jeudi 17 septembre 2009

Un roman français - Inégal mais...

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Depuis plusieurs semaines la rumeur grondait dans l'underground golbien. Persistante. Lancinante. Excitante, même - n'ayons pas peur des mots. Que disait-elle ? Que Frédéric Beigbeder, mortifié de s'être fait copieusement allumer dans ces pages, avait décidé de suivre nos conseils. Notamment ceux-ci (en forme de mise-en-garde) : "...dix-huit ans et sept romans plus tard, on a pas la moindre idée de qui c’est, ce Beigbeder [...] à force de se foutre de la gueule du monde, ses lecteurs même les plus fanatiques finiront par ne plus lui pardonner. Et qu’avec ce roman si profondément nul, il a largement dépassé le stade où on pouvait le critiquer gentiment et le mettre au coin pour le forcer à bosser. On optera donc avec insistance pour un passage en Conseil de Discipline Littéraire, en espérant pour lui qu’il se mettra à la littérature pour de bon avant le violent retour de bâton qu’on peut d’ores et déjà lui prédire. Capitaliser sur son seul nom pendant des années, même Britney Spears est en train de s’y casser les dents." Eh bien voilà. C'est fait ! Frédéric Beigbeder a décidé de faire de la littérature, de nous dire qui il est et d'arrêter de capitaliser sur son nom. Je vous jure que ce n'est pas une blague.

Alors soit - nuançons de suite : Un roman français, son dernier né, est loin d'être un grand chef-d'oeuvre de littérature contemporaine. On n'en demandait cependant pas tant : un livre correct, écrit avec les tripes et avec un peu d'âme suffisait amplement à notre bonheur. A force de la jouer poseur le garçon avait fatigué, sa personne avait fini ensevelie sous le vernis. C'est bien moins le cas cette fois-ci. Non qu'il retrouve vraiment le goût du souffre ; mais il parvient cependant à conceptualiser son manque de souffre et, via une entreprise autobiographique convaincante quoique branlante, à livrer quelques clés de ce que lui-même (moins crâneur qu'il veut nous le faire croire) n'oserait pas appeler une oeuvre.

La construction bien sûr est assez banale - à plus forte raison parce que c'est la même que pour Windows on the World et Au secours pardon : on part d'un évènement donné (ici sa garde à vue en 2008) et l'on s'en sert comme prétexte pour aboutir à un élargissement on ne peut plus narcissique. Mais ce qui irritait ailleurs aurait plutôt tendance à toucher ici, principalement parce que Beigbeder renonce la plupart du temps aux pirouettes stylistiques et autres formules faciles qui si elles ont fait sa marque ont également au fil du temps transformé chacun de ses livres en caricature de son premier roman. Dans les passages relatifs à l'enfance, il se découvre même un don certain pour l'errance mélancolique en même temps qu'il retrouve une certaine légèreté dans l'écriture.

Seuls ceux qui connaissaient ses chroniques de Voici première période espéraient vraiment qu'il retrouve cette verve ; les autres seront juste agréablement surpris, même s'ils continueront sans doute de fustiger le nombrilisme exacerbé inhérent au personnage. Pas sûr en effet que Beigbeder parvienne à convertir de nouveaux lecteurs avec Un roman français. Déjà les critiques fusent à propos de ses diatribes de cour d'école (ce qui prête à sourire dans le fond : aussi simplistes que soient ses attaques contre le pouvoir, Beigbeder a pour lui d'être un des rares écrivains à s'y essayer, ce qui le rend forcément sympathique). Ceux qui ont aimé les précédents en revanche... ceux-là risquent de le trouver absolument génial jusque dans ses excès. Tant pis si le lecteur un peu plus exigeant ne saura pas trop par quel bout le prendre : si Un roman français était un premier roman, on serait sans doute tenté de ranger le jeune Frédéric B. dans la catégorie des jeunes auteurs prometteurs. En l'état et en dépit du fait qu'il soit un livre agréable et plutôt bon, il demeure tout de même un peu trop cheap pour qu'on puisse sérieusement l'envisager comme un aboutissement.


👍 Un roman français 
Frédéric Beigbeder | Grasset, 2009

19 commentaires:

  1. Finalement ça sous-entends que le cas Samuel Benchetrit n'est pas totalement perdu alors, non? :P

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  2. Vraiment drôle, cet article.

