samedi 14 mars 2009

Philippe Jaenada - 2009, Année Parenthétique ?

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Ce titre n'est pas étrange, non non : il est le simple fruit d'un constat trainant depuis janvier. Un constant enthousiasmant, un bonheur, même : Philippe Jaenada est désormais le comble de la mode. Or si certains peuvent parfois ressentir une petite frustration à l'idée de voir un artiste qu'ils aiment d'amour devenir subitement un centre d'intérêt pour beaucoup de gens... moi, je vis toujours ça comme une petite victoire - même si je sais bien sûr que je n'y suis pas pour grand-chose.


C'est qu'il y a un an encore le retour de Jaenada après une relativement longue absence dans le domaine du roman n'aurait été un évènement que pour ses nombreux fidèles (Philippe ne l'avouera jamais, mais nous sommes une secte poursuivant le but sournois d'imposer des parenthèses dans les documents administratifs), attendant chaque livre de leur Messie comme on attendrait... bah euh... le Messie, justement (ou disons ses mémoires). Depuis janvier j'ai l'impression de voir le nom de Jaenada partout, la conviction que cette fois-ci personne ne pourra lui échapper... j'ai beau réprimer un sourire narquois en lisant des kilomètres de critiques censées être inspirées parce qu'elles mettent des parenthèses partout, ça m'emplit tout de même de joie et d'allégresse - tant pis si c'est surtout le directeur marketing de chez Grasset qui mériterait a priori nos félicitations. Mieux encore : l'autre jour à la FNAC, je vois non pas un... mais trois livres de Jaenada en tête de gondole, le petit dernier bien sûr (nous y reviendrons), mais aussi deux poches qui par le plus grand des hasards sont (ré)édités pour l'occasion (il parait que le directeur marketing de chez Seuil n'est pas mal non plus), un demi-buzz qui valait bien qu'on s'y arrête... d'autant que, hasard ou coïncidence le retour, il s'agissait des deux seuls que je n'avais pas encore lus (tous les autres ont été - pour certains largement - évoqués sur Le Golb, Cf. l'index ci-contre).

Néfertiti dans un champ de canne à sucre, indisponible depuis des lustres, n'est probablement pas le meilleur Jaenada (je serais même tenté de dire que c'est le moins bon). Sur une thématique finalement assez proche de celle du formidable Cosmonaute (apprendre à vivre avec l'Autre), mais en nettement moins maîtrisé, l'auteur visiblement en roue-libre organise un déferlement stylistique parfois étourdissant, se frotte avec panache au délicat exercice de la séquence érotique, égrène quelques pages superbes... pourtant on n'arrive jamais vraiment à se départir de l'impression qu'il écrit au fil de la plume sans la moindre minuscule idée de ce qui va se passer deux pages plus loin, la densité de Néfertiti étant inversement proportionnelle à sa cohérence. Si le "On adore ou l'on déteste" vaut pour l’œuvre de Jaenada en général, cela n'a probablement jamais été aussi vrai que pour cette histoire d'amour et de désir inégale mais particulièrement touchante.


C'est d'une toute autre paire de manche qu'il s'agit dans le cas des Brutes, Objet Littéraire Non Identifié auto-proclamé et réalisé en collaboration avec les toujours excellents Dupuy & Berberian. Ça s'appelle Les Brutes, mais ça pourrait tout aussi bien s'appeler Comment j'ai raté mon service militaire, un court récit d'environ soixante-dix pages dont pas une qui soit autre chose que brillante. C'est burlesque, c'est hilarant (les cinq premières pages - dans lesquelles Jaenada raconte son rapport pour le moins particulier avec la religion - comptent probablement parmi les plus drôles qu'il ait jamais écrites), c'est enlevé... rarement l'auteur aura si clairement évolué dans le registre comique, et force est d'admettre que le genre autant que la forme courte lui vont à ravir ! L'objet est charmant, sans prétentions, et je ne résisterai pas une seconde de plus à vous en offrir un petit extrait (en condensant au maximum parce que l'ensemble est tellement court qu'il serait dommageable de trop en montrer) :

"Alors bien sûr, le service militaire, ce n'est pas le sujet qui est sur toutes les lèvres, en 2006. Ça a un je-ne-sais-quoi de désuet, d'éteint, comme si ça n'existait plus. Mais il faut accorder trop d'importance au décor, aux détails (uniformes, sac-à-dos remplis de cailloux, types aux cheveux très courts, fusils), pour croire que ça n'existe plus. C'est tous les jours, partout, le service militaire."

Si ce passage vient de vous arracher un sourire (alors qu'il n'est même pas très drôle par rapport au reste), il y a de grandes chances que ce livre soit pour vous. Et en plus, il est pas cher du tout : cinq petits euros pour une heure de fou rire, c'est ridicule à une époque où des gens dépensent vingt-euros pour un dévédé de Timsit que les fera sourire deux fois en deux heures.



👍 Néfertiti dans un champ de canne à sucre 
Philippe Jaenada | Points, 1999

👍👍 Les Brutes
Philippe Jaenada ; Philippe Dupuy & Charles Berberian | Points, 2006




L'avis de ZAPH sur ce dernier.

11 commentaires:

  1. Oui, c'est vrai que "Les Brutes", c'est vraiment très bon. J'ai beaucoup ri aussi (même si j'ai trouvé cela trop court).

    BBB.

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  2. J'ai trouvé au contraire que c'était pile la bonne taille pour ne pas laisser l'attention du lecteur se diluer...

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  3. Je suis d'accord pour Nefertiti, que je n'avais pas aimé (alors que les autres (et surtout le "chameau sauvage" et "le cosmonaute" (parce que "la jeune fille"… bof…) m'avaient beaucoup plu)).
    Très en retard dans mes lectures, donc pas encore lu le nouveau (qui attend avec le Lehane, le Coe… (faut que j'accélère, les sorties de janvier m'ont planté !)).
    Grande question : va-t-il y avoir un seul commentaire sans parenthèse ? :-)

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  4. Je viens pas d'en faire un ? :-)

    Je viens tout juste de commencer le dernier... bon, par contre je ne sais pas quand est-ce qu'on reparlera, vu qu'il y a un décalage de presque trois semaines entre la publication des billets et leur rédaction...

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  5. C'est marrant, j'ai commencé Jaenada avec Nefertiti... D'ailleurs le livre est resté un peu spécial à mes yeux parce qu'il m'a été offert par un homme dont j'étais folle amoureuse et avec qui j'ai eu une relation tourmentée. Du coup, même si je l'ai adoré (le livre), maintenant j'hésite à le relire puisque l'homme en question qui me l'a offert est un devenu un total indésirable à mes yeux...

    En ce qui concerne les brutes, je ne l'ai pas lu, mais il semble que ça soit le meilleur volume de cette collection de livre/images chez Scali, celui d'Ann Scott étant du foutage de gueule et celui de Boris Bergmann... heu du foutage de gueule aussi.

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  6. En même temps déjà à la base Jaenada est un auteur plus intéressant que ce deux là...

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  7. Je n'ai pas lu le Scott, mais le Bergman, en effet, est presque ridicule.

    BBB.

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  8. Je ne suis fana de Bergman, de toute façon.

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  9. Parenthétique, pour expliquer ce mot, mettons nous en situation! ;)

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  10. Ah! Oh! Eh! "Les Brutes" en poche?... Je cours.

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  11. Marco... LE Marco ? NOTRE Marco ? :-)

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