vendredi 6 novembre 2009

José Carlos Somoza - Pas encore bon pour l'H.P.


Il y a quelque chose d'étonnant, peut-être même d'un brin paradoxal, à voir le grand José Carlos Somoza se coller à un hommage à l'encore plus grand Howard Phillips Lovecraft. Cela suffit même à attiser la curiosité, que l'on connaisse ou non le premier... ou que l'on maîtrise parfaitement ou pas les arcanes de l'univers glauque et sinueux du second. Car tout en appartenant tous deux à une même famille d'auteurs croisant horreur, fantastique, fantasy et SF, ils ne s'en situent pas moins chacun à une extrêmité du genre. Lovecraft, c'est quasiment l'antithèse de Somoza. Philosophiquement parlant bien sûr (l'espagnol est un humaniste cachant derrière la violence de ses romans une foi inébranlable en la nature humaine ; l'américain était un misanthrope quasiment incapable de sortir de chez lui qui poussa le vice jusqu'à se marier par correspondance, témoignant d'un dégoût de l'homme aux confins du nihilisme), mais aussi du point de vue littéraire : quand tout l'art de Lovecraft repose sur la suggestion, le fameux indicible (mot qu'il écrit toutes les deux pages en moyenne), l'idée de l'horreur plutôt que l'horreur elle-même... Somoza nous a habitué à l'exact inverse de ça, ne lésinant que rarement sur les détails dégueulasses et se plaçant souvent à la l'extrême limite de la complaisance dans l'atroce. Autant dire que Somoza rendant hommage à Lovecraft, ce sont deux conceptions tant du monde que de la littérature qui s'affrontent, deux extrêmes qui comme souvent dans ces cas-là ne se rejoignent dans un côté dérangeant qui leur sied plutôt bien...

Les premières pages pourtant n'inquiètent pas outre-mesure. Somoza a beau avoir voulu rendre hommage à un auteur probablement considéré comme bien plus grand que lui (je dis probablement car en réalité si Lovecraft est un écrivain fondamental dans l'histoire du fantastique son oeuvre colossale est également très inégale et parfois répétitive), pas question de s'incliner face au Maître. Je parlais d'affrontement entre deux conceptions... c'est bel et bien de cela qu'il s'agit au début du livre, de Somoza arpentant un univers lovecraftien pour essayer de lui apporter une réelle valeur ajoutée, plutôt que d'un bête tribute comme il y en a tant. Car précisons-le : ce qui peut éventuellement déranger de prime abord dans la manière dont La Clé de l'Abîme est vendue c'est que des hommages à Lovecraft il y en a déjà eu des centaines, parfois par des auteurs bien plus passionnants que Somoza (ne serait-ce que Robert Bloch...). Or s'il est au moins une qualité qu'il faille reconnaître à celui-ci, c'est de se démarquer réellement, de prendre le temps de s'installer plutôt que d'aller nous rechercher les sempiternels Cthulhu et autres Nyarlathotep.

Aussi place-t-il d'emblée son histoire dans un futur lointain - c'est ce qu'on appelle prendre une distance raisonnable (d'autant que la quasi totalité des histoires de Lovecraft se déroulent dans le passé... sans même parler de la mythologie elle-même qui renvoie à une antiquité oubliée). Galvanisé par une idée il est vrai excellente, Somoza ne s'arrête pas en si bon chemin et incorpore des éléments de SF pure (seul terme que j'ai trouvé pour qualifier ce qui n'est pas de la SF lovecraftienne), puis une grosse et bonne dose de somozité (la religion est ici incarnée par un Livre Sacré composé de fables s'avérant évidemment bien plus que de la littérature)...

