lundi 16 mars 2009

Xavier Plumas - Songs Behind the Sun

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Le premier album de Xavier Plumas, moitié et figure de proue du meilleur groupe français en activité (Tue-Loup, pour ne pas le nommer), était attendu, guetté, espéré. On raconte que c’est un fan de la première heure qui serait parvenu à convaincre l’artiste de passer à l’acte. On le croit volontiers tant l’histoire de ce groupe singulier est parsemée de rencontres, de cadeaux et de don.s « Don », c’est le mot juste : Xavier Plumas n’a pas enregistré un album tout seul, comme tant d’autres l’auraient fait à sa place ; il nous a fait don d’un disque en solitaire, ni vraiment similaire ni vraiment différent de ceux de son groupe - juste complémentaire. Comme une extension de cet univers que l’on adore, romantique et sinueux, peuplé d’animaux étranges et de mélodies souvent fulgurantes, magnifié par des textes à la poésie élégante et cryptée…

On aura évidemment tôt fait de se dire que la Gueule du Cougouar vaut plus pour ses similitudes avec Tue-Loup que pour ses différences. Logique : le dernier Tue-Loup en date, Le Lac de Fish, était nettement plus folk que d’autres. Mais pas tout à fait exact, cependant : Tue-Loup se reconnaît certes à la scansion unique de Xavier Plumas, à ses textes… mais le son Tue-Loup doit énormément aussi à la guitare d’un Thierry Plouze évidemment absent de cette escapade. Sans elle, sans percussions, c’est un tout autre Plumas que l’on découvre ici, bien plus contemplatif (nulle trace ici de cette tension inhérente aux albums du groupe), très souvent hypnotique ("le Secret des rivières", "Prédation") et parfois étonnamment bluesy. A vrai dire sur "Souiller la colombe" ou l’entêtante "Silice", on pense moins à des références francophones qu’à sa majesté Mark Lanegan en personne - période Scraps At Midnight bien sûr. Blues marécageux, décharné en apparence mais foisonnant lorsqu’on tend l’oreille. Ce n’est pas la première fois qu’une telle filiation vient à l’esprit sur un album de Xavier Plumas ou de son orchestre ; c’est la première fois en revanche que l’on sent une proximité émotionnelle si forte entre le lonesome-cowboy américain et le songwriter sarthois. Et la voix plus caverneuse que jamais de renforcer cette sensation… sans bien sûr le faire sonner comme ersatz, ce qui semblera de toute façon peu probable à quiconque a déjà jeté une demi-oreille sur l’inclassable Tue-Loup.

Les amateurs auront sans doute déjà compris où je veux en venir : par bien des aspects et de manière assez étonnante, la Gueule du Cougouar est parfois moins accessible que les albums de Tue-Loup. Alors que tout portait à croire qu’un album solo de Xavier Plumas serait nettement plus axé « chanson », on constate dès la première écoute que le résultat est tout en atmosphères et en faux-semblants (d’apparence rugueuses les chansons sont en fait très produites et superbement arrangées par la Dream Team réunie pour l’occasion), s’ouvrant sur trois morceaux presque planants avant de s’animer lentement pour délivrer de superbes envolées dans sa seconde partie ("Ne demanderai rien", "En zone inondable"). Le sentiment dominant est celui d’un disque complètement évanescent, loin de ces productions actuelles fantasmant la country-folk, comme si Xavier Plumas avait décidé de survoler les étendues sauvages au lieu de les arpenter, d’arracher la folk à ses racines terrestres pour en faire une musique plus aérienne - une formule facile (mais tentante) serait de considérer que Tue-Loup louche sur la pesanteur de Leonard Cohen tandis que Plumas lorgne vers les sphères de Nick Drake. Et si la Gueule du Cougouar n’est jamais spécialement gai, ses harmonies vaporeuses ne le rendent jamais complètement sombre non plus : s’en dégagent une sérénité et une chaleur, à l’image de cette reprise lumineuse d’un des titres les plus sombres de Richard Hawley en dernière plage : le texte est particulièrement sinistre (« And I’ve got nothing on the inside left to charm, just look at me / And I’ve got nothing to live up to and nothing to reveal »), mais la voix souvent sous-estimée de Xavier lui confère une touche d’espoir inattendue. Un final en clair obscur, parfait résumé de l’album qu’il conclut : ténébreux mais parcouru de lumière, dépouillé mais élégant, rugueux mais sensuel.


A lire également : entretien avec Xavier Plumas, réalisé (tout comme cette chronique à l'origine) pour Culturofil.

"Silice", en session acoustique (donc pas forcément représentative du disque, mais bon...)

 

👍👍👍 La Gueule du Cougouar 
Xavier Plumas | YY Label/PIAS, 2009

23 commentaires:

  1. Je ne savais pas que Plumas avait sorti un disque solo. Je m'en vais écouter cela.

    BBB.

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  2. Je vois que vous avez lu le CDG avec attention :-D

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  3. C'est surtout que Plumas, Tue-Loup, je n'ai pas associé les deux automatiquement.

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  4. Je vous charriais :-)

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  5. J'avais bien compris. Et puisque nous en sommes aux moqueries : est-ce que le premier album du "cdg" serait destiné à être l'article recevant le moins de commentaires ? A charrieur, charrieur et demi !

    BBB.

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  6. M'en parlez pas, j'en suis encore à enrager...

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  7. Surtout que sur Culturofil non plus, il n'a reçu aucun com'... je ne peux même pas consoler en me disant que c'est parce que c'est une réédition :-(

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  8. (en même temps il ne sera plus premier dans le prochain CDG, même s'il reste dans le groupe de tête)

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  9. Pas mal, la technique pour faire grimper les commentaires!

    BBB, qui vous aide, comme toujours.

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  10. Ca ne sert pas à grand-chose, soit... mais ça remonte le moral :-)

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  11. Très bel article sur un très bel album. Merci!

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  12. Oh bah, de rien... je n'ai pas fait grand chose sur cet album (fou rire)

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  13. UN COMMENTAIRE SUR PLUMAS ! Vous voyez, elle marche, votre technique !

    BBB.

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  14. Puisque j'ai laissé un commentaire inutile sur Nip/Tuck, je peux aussi en laisser un sur Plumas, qui en a bien besoin, apparemment... je n'ai rien à en dire d'autre, pas écouté encore l'album...

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  15. (j'espère qu'il ne viendra jamais ici et ne verra jamais qu'on lui fait la charité du com' :-)

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  16. Il fait la première partie de Dominique A ce soir. Curieux de l'entendre après ce que tu en as écrit. Car de Tue-Loup, je ne connais en fait que le premier album...

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  17. ... qui n'est pas le meilleur (ni le premier d'ailleurs - car je suppose que tu fais référence à La Bancale, qui est en fait le second).

    Bon concert, tu viendras nous raconter, hein ? :-)

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  18. Celui où il y a un cerf sur la pochette (si c'est bien un cerf... je ne sais plus trop...)

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  19. C'est le troisième, La Belle Inutile, alors.

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  20. Ah oui, c'est ça...

    Sinon, au temps pour moi, ce n'était absolument pas Plumas qui faisait la première partie de Dominique A hier (une mauvaise info lue quelque part sur Internet...)

    Il faudra que je trouve une autre occasion pour découvrir ce disque solo.

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  21. Ah... bon, écoute, c'est de toute façon toujours un plaisir de discuter avec toi :-)

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  22. Et puis ça fait plein de commentaires presque pas hors-sujets finalement... :-)

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  23. Ca ne pourra de toute façon jamais être pire que si je t'avais lancé par mégarde sur le cinéma :-D

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