samedi 10 octobre 2009

Harlequin ne vaudra jamais Ridge

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J'ai coutume de dire qu'il n'y a pas de petite ni de grande littérature, qu'il n'y a que les bons et les mauvais livres. Une vraie formule choc, le genre de truc qui vous pose son homme. En fait une manière détournée de dire que le polar ou la SF (par exemple) ne sont en rien des genres mineurs et que certaines de leurs œuvres méritent sans honte de figurer au Panthéon de la littérature.

Oui mais ça... c'était avant. Avant que suite à l'invitation (que dis-je ? la supplique !) de Fashion je ne me lance, comme tant d'autres avant moi, dans la lecture d'un Harlequin. Ma conception de la littérature en est sortie considérablement ébranlée.

Je partais pourtant avec baume au cœur et sourire aux lèvres ; c'est que voyez-vous, pour avoir connu un écrivain ayant commis quelques uns de ces monuments de la littérature de gare (personne ne sera d'ailleurs vraiment surpris d'apprendre que j'ai acheté le mien au Relay H), écrivain bien sûr dont je ne puis révéler le nom, je savais de source sûre qu'il pouvait y avoir des Harlequin sinon de valeur, du moins honnêtes (expression il est vrai incongrue à propos de bouquins que personne n'a jamais écrit pour autre chose que le fric... comme les Que sais-je ?, quoi). Pas de bol, La Fiancée de l'Irlandais n'est pas de ceux-là, et là vous êtes en train de vous dire Non... il s'est quand même pas infligé du Harlequin ET du celtique ? - ce à quoi je répondrai (non sans une certaine fierté) : pas du tout, je me suis infligé du Harquelin ET du celtique ET du roman historique. Autant dire que j'avais placé la barre très haut.

Sans doute trop haut en fait, car après un départ canon j'avoue que j'ai eu du mal à finir. Vous connaissez l'adage les plus courtes sont les meilleures ? Bah La Fiancée de l'Irlandais n'est pas très court, il est même plutôt long, trop pour savourer jusqu'au bout l'humour désopilant de Michelle Willingham. Je dis humour... parce l'humaniste en moi refuse de croire qu'une auteure peut écrire sérieusement des choses comme "il sentait son propre corps réagir indiscrètement au charme du spectacle"...

Mais de quoi parle donc ce livre ? vous demandez-vous, tout à votre malsaine curiosité ? D'une histoire de mariage arrangé dans l'Irlande du XIIe siècle, rien que ça. Et là, je dois bien reconnaître que j'ai été un peu pris de cours : bêtement, je pensais que l'héroïne, malheureuse dans son mariage, allait trouver le bonheur dans les bras d'un écuyer. Que nenni ! C'est tout simplement dans ceux de son mari qu'elle va découvrir les plaisirs de l'amour, pour ne pas dire l'orgasme, car comme chacun sait au XIIe siècle les hommes étaient très soucieux du plaisir de leurs épouses. Lesquelles épouses n'étaient en rien à leur botte, bien au contraire : Isabel, notre héroïne, n'est ni plus ni moins qu'une chienne de garde en puissance, une véritable rebelle. Non mais.