    Comment ça, ce n'était pas volontaire ?

    BBB.

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  3. (Eh, je croyais que tu lisais pas les romans estampillés "Rentrée Littéraire"...)
    (Eh, je crois que dans a critique d' "Au secours pardon", tu disais qu'on ne te reprendrai surement pas à lire les prochains Beigbeder...)
    (Eh... non rien j'arrete là)


    Pas lu, de mon côté. Mais ta critique m'incite à m'y repencher. J'hésite car si j'adore (mais vraiment , j'aime beaucoup) la trilogie Marc Marronier, les derniers m'ont tous plus déçus les uns que les autres. Donc il se ressaisit, dis tu?
    Allez, je jetterai un oeil, quand même... Parce que merde, Je l'aime bien, Beigbeder.

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  4. Beigbeder s'est remis au travail, c'est une bonne nouvelle pour ses lecteurs, mais est-ce suffisant pour me donner envie de lire ce livre... pas sûr.

    Guic a raison : dans un édito très récent, tu nous disait que la rentrée littéraire ne passerait pas par toi... Cela dit, tu as tout à fait le droit de te contredire :-D

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  5. Doc >>> pour lui j'ai quand même un doute...

    BBB. >>> :-)

    Guic & Emma >>> comme quoi ce qu'on retient d'un texte... car j'avais surtout dit que j'allais dispatcher mes chroniques de la rentrée 2009 sur toute l'année (j'avais d'ailleurs aussi dit à ce moment-là que j'avais déjà lu ce livre...). En fait, j'ai surtout affirmer que je n'achetais pas les livres de la rentrée littéraire au moment de la rentrée littéraire... dont acte ^^

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  6. Juste pour te signaler que dans ce sens-là, "souffre" ne prend qu'un "f". A moins qu'il ne s'agisse d'un jeu de mots volontaire ?

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  7. C'était volontaire, oui (quelle insolence ! ^^)

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  8. Question pourrie : c'est Beigbeder sur la photo ? Comment a-t-il pu devenir aussi moche qu'il est aujourd'hui??

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  9. Sinon merci pour cette critique (que j'attendais de pied ferme!)(puisque tu l'avais annoncée, ceci dit pour Guic' the old et Emma ;)

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  10. je n'ai lu que 99 franc et j'ai trouvé ça vraiment médiocre.
    Il y a donc peu de chance que je m'inflige un autre de ces livres

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  11. Ah la vache voilà que tu dis du bien de Beigbeder. Disez non à la drogue.

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  12. @Serious Moon: oui c'est un portrait de lui exécuté par une voisine alors qu'il n'avait que 14 ans... Il était choupinou hein le Frédo? C'est ptet pour ça qu'il avait du mal à avoir des gonzesses. Une fille ne craque jamais sur un choupinou, ou alors elle s'en fait un ami quoi.

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  13. Comment t'es trop forte en Beigbeder, toi ! :-)

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  14. Je viens de commencer et, effectivement, cela m'a l'air pas mal.

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  15. Bon je dois confesser avoir lu l'intégralité de l'œuvre (sic) de Beigeder. Heureusement son dernier roman d'une crasse nullité m'avait convaincu de plus jamais y remettre les pieds ; un vrai soulagement. Et voilà que toi, tu me dis que finalement je devrais me le taper, et voilà que je vais même t'écouter. Pfff :p

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  16. Bon, j'ai suivi tes conseils, et je viens de le finir. Et tu as raison de A à Z. Sachant que j'avais, à la base, une sympathie coupable pour Beigbeder, je me montre évidement encore plus clément que toi vis à vis de ce roman là, et, je dois l'avouer, pour la première fois (la toute première fois, alors que j'ai quasiment lu tout ce qu'il a fait), il a même réussi à m'émouvoir à l'occasion, en plus de me faire passer un bon moment.

    Et de plus, un truc non négligeable, c'est que le fait qu'il ait mis de côté, pour une fois, son goût pour la formule bien faite, au final, ça aurait tendance à faciliter la lecture, parce que je ne me suis pas arrété pour me dire "ah oui, bien trouvé ça...".

    Non, vraiment, une agréable surprise.

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  17. C'est sûr qu'Au secours pardon a dû en fâcher plus d'un... pas sûr que Beigbeder les récupère tous avec ce livre-ci, même s'il n'est pas mauvais du tout...

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