lundi 17 mars 2008

James Crumley - Road Trippin'

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Chauncey Wayne Sughrue n’a pas de bol. En plus d’être affublé d’un patronyme pour le moins ridicule il exerce la difficile profession de détective privé dans un patelin du fin fond du Montana. A part son copain avocat Solly il n’a pas grand monde à qui parler, quant aux affaires… on ne peut pas dire que ça se bouscule au portillon. Heureusement qu'il bosse toujours dans son club de strip favori pour meubler ses semaines. Enfin cela dit tout n'est pas perdu. Sughrue a tout de même un petit truc pour se remonter le moral : il est un héros récurrent (de Crumley en plus - veinard). Par conséquent il sait bien que s’il s’ennuie les trois quarts du temps, à partir du moment où son créateur va le faire apparaître il va avoir du pain sur la planche.

Et quel pain ! Et quelle planche ! Deux jumeaux géants et un peu arriérés viennent l’embaucher pour récupérer une prime pour le moins originale : des poissons tropicaux rarissimes, tombés aux mains d'une vieille connaissance de notre héros : Norman L’Anormal. Ni plus ni moins qu’un de ses anciens clients, connu pour toujours connaître d’étranges difficultés dès lors qu’il faut passer à la caisse. Une aubaine pour Sughrue, qui a déjà un vieux compte à régler avec lui. Ni une ni deux il s'arme jusqu'aux dents et file défier le sale bonhomme – accessoirement leader d’un gang de bikers mafieux.

Tel est le point de départ de ce roman noir truculent signé par l’un des (sinon le) grands maîtres du genre. Point de départ mais pas point de chute, le génie de Crumley consistant presque systématiquement à faire basculer ses romans vers tout autre chose arrivé au premier quart. Partant ainsi sur la base d’un polar burlesque, celui-ci se métamorphose en cours de route en réflexion tout à fait sérieuse sur la solitude, l’identité et la famille. Rien moins. Sérieuse ne voulant surtout pas dire (heureusement !) sinistre : on se bidonne du début à la fin de ce bouquin emmené par l’écriture nerveuse et résolument rock’n’roll d’un Crumley qu’on a certes connu plus corrosif - rarement aussi tendre.

L’émotion de retrouvailles attendues durant quinze ans avec le héros de son classique The Last Good Kiss ? Peut-être bien. L’essentiel demeure que ça marche remarquablement bien : on rit, on s’émeut, on tremble, on réfléchit… du grand Crumley ! Et si d’aventure vous vous demandiez ce que c’est que du Crumley (grand ou petit)… eh bien allez-y voir. Car s’il y a bien un auteur de polars à lire au moins une fois dans sa vie quoiqu’il advienne…


👍👍 The Mexican Tree Duck [Le Canard siffleur mexicain] 
James Crumley | Mysterious Press, 1993