Faut-il le préciser ? Cet aspect est évidemment le plus réussi du roman. On atteint une espèce d'Everest du grotesque, entre les anachronismes dans le langage et les clichés, la prétention historique consternante et la kitscherie des descriptions... ça confine presque à la poésie. Les dialogues sont pas mal non plus (on ressent notamment l'influence de Jean-Luc Azoulay), mais il faut reconnaître que ce sont les passages sur l'Irlande qui captivent le plus - que celui qui n'a jamais été à la fois effaré et fasciné par le vide me jette la première pierre. Très mauvais exemple, soit dit en passant, car s'il y a bien quelque chose que La Fiancée de l'Irlandais n'est jamais... c'est vide. Au contraire, c'est probablement l'un des livres les plus surchargés, lourds et gratinés qu'ils m'aient été donné de lire - un peu comme si aucun éditeur n'avait pris la peine de lire le manuscrit avant de le publier (hypothèse très probable au demeurant, tant la production des Harlequin est on ne peut plus industrielle et mécanique). Et c'est bien ce qui m'a déçu. Je m'attendais pourquoi pas à retrouver certaines des émotions qui me grignotaient l'estomac à l'époque bénie des Chroniques d'Amour, Gloire & Beauté. Or... pas du tout. On est loin du génie absurde des scénaristes de mon soap préféré (on est loin du génie en général), de la virtuose médiocrité d'un soap ou des abysses vacuitales d'une sitcom AB... La Fiancée de l'Irlandais est juste un livre bêtement mauvais et mal écrit, très chiant de surcroît et à la prétention risible (mais risible méchamment hélas, pas risible risiblement)... sans cette petite valeur ajoutée pouvant métamorphoser une daube en référence dans la nullité. Il n'est d'ailleurs pas vraiment nul, ce serait mentir que de dire cela ; il est juste insipide et un peu con. S'il faut attendre la dernière page et son hallucinant "il nous faut rattraper le temps perdu, et faire mille et mille fois l'amour" (petits joueurs) pour exploser de rire... c'est ce qu'on appelle un rendez-vous manqué.

Néanmoins je ne désespère pas... puisqu'il me reste un autre Harlequin (contemporain, celui-ci) dans ma PAL. Et après on dira que j'y mets de la mauvaise volonté...
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22 commentaires:

  1. Faudrait que je les lise d'ailleurs tes chroniques d'Amour, gloire et beauté. Car il fut un époque où j'ai suivi ça le matin, toujours assez fascinée par le personnage de Brooke, la super salope à côté de laquelle Carla B. fait figure de petite joueuse: le nombre de type qu'elle se farcit et surtout les liens de parenté qui les lie tous... C'est juste hallucinant!

    (ceci pour la prochaine étape, je suggère que tu chroniques un des bouquins des collections "Interdits" et "Confessions érotiques" à La Musardine... Parce que dans le genre pornographie qu'on écrit pour le pognon, c'est croustichaud :D)

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  2. Le problème avec la collection Harlequin, c'est que ça manque cruellement de zombies.

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  3. tu t'y es collé aussi ? je suis admirative :-) (mais tu aurais pu t'y mettre avant...)
    bonne deuxième lecture (ou plutôt bon courage)

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  4. C'est l'occasion où jamais de demander : à quand le retour de Ridge ? La saison 3 d'AG&B est restée en plan :(

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  5. Je voulais participer, et puis cela m'est sorti de la tête, et puis ma biblio n'en avait pas, ça m'embêtait de dépenser de l'argent pour un Harlequin, et puis cela m'est ressorti de la tête...

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  6. Dahlia >>> j'y avais pensé... mais heureusement ou malheureusement, ce sera un de la collection "Prelude" (oui parce que "Préliminaires", quand même, ils n'ont pas osé).

    Lhisbei >>> et quoi ? Tu ne m'embrasses même pas ???

    Marion >>> cette page est définitivement tournée. La mort de Darla a scellé le destin de la série...

    Laiezza >>> oui, ça me faisait un peu mal aussi de dépenser de l'argent pour ça (ça explique en partie le fait que j'ai traîné). Heureusement, ma femme s'en est chargée à ma place ;-)

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  7. La femme de Thom10 octobre 2009 à 16:09

    Hum, je tiens à préciser que j'ai été contrainte d'acheter ces chefs-d'oeuvre dans un cadre professionnel. Rien à voir avec un quelconque plaisir coupable.

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  8. Ce qui cela dit n'empêche pas d'y prendre du plaisir, Darling ;-)

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  9. Bah en fait... j'ai déjà lu un livre de Cartland (celui où elle parle de son fils, j'ai oublié le nom). Je sais, je suis capable de m'enfoncer très loin dans la daube. J'ai aussi lu du Sulitzer, d'ailleurs, une fois...

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  10. C'est dommage, j'adorais le tournant de la saison 3 avec les blagues sur la politique ! Ce passage est génial :

    "… aujourd'hui, le public gavé de « Desperate Housewives » ne veut plus de ces soaps gnangan totalement déconnectés des dures réalités quotidiennes.

