lundi 17 septembre 2007

John Grisham - Mauvais procès

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John Grisham est un mega-seller. Autant dire : une sous-merde. Voire encore moins qu’une sous-merde, puisque c’est un mega-seller totalement passé de mode. Ce qui signifie qu'en France, pays des étiquettes et des compartiments, il paiera éternellement le prix de son succès, sera éternellement traité comme un sous-écrivain pratiquant la sous-littérature et puera des pieds jusqu’à la fin de ses jours. Dans le meilleur cas il sera l’objet de vannes faciles de la part de critiques avides de bons mots, se fera ficher de sa tronche par la moitié du public et enfin sera condamné à chaque roman publié à entendre : Bof, j’ai préféré le film.

Ceci posé on ne va quand même pas le plaindre : nous aimerions sans doute tous avoir ses revenus mensuels bruts. Il n’empêche : venant d’un pays qui porte aux nues l’archi-pathétique Maxime Chattam, ce procès a quand même de quoi faire rigoler. C’est sans doute cela qu’on appelle L’Exception Culturelle : le Français préfèrera toujours se repaître d’une merde bien de chez lui.

La popularité de Grisham est donc très relative par chez nous : il n’a jamais connu en France le succès qu’il a connu il y a une dizaine d'années dans tout le reste de la galaxie. Les irréductibles gaulois ont fait front, et d’ailleurs aujourd’hui l’auteur à succès n’est plus guère lu chez nous que par les abonnés au Club du Livre du Mois. Il paraît que ça ne l'empêche pas de payer ses impôts, seulement voilà : c’est injuste. Grisham fait partie de ces mega-sellers qui n’ont jamais mérité qu’on leur crache à la gueule. Certes il n’est pas un virtuose. Mais il est loin d’être mauvais, et dans The Firm comme dans la plupart de ses livres (Bleachers ou l’excellent The Rainmaker) il s’impose comme un noble artisan du thriller (option juridique - catégorie qu'il a inventée dans la tradition ancestrale du souvent imité mais jamais égalé). De ceux qui publient des livres classieux sans s’en rendre compte, qui vous tiennent en haleine sur cinq cents pages que vous voyez à peine défiler et dont vous pouvez être certains qu’ils ne vous vendront pas un produit frelaté. Qui plus est à l’inverse d’un Clancy ou d’une Cornwell, Grisham propose une littérature idéologiquement saine – ce qui n’est pas si courant avec ce genre d’auteur multiplatiné.


Pour ceux qui n’en auraient jamais entendu parler (est-ce possible ?), The Firm raconte l’histoire d’un jeune avocat aux dents longues qui s’engage dans un cabinet aux mœurs claniques bien étranges et dont les membres vivent bien au-dessus de leurs moyens. Soit, il n'est pas très méfiant, ce garçon. Mais il est jeune, et pauvre. Attiré par l’argent et la gloire qui lui sont promises notre ami oublie donc très rapidement doutes et scrupules… avant que, bien sûr, la machine se retourne contre lui…

Contrairement à ce que racontent ceux qui ne l’ont pas lu mais veulent à tout prix le faire croire le roman n’est pas moins bon que le film qui en a été tiré. Il s’agissait d’un long-métrage plutôt réussi, mais le lisse Tom Cruise était bien loin de restituer toute l’ambiguité du jeune avocat Mitch McDeere. Or ce personnage peu positif et assez antipathique est véritablement au cœur de l’intrigue, Faust diplômé de Harvard se retrouvant à pactiser avec ce qui se rapproche le plus du Diable dans notre société contemporaine. L’insistance de l’auteur sur les mauvais choix de son héros est telle qu’il est impossible de ne pas y voir une variation sur ce mythe. Un aspect fort troublant qui a été totalement gommé dans l’adaptation cinématographique, faisant d’un livre intelligent doublé d’une charge violente contre le capitalisme un thriller de base.

Bien sûr on reprochera toujours à John Grisham de ne pas être un grand écrivain. Ce n’est pas faux, mais pas totalement vrai non plus : Grisham n’est pas un grand styliste et développe à l’évidence une écriture assez plate. Cependant les capacités à construire un récit, à bâtir des personnages, à créer une tension dramatique et à tenir un suspens jusqu’au bout… sont des critères de qualité littéraire ni plus ni moins importants que le style à proprement dire. Et du reste Grisham écrit de toute façon bien mieux qu’un Dan Brown ou un Tom Clancy.

Il est donc temps de remiser les préjugés au placard et de découvrir un roman – et un auteur – qui valent largement le détour.


👍 The Firm 
John Grisham | Dell Yearling, 1991

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