mercredi 31 octobre 2007

Donna Tartt - Désagrégés de lettres

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Le canevas de base n’a en soi rien d’exceptionnel, terreau d’une centaine de teen-movies et de presque autant de romans néo-réalistes niaiseux : un jeune prolo avide de savoir réalise son rêve en accédant à la prestigieuse université de Hampden, dans le Vermont. Il va bien sûr y découvrir une réalité cruelle qu’il ne soupçonnait pas, du sexe, des drugs, du rock’n’roll, et surtout plein de fric. Rien de très surprenant jusqu’à l’introduction de pratiques à tendances sataniques qui commencent à sérieusement l’inquiéter. Et lorsqu’il comprend ce qui se trame sur le campus, il a déjà mis le doigt dans un engrenage impossible à stopper.

Parfois les blogs peuvent servir : si Donna Tartt faisait partie des auteurs que j’avais prévu de lire depuis déjà quelques temps, je ne me serais sans doute pas jeté aussi vite dessus si yueyin ne l’avait pas évoquée à propos des romans consacrés aux campus américains.

Un qualificatif aussi aguichant que réducteur tant le talent de cette auteure est multiple et les thématiques de The Secret History variées. Grand roman sur le système universitaire américain, soit, mais aussi thriller grandiose, satire mordante, étude de mœurs brillante… le tout mis en scène au gré d’une écriture magistrale, quelque part entre Ruth Rendell et Ian McEwan. Rien que ça ! Sept cents pages, zéro longueur, un suspens haletant mâtiné d’autant d’érudition que de sadisme, des personnages hauts en couleur… et au final un livre absolument incontournable témoignant d’une virtuosité comme on en voit peu en matière de premier roman. La valse aux comparatifs peut donc commencer, et certains n’ont pas manqué de s’y plonger, se basant sur l’amitié de Tartt avec Bret Easton Ellis pour comparer The Secret History aux Rules of Attraction - ce qui ne manquera pas d’interloquer le lecteur de passage !

Car si The Secret History rappelle réellement quelques choses, ce sont les plus grands Balzac, tant dans le souffle que dans l’acuité des portraits. Elle évoque aussi par bien des côtés une Firm révistée par Patricia Highsmith. Elle évoque beaucoup beaucoup de choses, que l’on pourrait énumérer pendant des heures, en se montrant réducteur à quasiment tous les coups.

Car dans le fond, ce roman demeure unique en son genre. De par sa précision, son machiavélisme, son humour noir et froid… il s’impose de lui-même comme un livre d’une richesse incroyable.

A ne pas manquer.


👑 The Secret History [Le Maître des illusions] 
Donna Tartt | Alfred A. Knopf, 1992