samedi 19 décembre 2009

Current 93 - Dark Dusk of the Soul

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J'ai bonne mine, moi. Avec mon teint blafard à écouter Current à longueur de journées en essayant de déterminer si bordel de merde, je lui mets un cinq ou un six (?).

J'ai bonne mine et j'ai bonne réputation. Je passe le plus gros de l'année à me payer la tronche des Lyle, KMS et autres snobs du rock... pour au final me retrouver avec un classement des albums de l'année comprenant dans les premières places le très barré Set 'em Wild, Set 'em Free d'Akron/Family, le sinueux Goût du bonbon de Tue-Loup et donc, depuis quelques mois déjà, cet album au titre improbable (Aleph at Hallucinatory Mountain) et au contenu sans doute inaudible pour beaucoup de lecteurs de ce blog.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais ? Pourquoi Aleph at Hallucinatory Mountain serait-il plus recommandable que les trucs bruitistes proto-snobs dont je moque à longueur d'articles l'électrique prétention ? La réponse tient en un seul mot : intensité. Aleph at Hallucinatory Mountain est un des albums les plus intenses de 2009, tendu à l'extrême, incantatoire et de plus en plus fascinant à chaque nouvelle visite (car on ne l'écoute pas : on arpente l'univers de David Tibet). La prise de son, d'une qualité exceptionnelle, y est pour beaucoup, et son seul véritable défaut (énorme, cela dit) est d'accorder une place si prépondérante au texte qu'il se fermera en partie aux non-anglophones.

Pour le reste, malgré des dizaines et des dizaines d'écoutes, impossible de trouver quelque chose à redire à cette œuvre crépusculaire et difficilement catégorisable, à la fois parfaitement sauvage et extrêmement raffinée, aussi crue dans l'interprétation que soignée dans la mise en scène... et ce n'est évidemment pas par hasard si j'emploie ici un vocabulaire cinématographique : il y a quelque chose d'une œuvre totale dans l'approche de David Tibet, son usage peu courant des guests (Andrew W.K., Sascha Grey, et surtout Alex Neilson - dont les percus jouent un rôle essentiel au sein de l'édifice) comme sa manière de scander une prose particulièrement écrite dans un genre de slam psychédélique (certains passages évoquent d'ailleurs les compositions les plus chaotiques de Saul Williams).

Précisons toutefois que cet album a sacrément fait débat au sein de notre rédaction, composée je le rappelle (outre moi-même) de ma femme et de notre chat, entités le plus souvent bienveillantes cohabitant dans le même espace relativement réduit. Minus (c'est le chat, vous vous en doutiez) a assez peu apprécié Aleph at Hallucinatory Mountain, qu'il a trouvé un brin effrayant (l'effet drone sans doute) et un chouïa prétentieux (il a des goûts très pop - limite variétoche) ; quant à ma femme, elle m'a confié trouver ce disque "intéressant" mais ne jamais avoir envie de l'écouter. Force est d'admettre que je pouvais difficilement la contredire (même si je l'ai fait quand même - c'est plus fort que moi) : Aleph at Hallucinatory Mountain n'est pas le genre d'œuvre que l'on peut se fader chaque matin au p'tit déj (notez que c'est tout de même ce que j'ai fait au moins cinq matins de suite au mois de juillet, et toujours au moins deux fois de suite !). C'est un album nocturne, propice au recueillement voire à la transe. Et alors ? eus-je envie de répondre à ma tendre moitié. En quoi le fait d'avoir envie d'écouter tel ou tel album chaque jour le rend-il plus ou moins bon qu'un autre que l'on aurait envie d'écouter seulement une fois par semaine ? Comme beaucoup de grandes œuvres, celle-ci ne se prête pas à l'écoute distraite en faisant à la vaisselle, fait potentiellement un très mauvais fond sonore pour vos soirées et est absolument insoluble de le mode shuffle de votre MP3. C'est peut-être ce qui la rend si remarquable...


Aleph at Hallucinatory Mountain, de Current 93 (2009)



Pour un commentaire un peu plus pointu et sérieux, voir l'excellent billet du toujours excellent -Twist-
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30 commentaires:

  1. je ne connais pas leurs disques précédents (nombreux, j'ai cru comprendre),
    mais je trouve celui-ci sympa, pas beaucoup plus,
    le trip vaporeux sur l'aleph ça fait un peu daté,
    dnas les bons moments ça m'a fait penser à des trucs de David Axelrod, ce qui est un compliment

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  2. C'est pas vrai ! J'adore le blues !

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  3. j'avoue aussi que je n'ai pas prêté tellement d'attention aux paroles, qui visiblement sont au coeur du disque,
    on ne fait un disque entier sur l'aleph sans s'y investir, en général (c'est la première lettre de l'alphabet hébreu, et il existe une mystique très développée autour de cet alphabet, la kabale part beaucoup du sens caché des lettres, et l'aleph concentre toutes les attentions :-)

    (ça remarque c'est la partie sympa, mais j'ai pas trop fat gaffe si ce sont des érudits ou des mystiques à la petite semaine)

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  4. Je suis assez d'accord. L'album est vraiment captivant, impressionnant, transcendant. Mais prise de tête, également, et ce sera mon (gros) bémol.

    BBB.

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  5. Arbobo >>> "on ne fait pas un disque entier sur l'aleph"... euh, tu en connais d'autres pour étayer ta théorie ? ^_^

    Minus >>> Eric Clapton c'est de la variété ! :-)

    BBB. >>> prise de tête ? Euh... oui, peut-être...

