mardi 25 septembre 2007

I Am Charlotte Simmons - Teenage Lobotomy

...
Le système des campus américains, voilà une idée de roman qu’elle est bonne. Maintes fois épinglé par le cinéma avec plus ou moins de gravité selon les cas, élément incontournable de la culture de son pays, le campus restait pourtant mystérieusement fermé à la littérature. Les écrivains auraient-ils été frileux à l’idée de cracher dans la soupe ? On peut sérieusement se le demander, dans la mesure où même les plus grands contestataires n’ont jamais été jusqu’à s’attaquer à un système universitaire qui les a servis plus qu’à leur tour : l’enseignement supérieur de ce pays et sa vie littéraire ont développée des liens de consanguinité de plus en plus importants au fil du temps, et le lecteur européen ne peut contourner ce point crucial s’il souhaite réellement comprendre la littérature américaine contemporaine. C’est que dans ce bien curieux pays, on enseigne l’écriture à l’école. Pour le meilleur (souvent) comme pour le pire (parfois), rares sont les auteurs des générations actuelles à ne pas avoir été partiellement formatés par cet enseignement… sans parler de ceux qui une fois publiés sont passés de l’autre côté en enseignant à leur tour littérature et écriture à des étudiants que l’on imagine comblés d’avoir eu un Philip Roth ou un Russel Banks en guise de professeur. On comprendra que même les plus grands n’aient pas été spécialement pressés de taper sur l’administration estudiantine.

Ceci n’a qu’un lien lointain avec le livre qui nous intéresse et en même temps il est important de le souligner pour en comprendre la spécificité : voilà déjà quelques décennies que le campus américain attendait son grand roman à lui. Jusqu’à ce que Sa Majesté Tom Wolfe en personne décide de fourrer son nez là-dedans, avec tout l’humour et la mégalomanie qu’on lui connaît.

L’auteur du classique Bonfire of Vanities se propose donc d’écrire son Elephant à lui, essuyant quelques plâtres au passage… à ce jour je n’ai pas rencontré beaucoup de monde qui ait aimé I Am Charlotte Simmons. Et le moins qu’on puisse dire est que les critiques n’ont pas été tendre avec. Pourtant ce roman n’a rien de violemment déplaisant, quand bien même Wolfe s’avère à peine plus raffiné qu’un Michael Moore lorsqu’il décide de dégommer à tout va. Comprendre par-là que l’histoire de Charlotte, jeune ingénue plongée dans l’enfer du sex drugs & rock’n’roll post-ado, a tout d’une caricature… mais que venant d’un caricaturiste cela n’a rien de surprenant.

Wolfe, victime d’un retour de bâton subit ? Le succès et le temps aidant, c’est probable. Néanmoins I Am Charlotte Simmons est loin d’être parfait : Tom Wolfe est un écrivain de grand style, soit, mais on aurait tendance à oublier un peu vite qu’il n’a écrit en réalité que très peu de fictions (pour être plus précis : seulement trois – en comptant celle-ci). Créer des personnages, ça n’a jamais été son truc, et ceux qui nous intéressent aujourd’hui sont plus proche du stéréotype que du caractère (n’est pas Balzac qui veut). Tout cela manque manifestement de nuance – reste à savoir si la satire est un genre permettant de s’exercer à l’art de la demi-teinte. Rien n’est moins sûr, et en l’état I Am Charlotte Simmons remplit ses missions : fustiger la médiocrité humaine, tirer à boulets rouge sur l’intouchable et faire rire le lecteur. Il propose du reste une intéressante réflexion sur la cruauté – dans la mesure où c’est précisément notre cruauté à nous qui nous fait nous amuser de cette histoire. Est-il nécessaire d’en demander plus ? Non. D’ailleurs vu la taille de l’objet, on se serait peut-être même satisfait d’un peu moins.


👍 I Am Charlotte Simmons
Tom Wolfe | Straus and Giroux, 2006