mardi 23 février 2010

Pourquoi Selby ?

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Aujourd'hui, réédition d'un classique du thomisme déjà paru il y a longtemps chez les Chats


Selon la thèse officielle, Hubert Selby Jr est décédé le 26 avril 2004 à l'âge de 76 ans.

Selon la thèse officieuse, il vit sur une île secrète au large des Bermudes, où il partage sa hutte avec Coluche. Une petite île très sympathique, dont les résidents se nomment Elvis Presley, Philippe de Dieuleveult, Kurt Cobain, Daniel Balavoine, Charles Bukowski, Pierre Desproges, Bob Marley et Valéry Giscard d'Estaing (Jim Morrison a déménagé sur une autre île - il ne supportait plus ce dernier ).

On préfèrera de loin la thèse officieuse à l'officielle, pathétique : Selby meurt, et tout le monde est vraiment trop grave à mort ému, le génie nous a quitté, blablabla. Alors que de son vivant, tout le monde ou presque s'en cognait. Il n'a finalement connu le succès qu'assez tard et de manière détournée, à la fin des années 80 lorsqu'Uli Edel a massacré son fabuleux Last Exit to Brooklyn (1964), puis au début des années 2000 lorsque Daron Aronofsky a transcendé son moins bon roman, Requiem For A Dream (1978). Entre temps, les médias se seront vaguement rappelés de lui lorsqu'il publia son chef d'œuvre absolu, The Willow Tree [Le Saule] en 1998. A leur décharge, Selby n'a que très peu écrit.

Il est d'ailleurs devenu, de son propre aveu, écrivain par défaut : il ne savait rien faire d'autre, un jour il s'est dit "tiens, c'est pas mal comme métier ça : écrivain"... certains décident un jour subitement d'aller à la Star Academy, lui a choisi les chemins de traverse en rentrant dès Last Exit to Brooklyn, son premier livre, dans la Subversive Academy - vous savez j'en ai déjà parlé : le club très privé des écrivains tellement sulfureux qu'ils sont censurés.

Pour le reste, voici dix bonne raisons de lire son oeuvre :

1. La vie de Hubert Selby Jr est digne d'un roman, mais il a eu l'intelligence de ne jamais nous faire chier avec.

2. Il a publié six romans et un recueil de nouvelles, sa bibliographie tiens donc sur un post-it et si vous achetez ses livres d'occase chez un bouquiniste, à deux euros pièce, cela vous coûtera 14 euros pour découvrir l'une des plus grandes œuvres de tous les temps.

3. Il n'a jamais correspondu avec Henry Miller - et il est bien le seul. Ce qui nous a donc évité (ô joie) de nous enfiler 6 volumes de sa correspondance passionnante avec Henry "je raconte ma vie dans mes livres mais j'ai quand même plein de trucs à raconter en plus" Miller.

4. Il écrivait mieux que tous les gagnants du Prix Goncourt des vingt cinq dernières années réunis.

5. Quand il adapté Requiem pour Aronofsky, il a accepté que Jared Leto joue le rôle principal - courage ou inconscience on ne sait pas trop - ce qui a permi au jeune homme de jouer dans au moins un bon film (mais lui a aussi donné de l'argent pour enregistrer ses horribles disques... enfin c'est une autre histoire).

6. Il est venu dans Nulle Part Ailleurs pour la promo de The Willow Tree, sorti en France en 99. C'est-à-dire qu'il a passé une heure et demi à répondre aux questions de Nagui sans s'endormir ni lui coller un pain (voilà un exemple d'homme flegmatique).

7. C'était un homme très drôle qui écrivait des livres très tristes. La réciproque est rarement valable, et qui plus est les hommes très tristes n'écrivent pas des livres très tristes mais généralement des livres très chiants.

8. Il n'a jamais été fait Chevalier des Arts & Lettres par Chirac, qui a pourtant décoré la moitié des artistes de la planète depuis onze ans (dont Iggy Pop !). Si ça, ça prouve pas qu'il est vraiment subversif !

9. Avec The Room (1971) il a écrit le seul bon livre sur l'incarcération à ce jour. Un vrai huît-clos, poisseux et étouffant comme du Jean-Paul S., les prétentions philosophiques en moins et le souffre en plus.

10. Hubert Selby Jr était Hubert Selby Jr, et ça ne se discute pas.

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18 commentaires:

  1. Ton commentaire 8 est un peu dépassé, non ? ;o)

    Sinon, j'ai de très loin préféré "Last Exit to Brooklyn" à "Le Saule", même si je l'ai énormément apprécié aussi.