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  6. Je lui avais collé un bon 9/10 et je regrette pas. Toujours aux premières places de mon top de l'année ;)

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  7. Pas encore eu l'occase de jeter une oreille dessus (faudrait voir s'il est en écoute en streaming qqpart) mais vu tout le grand bien que je pense de Current 93, oui ça ne m'étonne pas que les avis soient partagés :-D
    Pour les courageux et curieux, je conseille la compilation Calling for Vanished Faces sortie en 99, un double florilège en 2CD indispensable pour ceux qui ne voudraient pas trop se disperser, vue la disco imposante de Current ;-)

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  8. J'avais envie de me suicider, au bout de deux morceaux. Comment peut-on, à ce point, verser dans la laideur ? Et, surtout, comment peut-on aimer cela ?

    J'ai comme une envie de top of the flops, là, maintenant :)

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  9. Eh ben y a quand même plus de monde qui aime C93 que ce que je pensais ! Je ne connais pas encore très bien ce groupe, mais par exemple, si quelqu'un pouvait situer cet album par rapport aux deux premiers que je connais relativement bien (Nature Unveiled et Dogs Blood Rising, ok ils sont sortis en 1984...) ? ^^

    J'en ai lu beaucoup de bien et j'hésite à l'acheter en vinyle pour étrenner ma platine fraichement récupérée :P

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  10. @Idlewoodarian : que voulez-vous dire, exactement, par "situer" ? (des albums de Current, il y en a un certain nombre (une bonne vingtaine. Au moins.)

    BBB.

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  11. Tout pareil que Laiezza.

    Probablement, l'un de mes pires albums de l'année.
    Comment rebuter quelqu'un d'écouter une "autre" musique ?
    --> En lui présentant ce disque comme un chef d'oeuvre.

    Si si ...

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  12. Oui la disco de C93 est très fournie (20 me paraît être un chiffre optimiste d'ailleurs ^^) mais les deux premiers albums évoluent dans un genre de dark ambient très noir et angoissant avec chants mystiques et bruits inquiétants, d'après ce que j'ai lu cet album ne me semble pas très éloigné de ce style, me trompé-je ?? :)

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  13. En terme d'ambiances, non.
    Musicalement, un peu, époque oblige. Je dirais (cela n'engage que moi) que celui-ci est encore plus "radical".
    Oui, 20 est optimiste, je n'ai compté que les LP officiels, moins les "split" et les lives.

    Bon week-end,

    BBB.

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  14. justement non, thom, je n'en connais pas d'autre,
    mais on dirait par moment acid mothers temple jouant avec un rabin ^^

    et il y a décidément quelque chose avec le earth rot d'Axelrod, ou plutôt son Messiah (version rock de l'opéra de haendel)

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  15. Laiezza & Thierry >>> je comprends que cet album puisse déplaire, moi-même à la première écoute j'ai été assez perplexe ; tout de même : "laideur", "pire album de l'année"... n'est-ce pas un tout petit peu exagéré ?

    Arbobo >>> ah oui tiens. C'est pas faux...

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  16. Très bon album. C'est pourtant pas trop mon style mais comme tu dis il y a une intensité qui force le respect.

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  17. ben ... si on s'arrête au simple ressenti, pour moi, "laideur" et "l'un des pires albums de l'année" (dans le domaine concerné, bien sûr) me semblent convenir plutôt pas mal.
    Si je bloque au niveau du ressenti, il m'est assez difficile d'aller creuser au niveau de l'esthétique.

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  18. Pareil. Quoique je trouve l'esthétique très folklorique aussi, au mauvais sens du terme. Je me demande si c'est plus laid, ou plus prétentieux. J'hésite.

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  19. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  20. Ben, t'as plus de bons lecteurs que tu croyais, finalement!
    ;-)
    Moi aussi, je lui ai mis un 9/10, ce qui le maintient dans mes dix melleurs...
    :-)
    Ceci dit, je comprends qu'on puisse ne pas aimer. A première lecture, le mot "laideur" m'avait fait tiquer pour qualifier un album quel qu'il soit. Mais, après consultation du dictionnaire, "laid" étant "ce qui s'écarte de l'idée que l'on a de la beauté", pourquoi pas?

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  21. Thierry >>> certes ^^

    Laiezza >>> quelle prétention ?

    Marsu >>> j'ai jamais douté que mes lecteurs soient de "bons lecteurs" :-)

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  22. C'était un petit hommage à G.T. en passant ^^

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  23. Je suis convaincu qu'il en sera très touché ! :-)

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  24. Comment cela "quelle prétention" ? Cela ne s'arrange pas, ton problème de cerumen. Ou alors, à force, tu es devenu tellement prétentieux toi-même, que tu ne te rends plus compte...

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  25. un problème de cerumen? ah, mais cela explique pas mal de choses, notamment le CDG...

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  26. Toi l'amateur de Ghinzu on t'a rien demandé (je sais, c'est bas, mais au grand maux... ^^).

    Quant à toi, Laiezza ... ne vas pas croire qu'avoir des rapports privilégiés avec le taulier t'épargne une bonne fessée cul-nu un de ces quatres ;-)

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  27. Arrête de fantasmer, toi, là haut ! :)

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  28. Cul Nu, toi t'as vu les Nouveaux Barbares !

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  29. J'en ai surtout pris (des fessées cul nu ^^)

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