... et Lovecraft, dans tout ça ? Eh bien c'est un peu ce que l'auteur semble se dire lui-même au bout d'un moment, comme si emballé par ses idées ravissantes (façon de parler) il avait un peu perdu le fil de son hommage. Alors, paniqué, il nous ressort la mythologie lovecraftienne (sans toutefois la nommer explicitement), qui en fait s'agglomère assez mal à l'univers qu'il vient de mettre tant de soin à installer. Scindant de fait les lecteurs en deux camps distincts : ceux qui ne connaissent pas Lovecraft et peuvent tranquillement continuer à se délecter... et bien sûr les Lovecraft-addicts qui auront pour leur part la désagréable impression de voir toutes les coutures. Le paradoxe étant que Somoza semble avoir voulu délibérément créer cette division, rédiger un roman double susceptible d'être lu de manière totalement différente selon le lecteur (quelqu'un m'avait d'ailleurs suggéré de ne pas mentionner Lovecraft dans le billet... disons que ça se discute, et encore, même pas vraiment, vu que deux cents critiques avant moi ont déjà vendu la mèche...), ce qui n'étonnera pas les habitués de ses expérimentations formelles. Reste qu'en l'occurrence, on est moyennement convaincu par un artifice n'apportant aucune véritable valeur ajoutée (si le lecteur connaît Lovecraft ce n'est en rien plus ludique - n'importe qui identifiera l'hommage soi-disant mystérieux en trois secondes... et bien entendu si le lecteur ne connaît pas Lovecraft, ça ne changera pas grand-chose pour lui). Plus dommage encore : ceux qui connaissent bien les deux auteurs entreverront aussi à quel point La Clé de l'Abîme aurait pu être un roman exceptionnel si plutôt que d'aller s'emmerder à lovecraftiser Somoza s'était contenté de sa propre identité et de son propre univers, bien assez forts l'un et l'autre pour tenir le lecteur en haleine. Alors qu'ici, enfermé dans l'H.P., José fini même par s'oublier un peu... il avait pourtant la possibilité de faire quelque chose de grandiose, même dans cette optique d'hommage, notamment du côté des personnages (de véritable flaques d'eau chez le misanthrope culte, ce qui n'étonnera personne). Or... même pas. Les caractères s'avèrent finalement plutôt ternes par rapport aux autres romans de l'auteur, de même que la construction narrative un peu faiblarde arrivé à la moitié. Du coup la fin, en tout point exceptionnelle, laisse un goût d'autant plus amer que le désintérêt aura été croissant durant les pages qui la précède.


La Clé de l'Abîme
José Carlos Somoza | Actes Sud, 2007

26 commentaires:

  1. J'ai toujours eu du mal à m'enthousiasmer (contrairement à vous) pour ce Somoza, que je trouve très surestimé (c'est de la bonne littérature populaire, intelligente, pas mal écrite, mais on est de loin du génie vendu ici ou là). D'un autre côté, comme je trouve aussi Lovecraft très surestimé, peut-être que je pourrais aimer ce livre !

    :-)

    BBB.

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  2. Pas du tout d'accord avec ta critique. Mais d'accord sur le fait que révéler ou pas qu'il s'agit de Lovecraft, c'est un faux débat.

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  3. J'ai trouvé que ça se laissait lire. Sans plus (mais sans moins ;)

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  4. Je suis loin de tout connaitre de Lovecraft, mais je suis assez en phase avec le passage "son oeuvre colossale est également très inégale et parfois répétitive". Sans doute est il si estimé parce qu'il a inventé des tas de choses et inspiré de très nombreux écrivains. Ca me fait penser au velvet underground coté musique.

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  5. Je ne suis pas sûr de partager votre avis sur la misanthropie de Lovecraft. Il a tout de même écrit des millions de lettres à toutes sortes d'individus, qui l'ont décrit comme un homme d'une rare courtoisie toujours prêt à donner de son temps. "L'ermite de Providence" avait un carnet d'adresses dix fois plus fourni que le mien. Ca ressemble plus à un mépris aristocratique de la foule et du peuple en général, couplé à une peur nerveuse et maladive des étrangers venus souiller sa race (on retrouve ce thème de la dégénérescence dans toutes ses grandes nouvelles.) Mais "misanthrope", je ne sais pas.
    Sinon vous avez raison, son oeuvre, très marquante pour le mythe de Cthulhu, est vraiment inégale quand on se farde les tomes 2 et 3 de l'édition Bouquins. Et les relectures sont de moins en moins enthousiastes... Je ne sais plus qui disait ça, mais je partage cet avis : si on a pas découvert Lovecraft à 16 ans, on risque de ne jamais comprendre l'engouement qu'il peut susciter chez un lecteur.
    Je suis très curieux pour le Somoza sinon, que je vais essayer d'emprunter rapidement.

