mardi 29 décembre 2009

Là où vont mourir les saints

[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°32]  
Wendy, biographie d'une Sainte - Vincent Ravalec (1996)


Cela pourra sembler étonnant au lecteur de 2009 (quoique ce dernier s'en foute probablement - en témoigne le peu de littérature que l'on trouve sur cet auteur sur le Net), mais en des temps passés voire désormais reculés Vincent Ravalec était le plus grand auteur de sa génération. C'était avant qu'il se pique de vaudou et autres choses de ce genre, respectables et intéressantes sans doute mais néanmoins totalement incompréhensibles sous sa plume. Rétrospectivement, on pourra en retrouver les prémices dans ses deux chefs-d'œuvre (Cantique de la racaille et Wendy) ; force est de constater cependant qu'à l'époque, le traitement narratif était tout autre. Entre nous, si le seul effet que le vaudou a sur vous est de vous faire écrire des textes partant dans tous les sens et globalement médiocres, ça ne valait pas la peine de se donner tant de mal.

Toute Biographie d'une sainte qu'il soit, Wendy semble assez loin de tout ça. Explosé mais pas éparillé. Déjanté plutôt que désaxé. Fantasque, fantaisiste, ludique même par instants... mais ancré dans le réel, noyé dedans, dans son côté sordide et sans illusions. Y-a-t-il une place pour les saints dans notre monde ? Pensez-donc ! Il y en a déjà à peine pour les rêves.

Alors on suit l'errance de Wendy Angelier, entre hallucination et paranoïa, humour et effroi, amour et violence. Est-ce un conte ? Une odyssée métaphysique ? Un road-movie burlesque ? En fait, c'est sans doute un peu tout cela à la fois. Wendy orchestre la rencontre entre Bernanos et les comics, le roman d'aventures et Nick Cave. Rythmé par une écriture incisive, jamais aussi brouillonne qu'elle en a l'air, le récit est un invraissemblabe tourbillon, aussi plein d'entrain que de mélancolie. Cantique de la racaille était à sa manière un grand roman social ; celui-ci aussi, tout en évoluant dans un registre très différent. En mettant en parallèle notre société telle qu'elle est et le fantasme tel qu'il ne sera plus jamais au terme du récit, Ravalec tente une approche différente de la chronique de moeurs, mais tout aussi pertinente (sinon plus... parce que plus riche, et même enchanteresse parfois).

Evidemment c'est étrange, d'y revenir ainsi avec le recul : par bien des côtés Wendy contient en germe tout ce qui fait que la plupart des romans récents de Ravalec m'ont mortellement ennuyé (lorsqu'ils ne me sont pas carrément tombés des mains). Et pourtant je le relis comme s'il s'agissait d'un autre auteur, comme si ce Ravalec-là avait disparu de la circulation pour céder la place à un homonyme certes pourvu d'une plume remarquable, mais un peu trop halluciné pour un gars terre-à-terre comme moi. Et voilà l'expression lâchée : il y a ici un côté terre-à-terre, au sens noble du terme (terrien, si vous voulez) qui apporte à Wendy ce plus considérable par rapport à (au hasard) L'Effacement progressif des consignes de sécurité (je n'ai volontairement pas pris le pire des Ravalec post-00's). Si sa fable fonctionne, ce n'est pas uniquement parce qu'elle est séduisante - mais parce qu'elle est contrebalancée par une grosse dose d'écœurante réalité. C'est à la fois détestable, parce que ce monde renferme un nombre terrifiant de choses détestables, et salvateur - le roman transpire l'humanité. Le mélange des deux fait en tout cas de Wendy un ouvrage unique. De ceux que des années après, on n'arrive jamais vraiment à s'ôter de la tête.

Inutile de préciser que ce sont souvent les meilleurs.


Trois autres livres pour découvrir Vincent Ravalec :

Cantique de la racaille (1994)
La Vie moderne (nouvelles / 1996)
Les Souris ont parfois du mal à gravir la montagne (2000)
...

3 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu celui-ci.
    Mais "Cantique de la racaille", c'était très, très bien.

    BBB.

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  2. C'est vrai qu'il reste bien en tête ce livre...

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  3. Ouaip. Je m'en souvenais comme si c'était hier.

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