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  2. Lilly >>> bah... pas vraiment. Selby est mort en 2004, il n'a pas pu connaître Sarkozy président...

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  3. J'avais déjà relu ce portrait récemment, après avoir découvert "Le saule"...
    Je le trouve toujours aussi drôle !

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  4. justement "Le saule" est celui qui me reste à lire, il m'attend patiemment sur l'étagère :-D

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  5. Ah. Selby !
    Il est vrai qu'il privilégia, chose rare, la qualité plutôt que la quantité.

    BBB.

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  6. Le Saule est vraiment une merveille, c'est vrai...

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  7. Huysmans et Kafka me font souvent rire. Et je ne développerai pas ici leur humeur si peu primesautière.

    D'accod'ac avec le film LETB tout pourri, même si je n'ai pas lu le livre.

    Sinon, c'est de souffrance ou de perversion sulfureuse dont tu cause en fin de 9 ? Parce que si c'est la 1, la Journée d'Ivan Denissovitch est pas mal dans le genre (sans parler d'Antelme et Lévi qui se posent dans le genre incarcération + souffrance).
    Et si c'est le soufre, j'ai vu suffisamment Oz et autres joyeusetés de douches pénitentières pour trouver que le genre est quand même bien balisé (et que dire également du Prophète par exemple ?).

    Mais bon, je veux bien faire un effort pour une fois pour lire un des bouquins que tu conseille. j'espère au moins qu'il dessine bien.

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  8. Ing >>> merci ;-)

    Doc >>> piqûre de rappel bienvenue, donc ;-)

    Christophe >>> Soljenitsyne et moi... arf, c'est une longue histoire - si je commence à la raconter on est foutu.

    Sinon Oz ne compte pas, ce n'est pas un livre (mais y a de belles images, alors je comprends que ça prête à confusion)

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  9. Oz ne compte pas ? Mais ? Mais... mais c'est toi que je préfère l'épouvantail !

    Sinon, Solje n'est pas ma tasse de thé. jusqu'au jour où j'ai lu sa Journée. Grosse baffe. (NDLR : je suis né avant la chute du Mur. Moi.)

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  10. Eh, Christophe, même moi je suis né avant la chute du mur.

    De Selby, j'ai lu "Last Exit to Brooklyn" sans l'adorer, et "Requiem for a dream", le film m'a tellement traumatisé que je ne toucherai surement jamais au livre.

    Sinon, l'inculte que je suis ne comprend pas la blague sur la correspondance avec Henry Miller... Désolé.

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  11. Christophe >>> ne joue pas avec mon coeur, je t'en prie ;-)

    Guic' >>> bah Henry Miller était tellement pris de diarrhée autobiographique qu'en plus de dizaines de livres racontant sa vie il a eu des correspondances avec la terre entières... correspondances qui pour beaucoup ont été publiées en volumes (énormes) : Gertz, Laughlin, Bukowki, Anaïs Nin, Wallace Fowlie... la liste est sans fin.

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  12. Moi je crois bien que c'est "le Demon" que j'ai préféré à "Last Exit to Brooklyn" et à "Le Saule", après de là à expliquer pour quoi ...

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  13. Le Démon, bien sûr. Le Géôle est très bon aussi (surtout pour le dispositif narratif, astucieux (je, il, ça, il je dans le même paragraphe...) ; il ose vraiment des voies compliquées, ce mec, mais qui restent fluides et très visuelles. Vivantes. Son dernier "Waiting period, n'est pas le meilleur mais reste bien flippant, avec E.Coli...

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  14. Waiting Period ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, mais c'est un des rares que je n'ai lus qu'une seule fois. Tendu, très bon niveau ambiance, mais tout de même un peu léger sur certains points...

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  15. Comme le Dr F, Le saule m'attend patiemment sur une étagère. Je crois même avoir acheté la VO et la VF à l'époque. "Last Exit to Brooklyn", c'était une sacrée claque en tout cas, plus que ça même, un vrai direct à l'estomac. Fascinant et désespérant à la fois. "Requiem for a dream", le film, je n'ose pas m'y attaquer. Trop peur de ne pas m'en remettre.

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  16. C'est sûr que c'est le genre de film qui a tendance à hanter longtemps après... à la fois irritant (autant l'univers qu'il dépeint que son esthétique ultra-clipesque) et fascinant.

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