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  6. "si on a pas découvert Lovecraft à 16 ans, on risque de ne jamais comprendre l'engouement qu'il peut susciter chez un lecteur."

    Tout s'explique, en ce qui me concerne !

    Enfin. Non. Je trouve, quand même, qu'il y a chez Lovecraft un imaginaire assez passionnant. Mais quelle lecture éprouvante, que de lourdeurs dans la langue...

    BBB.

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  7. J'attendais ce billet depuis un petit moment. ;-) Mais si mes souvenirs sont bons, la dernière fois que nous en avions parlé, alors que j'étais pour ma part très déçue, tu semblais plus indulgent... À quoi est dû ce revirement?
    Sinon, comme tu t'en doutes, je suis entièrement d'accord avec ton billet d'aujourd'hui; je suis d'autant plus déçue que j'aime les deux auteurs et que l'idée étant excellente, j'aurai vraiment aimé pouvoir adhérer au récit. Làs... ce ne fut pas le cas.

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  8. BBB., Xavier & Ernesto >>> tout cela se recoupe un peu. Disons que ce que je reprocherais à Lovecraft c'est qu'une fois qu'on a lu les deux ou trois textes "fondateurs" le reste n'est, tout de même, qu'une longue redite. Pour l'anecdote lorsque j'ai lu Charles Dexter Ward, c'est-à-dire en dernier, j'ai eu la sensation très déplaisante d'avoir déjà lu ce livre deux ou trois fois et de pouvoir en prévoir le moindre rebondissement...

    Quant à la misanthropie... je ne connais pas la vie de Lovecraft par coeur, mais il me semble quand même qu'il sortrait vraiment très peu de chez lui...

    Laiezza >>> merci.

    Marion >>> c'est un peu le sens des trois diodes ;-)

    Laurence >>> bah en fait... j'ai beaucoup aimé le début, nettement moins la suite. Mais je crois que j'en avais parlé chez Cuné ...

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  9. Oui ! Effectivement, c'était chez Cuné (je n'arrivais plus à me souvenir où je t'avais entendu dire du bien de ce roman).
    "[...] Je trouve que c'est un très bon texte et je dois reconnaître que l'intelligence et la subtilité de Somoza m'épatent...[...]"
    En fait, en lisant ton commentaire, à l'époque, je te trouvais très indulgent, et toi-même précisais que tu étais plus nuancé que moi sur cette lecture. Or au final, pas tant que ça, non? ;-)

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  10. Oui mais regarde bien tout à la fin de la même discussion... ;-)

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  11. ben oui... j'ai bien vu la fin de la discussion, et il me semblait que dans ton billet d'aujourd'hui tu étais finalement plutôt d'accord avec les reproches que je formulais... :-P

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  12. Pour BBB : justement, quand on le lit à l'adolescence, on est très indulgent pour le style et on se focalise sur l'univers, très marquant. C'est plus tard en le relisant qu'on s'aperçoit que c'est bourré de tics, que les ficelles utilisées sont toujours les mêmes, que comme le dit Thomas les personnages sont transparents et servent uniquement de "machines à s'horrifier" devant l'intrigue — en gros, le charme s'estompe peu à peu au fil des ans, et si je devais le découvrir aujourd'hui, ça ne me ferait probablement pas beaucoup d'impression. C'est typiquement le genre d'auteur dont le souvenir vaut mieux que la relecture.

    Pour Thomas — Oh mais je ne connais pas sa vie plus que ça, et je ne voulais pas vous contredire sur sa réclusion. C'est juste le terme misanthrope, pour un homme raffiné et dévoué comme Lovercraft envers de nombreuses personnes de façon désintéressée, qui me faisait tiquer, mais j'imagine qu'il y a plusieurs formes de misanthropie.
    (et est-ce qu'un écrivain peut réellement être misanthrope au dernier degré, même s'il le prétend lui-même, et malgré toutes les poses qu'il s'évertue à prendre pour le prouver ? Vous êtes mon phare, éclairez-moi.)

