qu'ils font.

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  6. Moi aussi, je les préférait au début, quand ça chantait moins, disons... Quand c'était une sorte de side-project de Godspeed...
    Ceci dit, c'est bien que le groupe évolue. Et je n'ai pas encore écouté ce nouvel album.
    Et quoi qu'il en soit, en live, c'est toujours énorme...

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  7. Arrête tes conneries Thomas, y a plein de trucs géniaux qui sont sortis depuis ce débute d'année. A commencer par le nouveau Fear Factory :p

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  8. J'en sais rien, j'ai découvert qu'un nouveau Fear Factory était sorti avec ton dernier article. Mais bon... vu que même à l'époque où c'était un groupe incontournable j'aimais pas trop...

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  9. rien à voir avec ce post mais je ne savais pas où le mettre.
    Je viens de lire ces qqes livres très éclectiques aux vues de tes critiques avisées : Cochon d’Allemand (Knud Romer), Histoire d’une vie (Aharon Appelfeld), Los boys (Junot Diaz) et Le chevalier inexistant (Calvino). Et j'ai adoré !!!
    Je me demande si tu ne pourrais pas nous faire une sorte de liste, genre "bibliothéque idéale", une vision subjective des romans les plus "remarquables" de la littérature (les romans russes, les romans africains, les romans français...) pour ceux qui comme moi n'ont pas de bagage littéraire ( tu es prof, je crois, tu as donc l'habitude de conseiller ?! non ? ;-) ) et qui aimerais avoir une "vision globale" de la littérature, même si très sélective et subjective, je comprends bien. Je n'ai pas forcement les mêmes goûts littéraires que toi mais je pense que la "qualité littéraire" d'une oeuvre est déjà un bon critère de pré-sélection. Après c'est une question de goût personnel.
    voilà voilà merci encore

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  10. Quand j'aurais une semaine de vacances, alors... parce que ça prendrait un petit peu de temps, quand même...

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  11. Et une discothèque idéale ? Tu pourrais ?

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  12. Je suis déjà en train de vous préparer la sériethèque idéales des 2ks... chaque chose en son temps :-)

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  13. Quoique l'ayant acheté dès sa sortie, je n'avais pas vraiment bien écouté l'album avant d'aller les voir à l'Alhambra avant hier soir. Le concert était fabuleux et le disque, je l'ai depuis apprivoisé... Il me plait énorménent... Quelle puissance !
    J'ai du coup relu ton texte et je le trouve très juste...

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  14. Merci, Ska.

    J'ai moi-même hâte de les voir fin avril...

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