lundi 17 décembre 2007

David Bowie - Les Diamants sont éternels

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Reste t’il encore quelque chose qui n’ait pas été écrit sur la Trilogie berlinoise de Bowie ?

Sans doute pas. Mais tant qu’il restera des gens pour ne pas la connaître, ces choses resteront bonnes à dire.

Ressassons donc : enregistrés à Berlin à la fin des années 70 sous la houlette de la paire Brian Eno – Tony Visconti, Low et « Heroes » (suivis en 1979 de Lodger) sont sans doute les deux disques les plus importants de cette époque, ceux qui permettront au rock de basculer vers un renouveau sonique en friche depuis quelques années. Low, surtout, album particulièrement puissant et atmosphérique, sans lequel Radiohead, Massive Attack et consorts n’auraient jamais pu enregistrer la moindre note (oui, c’est à ce point).


A dominante instrumentale, ce véritable monument de la musique moderne (au-delà de toutes les étiquettes) fut l’album de la reconstruction pour un Bowie alors en pleine période sombre (d'où le titre). Un disque de fuite (l’Amérique, le rock, les paillettes), un disque de survie dont les pièces forment une étrange symphonie aux confins de l’électronique et de la musique contemporaine. Influencé par lui-même et sa dépression plus que par Kraftwerk et Neu! (même si la filiation est bien-là), le Think White Duke émerge d’un désert de poudre blanche et décide de compenser son incapacité à formuler ce qu’il ressent via des mots par un océan sonique rarement égalé. Dans le genre prise de risques, on a rarement fait mieux que ce disque en rupture totale avec les formats pop (« Sound & Vision », « Art Decade ») et dont l’esthétique bauhaus (au sens du courant allemand, pas du groupe anglais) n’a jamais pu viellir – puisqu’elle a été pompée jusqu’à plus soif durant les trente années suivantes. L’esprit Hansa by the Wall, comme disent les pros lorsqu’ils ne savent plus quoi écrire sur le Kid A de Radiohead – héritier le plus évident de ce pavé dans la marre punk. Ca veut tout dire.


« Un nouveau langage musical pour ma nouvelle vie… » dira plus tard Bowie lui-même, nouveau langage qu’il mettra complètement en application sur un « Heroes » aux allures d’achèvement. La face pop l’est beaucoup plus (tout du moins est-elle bien plus structurée), avec évidemment le tube éponyme que l’on sait (arbre cachant la forêt) mais aussi et surtout une collection de scies new-wave avant l’heure, portées par les embardées électriques d’un Robert Fripp au sommet de sa forme (« Joe the Lion », « Blackout… »). La face atmosphérique, quant à elle, constitue sans doute l’ensemble le plus apaisant qu’on ait jamais entendu jusqu’alors, entre ambient luxuriant (« Sens of Doubt ») et meditation transcendantale (« Moss Garden »). Ni mieux ni moins bien que Low, quoi : juste parfaitement complémentaire – et donc absolument indispensable.

Niveau réédition rien de nouveau sous le soleil : Bowie est fâché avec les bonus depuis une dizaine d’années, quant au son… la remasterisation définitive a paru en 1999 – il s’agit de la même. L’important de toute façon n’est pas là : tout moyen de faire connaître ces deux chefs-d’œuvre encore trop peu vendus à ce jour sera le bon. C’est dit !


👑  Low & "Heroes" 
David Bowie | RCA, 1977