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  13. Laurence >>> bon allez, si ça te fait plaisir... ;-)

    Ernesto >>> je ne sais pas si je possède la réponse à votre question. Sans doute que non, en effet. Reste que dans le cas de Lovecraft c'est bien sa réclusion qui a débouché sur cet univers si particulier, si déshumanisé. D'ailleurs je ne suis pas certain qu'il y a une contradiction entre sa "misanthropie" (disons que nous gardons ce terme, je n'en connais pas de meilleur) et ses nombreuses correspondances. Pour ce que j'en ai lu, il me semble que Lovecraft était un pur intellectuel ; l'individus ne l'intéressait qu'à partir du moment où il pouvait stimuler ses neurones. Il n'était en revanche pas friand du reste, de ce qui constitue pour le commun des mortels "l'humanité" (on peut d'ailleurs dire que ce sont les monstruosités, les véritables héros de ses nouvelles, bien plus que les hommes). Quand on pense que même sa femme, il ne l'a que très peu fréquentée physiquement...

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  14. Je ne connais pas du tout Lovecraft donc je fais partie des lecteurs qui se sont délectés du roman (quoique c'était trop sf pour moi).
    Et pourtant, si au début je pensais que vendre la mèche n'était pas une bonne idée, en lisant ton article je me dis que quelque comme toi qui connaît bien l'oeuvre de Lovecraft ne pouvait faire autrement.
    Mais dans ce cas il faudrait que seuls les gens qui connaissent Lovecraft puissent lire ton billet! ;-)

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  15. Bien sûr, on peut trouver que Lovecraft est lourd, répétitif, tout ce qu'on veut, sauf qu'il s'agit d'un misérabilisme assez français et donc très "francocentriste" - pas franchement très objectif donc...

    Pourtant un Houellebecq avait écrit de fort belles choses sur le style de Lovecraft (même si sa biographie était tout de même archi pompée sur celle de Lyon Sprague de Camp), je vous le cite :

    "Cet extraordinaire pouvoir de création d'univers, cette puissance visionnaire m'ont probablement fort frappé à l'époque [...] Son écriture, en effet, ne se déploie pas uniquement dans l'hypertrophie et le délire ; il y a aussi parfois chez lui une délicatesse, une profondeur lumineuse tout à fait rares. C'est en particulier le cas dans "Celui qui chuchotait dans les ténèbres" [suit un extrait de la nouvelle au milieu de la page 297 du tome 1 de l'édition intégrale parue chez Bouquins] Nous sommes là à un moment où l'extrême acuité de la perception sensorielle est tout près de provoquer un basculement dans la perception philosophique du monde ; autrement dit, nous sommes là dans la poésie."

    J'ajoute qu'au vu des qualités de ses nouvelles les plus captivantes (du Poe en mille fois plus puissant encore) comme "Dans l'abîme du temps", "Les montagnes hallucinées", je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il est "surestimé" (le comble c'est qu'il n'est plus guère lu de nos jours, on ne peut donc même plus lui reprocher de plaire à la "masse"...) à moins évidemment de tomber dans le pur dandysme ou la "pose" : peu d'intérêt pour moi...

