mardi 3 juin 2008

Ozzy Osbourne - Mystery Hate, Co.

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Ah ! Le Hard des années 80 ! Comment se fait-il qu'on arrive jamais complètement à s'en lasser ? Comment se fait-il qu'on puisse encore prendre du plaisir à en écouter, parfois, en cachette de G.T. ? Comment se fait-il qu'un mec comme Ozzy Osbourne puisse encore intéresser les gens en 2008 ?

Il y a là matière à réflexion, à vrai dire expliquer pourquoi Ozzy n'a jamais été balayé comme toutes les autres stars du hard 80's... cela mériterait peut-être même une thèse complète. Car le crieur au physique ingrat et au look sujet à caution (shock-rocker certes, mais on est loin de l'élégance destroy d'un Alice Cooper) a réussi à survivre quasiment à tout, tout le temps, même à sa manageuse de femme - c'est vous dire. En 2008 et alors que la simple évocation de n'importe quelle idole du hard 80's ferait se plier de rire un mormon dépressif, Ozzy Osbourne continue d'écouler des millions d'albums chaque année, remplit les stades et fait se pâmer les kids d'aujourd'hui comme ceux d'hier ou d'avant hier... or un rapide coup d'œil à sa carrière laisse pantois.

Ozzy n'est en effet pas la seule gloire du metal d'alors à avoir su traverser le temps - et c'est heureux. Iron Maiden, Slayer ou Metallica continuent du mobiliser les foules, il y en a quelques autres... rien de plus normal : dans le genre, on n'a jamais fait mieux. Ozzy Osbourne c'est quand même une autre histoire. Il n'a pas évité un seul des écueils des années 80, il s'y est même vautré plus que n'importe quel autre, on poussera même jusqu'à affirmer que celui qu'on considère à tort comme le Godfather du metal (le vrai Godfather est et restera toujours son ancien comparse de Black Sabbath, Môssieur Tony Iommi) n'a jamais su amener au genre que les colifichets qui font que certains s'en moquent allègrement aujourd'hui. Le satanisme revisité par MTV ? C'est lui ! Les costumes ridicules ? Encore lui ! Les clips grotesques ? Jetez un œil à celui de « Bark at the Moon ». Les dérives pompières ? Il a été le premier sur le créneau. Les power-chords FM à faire passer Bryan Adams pour un artiste death ? Ozzy reste aujourd'hui encore l'un des plus grands maîtres de l'exercice. Et pourtant, il est toujours là. Pire encore : il est crédible même auprès d'esthètes respectables, et demeure l'un des rares artistes à faire l'unanimité au sein des multiples chapelles de l’Église Metal. Incompréhensible. Prenez un morceau comme l'horrible « Tatoo Dancer ». Le même interprété par n'importe qui d'autre ferait fuir toute personne dotée d'un semblant de sens esthétique. Interprété par Ozzy il séduira aussi bien le fan de black-metal pur et dur que le critique de Rock & Folk... non vraiment : ce mec, Ozzy, est très bizarre.

Bien sûr il a fait de bonnes choses, principalement en tant que chanteur de Black Sabbath. Il a participé à une révolution musicale, il serait complètement idiot de lui enlever. Néanmoins il serait tout aussi idiot d'accorder plus qu'un intérêt poli à ce qu'il a pu faire depuis 1982 (façon services rendus à l'histoire de la musique), or non, c'est Ozzy, il est barge, sympa... donc ça passe. Et mieux encore : ça vend ! Tant pis si depuis ses deux premiers (et exceptionnels) albums solo il n'a pas dû publier plus de douze bonnes chansons en tout (comptons large). Qu'on aille surtout pas chercher de raison rationnelle (voire musicale - restons sérieux) à la pérénnité de ce succès : il n'y en a aucune. La raison a disparu de sa discographie depuis plus de vingt ans, si elle avait eu cours la carrière d'Ozzy aurait dû théoriquement s'arrêter en 1986 - après le cauchemardesque The Ultimate Sin. Qui pourtant a été suivi du monstrueux No Rest for the Wicked. Puis du navrant No More Tears. Incompréhensible ! La seule vraie prouesse des albums du gars Obsourne entre 1983 et nos jours aura été de réunir dans la même oeuvre le pire et du hard FM et du speed-metal - chapelles qu'on crut longtemps impossible à réconcilier. Les boursouflures du second mariées aux refrains putassiers et autres Yeah ! Come-on ! du premier. Entendons-nous bien : il y a eu (il y a encore) de l'excellent speed-metal et du très bon hard "FM" (quoique moins, quand même). Seulement The Ultimate Sin ou No More Tears sont particulièrement médiocres dans le genre. C'est ça qui est stupéfiant chez Ozzy. On a l'impression que personne ne semble frappé par l'évidente nullité de tout ce qu'il a produit après le décès du génial Randy Rhoads.


