vendredi 14 mars 2008

Charles Bukowski - Tambouille trash

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Après ma déconvenue avec Alison Lurie on comprendra que j’aie eu un besoin profond de me ressourcer. De retrouver foi en la littérature, sinon en l’humanité. Et dans ces cas-là une seule solution s’impose : relire un petit Bukowski. Le vieux pote que je vais voir de temps en temps pour avoir un conseil. Le tonton poivrot qu’on aime bien quand même.

Piochant dans ma pile de livres à relire j’en ai donc tiré Septuagenarian Stew et m’y suis plongé avec grand plaisir. Ce n’est pas celui que je connais le mieux – à vrai dire j’ai même une propension très prononcée à systématiquement oublier de quoi il parle. J’ai même fait encore plus fort cette fois-ci puisque c’est seulement au terme de la lecture que je me suis rappelé que j’en avais déjà fait une critique il y a quelques années (critique remontée pour l’occase, donc).

En fait, il s'agit d'une collection, comme disent les anglo-saxons, légèrement différente dans l'édition française (me souffle-t-on dans l'oreillette). Chez nous ça n’existe plus depuis quelques siècles (on appelait alors cela mélange de littératures). Une sorte de recueil un peu foutraque où l’on trouve de la poésie, des nouvelles, des chroniques... un assemblage de bric et de broc dont le concept laisse souvent pantois mais qui appliqué à un auteur aussi bordélique que Bukowski prend des airs d’œuvre-somme tout à fait intéressante et fidèle au personnage.

On y retrouve des poèmes apocalyptiques, assez proches de ce que Buk faisait à ses débuts bien qu'il s’agisse en fait de l’avant dernier livre publié de son vivant. Très sombres et laissant parfois perplexe (My Best Girl-friend), souvent très beaux, de cette beauté simple et sauvage caractérisant l’ensemble de l’œuvre. Pas forcément ce qu’il a fait de mieux dans le genre (War All The Time étant de toute façon insurpassable), mais qu’importe : un poème de Bukowski moyen demeurera toujours au-dessus de la mêlée de la poésie US post-beatniks.

Les nouvelles, en revanche, s’avèrent nettement plus relevées. Certaines sont même absolument savoureuses, à l'image de Son of Satan, où Bukowski et ses petits camarades de jeu, ados, torturent un rouquin mythomane avant de se dire qu’en fait… finalement c'est peut-être pas de sa faute s'il est rouquin - mais que bon c'est quand même grave de raconter qu'il a couché avant eux. Dans un registre plus proche du Buko polémiste on trouvera Story for Madmen, dans laquelle il assiste à l'avant première du film Contes de la folie ordinaire de Marco Ferreri, adapté de son œuvre… et se fait virer de la salle ivre mort sans que personne ne remarque que ce poivorot gâchant la projection est en fait le grand écrivain que tous s'apprêtent à applaudir au moment du générique. Pompon sur le chapeau de marin, Septuagenarian Stew propose sans doute le texte le plus drôle jamais écrit par l’auteur : Erased , dans lequel il se coltine un fan d'autant plus encombrant que ce dernier le prend pour Faulkner...

Un recueil typique donc, pas forcément le meilleur pour découvrir l’œuvre colossale de ce cher Buk, mais fortement recommandable !


👍 Septuagenarian Stew [Le Ragoût du septuagénaire] 
Charles Bukowski | Black Sparrow Press, 1990