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  16. Voilà qui est bien. Mais, vous savez, si mes propos n'ont que peu d'intérêt pour vous, il ne faut pas vous sentir obligé d'y répondre. A fortiori si c'est pour prétendre que Lovecraft n'est plus lu de nos jours, ce qui est purement et simplement faux. Lovecraft est très lu, peut-être moins qu'à une époque, mais allez faire un tour sur n'importe quel site consacré au fantastique, vous constaterez qu'il y est l'équivalent d'un Dieu (et je ne parle pas, ce ne serait pas du jeu, du culte que lui vouent les anglo-saxons).
    En réalité, Lovecraft est, sans nul doute, bien plus lu aujourd'hui, que lorsque j'étais adolescent, ce qui explique que je l'ai découvert sur le tard. Maintenant, je ne nie pas l'importance de Lovecraft dans l'histoire de la littérature, et au-delà, dans la culture populaire en général. Certains textes sont remarquables. Mais, je maintiens, la langue y souvent lourde, certaines nouvelles semblent calquées les unes sur les autres, sinon dans les intrigues, du moins dans les formules, les procédés narratifs...C'est ce que j'appelle "répétitif", et il me semble que le mot est juste.
    Plus juste, en tout cas, que votre remarque sur un quelconque "misérabilisme francocentriste", qui n'a rien à y voir.

    BBB.

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  17. Je vous accorde que "certaines nouvelles semblent calquées les unes sur les autres" mais il faut les replacer dans le cadre de ce qui se pratiquait alors dans les pulps comme Weird Tales. Lovecraft n'écrivait pas pour une aristocratie triée sur le volet ! il fallait forcement converser un moule similaire pour qu'elles puissent être acceptées. Mais tout son génie a été de créer - dans ce cadre très strict - un univers totalement nouveau à partir de névroses bien réelles (sa haine des étrangers n'est pas un simple mythe, il a vécu toute sa vie dans la peur de l'autre - même si ses lettres témoignaient d'une forte volonté de communiquer)

    Sinon je ne suis toujours pas convaincu qu'il soit plus lu aujourd'hui que quand vous étiez adolescent (en même temps j'ignore votre âge...), même si c'est vrai que le jeu et les films tirés de ses oeuvres ont clairement popularisé son nom auprès d'une certaine jeunesse. D'ailleurs je vous signale que Houellebecq lui-même a constaté que les jeunes ne le lisaient plus guère et ce dès 1998 ! je vous cite son témoignage :

    "Au cours des dédicaces, de temps en temps, des jeunes gens viennent me voir pour me faire signer ce livre. Ils ont découvert Lovecraft par l'intermédiaire de jeux de rôles ou de cédéroms. ils ne l'ont pas lu, et n'ont même pas l'intention de le faire. Pourtant , curieusement, ils souhaitent - par delà les textes - en savoir plus sur l'individu..." (c'est l'homme qui les fascine, bien plus que son oeuvre ou son style)

    Je doute fort que cela a radicalement changé en 11 ans, et attention le contenu très pointu (fait par quelques autodidactes) trouvé sur le web ne reflète en rien la réalité de ce que lisent réellement les français car tous ne sont pas des internautes actifs, loin de là.

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  18. Bon. J'ignore si la remarque initiale s'adressait à BBB. ou à moi (pas d'amalgamme bouuuh ! ^^), mais je ne vois pour ma part nulle "pose" dans le fait de vouloir rester un peu critique vis-à-vis d'un auteur qui a énormément compté dans ma vie de lecteur. Ceci dit en guise d'introduction, je me dois d'abonder effectivement dans ton sens concernant le rappel du contexte. C'est d'ailleurs amusant, car BBB. parlait plus haut de Somoza comme d'un auteur de littérature populaire, opposant artificiellement (et peut-être même involontairement) Somoza et Lovecraft... mais Lovecraft, effectivement, c'était à l'époque la littérature populaire dans toute sa splendeur (même si je conviens que cela semble dingue aujourd'hui où la littérature populaire, hélas, est noyée sous des productions si indignes qu'à côté les livres de Lovecraft ont l'air incroyablement complexes et précieux). J'ajouterai que si, effectivement, Lovecraft écrit par gimmicks, ses procédés narratifs ne sont pas nécessairement plus répétitifs que ceux de Gautier dans ses nouvelles fantastiques, or je n'ai jamais vu personne aller faire ce genre de reprocher à l'ami Théo.
    Un dernier point qui mériterait d'être souligné, c'est que Lovecraft a finalement (et relativement) peu publié de son vivant. Et ce n'est pas un mince détail, tant on n'a pas le même rapport "global" à son oeuvre selon qu'elle est intégralement publiée ou non.