Décès tragique qui, survenu en 1982, traumatisera passablement le gentil Osbourne (car Ozzy un cœur, un gros même - c'est bien pourquoi le métalleux le plus féroce lui a toujours pardonné d'enregistrer des ballades encore plus lénifiantes que celles de Scorpions et de Winger réunies), qui ourdira un projet de live hommage à son meilleur ami dès le jour de l'enterrement (dit-on) mais mettra, pour d'obscures raisons contractuelles, plus de cinq ans à le réaliser. Peu importe : ce double album, tout à la gloire de l'ex-guitar-hero des excellents (et mésestimés) Quiet Riot, pénètrera immédiatement l'imaginaire de tout amateur de metal qui se respecte. C'est à la fois le meilleur disque d'Ozzy et l'un des meilleurs lives de tous les temps, une merveille qui occupe de plus une place assez intéressante dans l'histoire du metal... puisque tout en étant absolument magistral (j'insiste) il contient en germe toutes les dérives à venir au sein de ce courant.

Non parce que bon... on l'aime bien Randy Rhoads, mais l'honnêteté oblige à reconnaître que c'est un peu beaucoup lui le responsable des dérives symphonico-kitsch chères à tous les vrais esthètes. Musicien classique de formation, il fut en effet le premier à avoir l'idée saugrenue d'incorporer des éléments classique au metal... ceci dit à sa décharge, comme personne n'avait songé à le faire avant lui, il ne pouvait pas se douter que son idée allait s'avérer l'une des plus désastreuses de toute l'histoire de la musique. N'allez pas croire qu'Otto Hahn avait la moindre idée de qu'allait devenir sa trouvaille à propos de la fission nucléaire. Fan des Beatles, grand amateur de blues, le sympathique et talentueux Randy ne pouvait bien entendu pas prévoir que le style Rhoads allait faire école auprès du psychopathe Yngwie Malmsteen pour accoucher des horreurs que l'on sait. Sur les trois albums d'Osbourne où il figure au casting (celui-ci et les deux premiers albums studio, Blizzard of Oz et Diary of a Madman) son apport "classique" se limite à passer du Wagner en guise d'intro, plus quelques petites harmonies discrètes (qui inspireront plus tard Cliff Burton au sein de Metallica) et, de manière plus générale, à un feeling plus qu'à un surcroît de technicité. « I Don't Know », bombe inaugurale, a beau être sans doute très construite pour un morceau de metal de 1980... pas de quoi tout de même la confondre avec une symphonie. Rhoads était d'ailleurs un trop bon disciplie du Maître Iommi pour sombrer dans la vulgaire démonstration, et l'essentiel de son jeu (soli mis à part) repose surtout en une succession de cassures rythmiques du plus bel effet (Cf. « Crazy Train » le bien nommé, sorte de montagne russe qui accélère, ralentit, explose, accélère... etc.)

Surtout, il était un compositeur hors pair, et si l'on ne doute pas qu'Ozzy ait été extrêmement touché par son décès... force est de reconnaître à l'écoute de ce prodigieux live que sa carrière non plus ne s'en est jamais remise. Avec d'entrée des morceaux du calibre de « Mr Crowley » ou de l'inaltérable « Suicide Solution », elle était partie de si haut qu'elle ne pouvait que s'affaisser inexorablement. Comparer la seule ballade du lot (« Goodbye to Romance ») à ce qu'Ozzy publia par la suite dans le genre... non, on n'essaiera pas - ce serait de la méchanceté gratuite !

Bref : s'il ne fallait en garder qu'un seul du trublion Obsourne, ce serait sans doute celui-ci. Sur Tribute MTV, l'invention du hairspray et l'ignoble Jake E. Lee (le remplaçant de Rhoads - pour ne pas dire : sa parodie) ne sont pas encore passés par là... et ça se sent ! Peut-être même le meilleur du hard des années 80 se trouve t'il concentré dans ce double-live...


👍👍 Tribute 
Ozzy Osbourne | CBS, 1987