mardi 8 avril 2008

Jean Teulé - Psycho Couac

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Ainsi donc Jean Teulé a déjà raté un roman. Je veux dire : à part son récent Magasin des suicides, qui rétrospectivement était tout de même, comment dire ? Un brin flemmard sur les bords. C'est presque rassurant. Ça l'humanise. Vue la qualité remarquable de son œuvre (abondamment commentée dans ces pages, et désormais abondamment commentée sur le web - tout court) il est bon de savoir que cet homme a aussi eu, un jour, une petite faiblesse, une petite faiblesse d'autant plus sympathique qu'elle est commune à tous les vrais bons écrivains qui se respectent : dans L'Œil de Pâques, Jean Teulé a péché par mégalomanie. Par hybris - ou pas loin.

Ce second roman de Jean Teulé (après l'adorable « Rainbow pour Rimbaud ») est introduit par un quatrième de couverture annonçant :

« Il s'agit d'un polar qui ressemble à un conte... »


Bien sûr bien sûr. Et mon blog c'est un Magritte (quoi ? vous l'ignoriez ?). En réalité L'Œil de Pâques est surtout un conte qui ne ressemble à rien. Et qui, à dire vrai, n'en raconte pas plus. Visiblement composée sous LSD l'histoire de Pâques, jeune beauté affublée d'un œil rose sans pupille ni iris, qui commence quinze millions d'années avant sa naissance, semble surtout être pour Teulé un prétexte à défouler quelques fantasmes psychédélico-littéraires qui laisseront pantois le lecteur même le plus acquis à la cause de l'auteur. La plume est là, vive, fantaisiste... pas de doute : c'est du Teulé. Mais du Teulé petit-bras, du Teulé à la qualité inversement proportionnelle à ses ambitions.

Car ambitions il y a, et l'idée de la narration bâtie sur un compte à rebours (moins quinze millions d'années, moins dix millions, moins un... etc.) est à n'en pas douter excellente. Il est d'autant plus dommage que Jean Teulé la gâche avec une telle jubilation, la réduise à néant au bout d'une première cinquantaine de pages de n'importe quoi total. Certains passages sont à la limite du compréhensible, d'autres sont ridicules à force de vouloir systématiquement paraître décalés... et au final l'ensemble s'avère encore plus kistch que sa couverture (*). Pour tout dire le quatrième de couv' susmentionné est sans aucun doute meilleur que le livre (commentaire faussement méchant, en fait, car chose rare : ce quatrième est vraiment excellent).

Reste le plaisir de lire du Teulé, ce qui même dans un livre raté reste toujours plus agréable que pour beaucoup d'auteurs. N'empêche : c'est assez mince...


👎 L'Œil de Pâques 
Jean Teulé | Julliard, 1992


(*) Réflexion qui évidemment tombe complètement à plat, vu que non seulement ce livre est extrêmement difficile à débusquer mais qu'en plus même les photos de sa couverture sont quasi introuvables...