    En revanche je n'ai pas vraiment d'avis sur le débat "est-il lu ou pas". Je crois qu'il l'était sans doute plus dans les années 80, ceci dit je connais quand même beaucoup de gens qui ont déjà lu Lovecraft. C'est difficile à évaluer, et il est certain que le Net ne peut pas vraiment en être représentatif. Cela dit la France dans son ensemble ne peut certainement pas servir de mètre étalon en la matière, tant le fantastique y est ghettoisé depuis toujours...

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  19. Je n'ai jamais opposé, artificiellement ou non, Somoza/Lovecraft. Quand même !

    ;-)

    BBB.

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  20. @Thomas : Cela dit la France dans son ensemble ne peut certainement pas servir de mètre étalon en la matière, tant le fantastique y est ghettoisé

    très à fait vrai ! c'est d'ailleurs également dit dans les commentaires du bonus de l'excellent documentaire "Lovecraft" de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic (DVD Arte). La France tellement rationnelle et cartésienne a un vrai problème avec le genre fantastique, un peu paradoxalement d'ailleurs (malgré Gautier ou Maupassant)

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  21. Un vrai paradoxe en effet si l'on considère que les auteurs français ont largement contribué aux tables de loi du genre. Gautier et Maupassant bien sûr mais citons encore, en vrac et dans le désordre, Cazotte, Nodier, Villiers de l'Isle-Adam, Nerval, Mérimée, Huysmans (Là-bas est par bien des côtés un ouvrage fantastique)... et bien sûr Balzac. Mais il y a cette relation étrange entre le lecteur français et le fantastique qui vient de ce que (je crois) le français a une image extrêmement biaisée de ce que peut être la littérature fantastique. Déjà, il confond très souvent fantastique, SF et fantasy, qui n'ont pourtant rien à voir. Maintenant est-ce à l'origine du mal entendu ou bien au contraire un résultat de ce malentendu, je ne sais pas... je ne suis pas convaincu que même au XIXe ou au début du XXe le fantastique était reconnu à sa juste valeur en France. Les plus grands auteurs fantastiques français étaient d'ailleurs souvent connus pour autre chose, avaient des ouvrages plus sérieux à côté.

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  22. "plus sérieux" >>> je désigne par-là le regard de leur époque, personnellement je ne fais pas de distinction.

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  23. Comme je n'ai pas lu Somoza, je crois que je vais commencer par autre chose... Lovecraft quand j'étais ado était l'auteur que tous les amateurs de fantastique, sf, fantasy (je sais que ça n'a rien à voir mais ce sont souvent les mêmes) se devaient d'avoir lu ou au moins de prétendre l'avoir lu :-))) en même temps, en faisant des jeux de rôle (et le monde Chtulhu est particulièremet gratiné, je confirme) je me suis rendu compte que les joueurs finissaient souvent par lire les bouquins, histoire de mieux maitriser leur jeu - est-ce toujours ainsi... je suppose :-))))

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  24. Oui. J'ai le sentiment que c'est toujours comme ça, en effet :-)

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  25. Alors j'arrive après la bataille (pacifique) de votre débat que je découvre grâce à Thomas qui a commenté un article consacré à Lovecraft et à Destination Lovecraft, un livre sur HPL (sur Interlignage.fr). C'est vrai que Lovecraft est assez répétitif, ce qui n'enlève rien à la dimension visionnaire remarquable de ses écrits. Je crois aussi que les "vrais", "grands" écrivains, ou, plus simplement, les écrivains dignes de ce nom sont ceux qui ont une ou des obsessions et qui racontent toujours la même histoire. A cette aune-là,HPL est parmi les plus grands. Je ne l'ai malheureusement pas lu en anglais, mais je me demande s'il ne souffre pas de la traduction. En tout cas, c'est rafraîchissant de constater qu'il suscite des tels échanges et discussions. Et permet de découvrir de nouveaux auteurs: je ne connaissais pas Somoza... Merci Thomas !

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  26. Mais de rien ! Somoza a écrit quelques très bons romans, même s'ils sont un peu derrière lui, maintenant...

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