    La réflexion se confirme un peu plus à chaque épisode. Aujourd'hui encore l'influence du jeune Kevin, contestataire venant d'adhérer au NPA d'Olivier Bensacenot, fan de Michael Moore et de Bruce Springsteen, s'est faite sentir dans un épisode dont le moins qu'on puisse dire est qu'il collait parfaitement à l'actualité.

    Car Harry est de plus en plus rebelle, anarcho-communiste en polo Lacoste attirant la fille de riche rêvant de s'encanailler… bref : comme on pouvait s'y attendre Phoebe est sous le charme. Mais soap engagé ne signifie nullement soap oublieux de ses fondamentaux : ainsi donc les scénaristes nous ont-ils concocté une de ces séquences de quiproquo rappelant les beaux jours de Beaumarchais (l'inventeur du libéralisme et de Figaro… tiens donc) ; Nick demande à Phoebe de faire visite LA à Harry, son neveu de cœur… sans savoir que Phoebe vient justement de faire la connaissance dudit Harry au bar du coin, au terme d'un échange particulièrement houleux qui vit le jeune homme pester contre le prix du café en Amérique… quatre dollar l'espresso – c'est vrai que ça fait cher à l'ère des Nespresso et des Tassimo. Ca l'est encore plus lorsque vous êtes un jeune marin sillonnant les mers du sud : « Attendez ! » dit-il à un barman qu'on imagine très concerné par la question « Je reviens de Sumatra et là-bas, quatre dollars, c'est le salaire mensuel d'un ouvrier du textile. » Ca, ça claque. Dommage que le barman ignore où se trouve Sumatra."

    Rien que pour ça, j'aurais voulu avoir la suite ! :D

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  11. Honnêtement je n'aime pas du tout la saison 3 (j'étais déjà peu satisfait à l'époque). Et le regard que je jette aujourd'hui dessus est assez impitoyable, sans doute le truc le plus mauvais que j'ai jamais écrit. D'ailleurs j'avais rarement envie de l'écrire. Le seul bon côté de ce come-back foiré, c'est que je me suis rendu compte rétrospectivement qu'à l'époque des saisons 1 et 2, au-delà du côté j'men foutiste et délirant, il y a vraiment une vraie discipline de travail qui me gaverait totalement aujourd'hui.

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  12. Haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa...Arlequin........souvenir d'un été lointain chez ma grand-mère. Je n'en garde aucun souvenir, sinon que, c'était bien ! (je devais avoir 12/13 ans hein..) Par contre elle avait aussi toute la collec' des "Angélique marquise des anges" et il y a certains passages dont je me souviens très bien ^o)

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  13. Lhisbei >>> et quoi ? Tu ne m'embrasses même pas ???

    @ Thom : après un billet Harlequinesque ça friserait le cliché tu ne trouves pas ? ;-)

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  14. J'ajoute entre deux godets car personne ne l'a souligné, j'aime bcp la couverture, quelle réussite! Cet homme viril et musclé qui tient son manche, c'est beau, c'est du Harlequin! :-D

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  15. Idothée >>> ah... Angélique... faudra que j'en parle, un jour...

    Lhisbei >>> mais non ! ce sera juste MAGNIFIQUE !

    Doc >>> oui. Quand Harlequin rencontre Connard le Barbant, rien ne peut les arrêter !

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  16. aaahhh bravo tu es grand et courageux thom j'admire :-)))) (hého pas de méchanceté contre Conan le pas barbant du tout qui n'a rien à voir avec les Harlequin non mais sans blague :-))

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  17. C'est pas de la méchanceté, c'est de l'info : avant de devenir célèbre sous son nom de scène Conan a été refoulé de différents castings Harlequin (ainsi que d'un ou deux pornos en costumes)...

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  18. Je savais que tu ne me croirais pas :-(

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  19. ça m'aura fait bien rire, chez billets sur les Harlequin !!! (plus que ma lecture d'ailleurs, qui s'est avérée être très osée !)
    J'en ai aussi un deuxième sous le coude, mais bon, autant c'était bien l'été au bord de la piscine, autant là, je ne suis pas hyper motivée...

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  20. Je suis d'accord. J'ai regretté de ne pas avoir lu mon Harlequin plutôt, pendant les vacances...

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