samedi 11 octobre 2008

Samuel Benchetrit - La Littérature aux intestins

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P'tit Bench est devenu grand et comment dire... ? On n'est pas sûr à la fin d'avoir gagné au change. En fait dans Chroniques de l'Aphalte épisode deux il y aurait de quoi nourrir quelques chapitres au rayon nostalgie de l'innocence enfantine perdue - sauf qu'une fois n'est pas coutume le sentiment assaille plus souvent le lecteur que le narrateur.

Reconnaissons toutefois à Benchetrit le mérite de la cohérence : considérant que nous sommes plongés en plein roman (en pleine fresque !) autobiographique il n'y a pas lieu d'être étonné que ce livre ressemble à s'y méprendre à son auteur... soit donc la pire tête à claque que la littérature ou le cinéma français nous aient offerts depuis très, très longtemps. Personnage antipathique au possible, Benchetrit ne pouvait que transformer à terme son double littéraire en... personnage antipathique au possible - l'entreprise autobiographique est donc parfaitement menée à bien.

Le hic, c'est que tout est si casse bonbon dans ce bouquin qu'on finit par ne plus savoir par quel bout le prendre - y compris si l'on essaie d'en écrire une critique négative. Difficile voire impossible de dire ce qui est le plus agaçant dans Chroniques de l'Asphalte 2/5, de ce côté blogueur-qui-a-réussi avec interpellation permanente d'un lecteur qui n'en demandait pas tant, de cette vulgarité langagière si incroyable qu'elle ferait passer Bukowski pour Proust... ou tout simplement du nombrilisme écoeurant qui se dégage de l'affaire, nombrilisme certes à la base de toute entreprise autobiographique... mais tout de même : comment ne pas être géné par cette sensation que rien n'intéresse l'auteur sorti de sa petite personne (au demeurant pas bien intéressante). Le narrateur de 2005 racontait certes sa vie, mais il brossait au passage quelques portraits attachants, disait quelques trucs pas trop cons sur la banlieue, arrivait à arracher de la tendresse à certaines situations et surtout évoluait dans un univers. Rien tout cela ici : l'univers de Chroniques de l'Asphalte 2/5 est désespérément creux, aucun personnage ne prend corps et le narrateur semble totalement dépossédé de son âme - un comble quand on prétend se raconter. D'ailleurs en y songeant bien l'aspect récit de vie de l'affaire n'est pas si réussi que ça dans la mesure où l'on peine à faire le lien entre le gosse rêveur du tome un et le connard arriviste et sans états d'âme de ce tome deux, qui galère pour s'insérer dans le milieu de la photo soit... mais qui galère surtout pour éprouver une émotion sincère autre que la rage de gagner (le pseudo gauchiste Benchetrit a-t-il conscience d'avoir écrit un roman terriblement libéral dans l'esprit ?). Et que de grâce on ne brandisse pas cette fois-ci l'argument de l'auteur rock'n'roll, car si Benchetrit est rock il l'est tout au plus au même titre qu'un ado portant un t-shirt Rage Age Against The Machine ou jean pré-délavé : du Canada Dry, l'image du rock plutôt que sa substance - exactement comme il donne l'image de la liberté de ton au lieu de l'illustrer par une véritable subversion (comme si c'était génialement rock'n'roll et choquant de dire des gros mots qui, dans la bouche d'un Bigard, seraient tout simplement considérés comme beaufisants).

Bref : une véritable catastrophe littéraire qui n'a de littéraire que le nom et de catastrophique à peu près tout le reste. Certains réussiront sans doute à se forcer à le finir (c'est court) ; pas sûr qu'ils se forcent en revanche à lire la suite - personne ne leur jettera la pierre.


👎👎 Chroniques de l'Asphalte 2/5
Samuel Benchetrit | Julliard, 2007