vendredi 21 septembre 2007

Elvis Costello - Little Trigger

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C’est devenu une lapalissade que de dire qu’Elvis Costello a été affilié à tort au mouvement punk. Tout au long de sa carrière il a prouvé qu’il était bien plus qu’un punk : un musicien complet et génial, un caméléon à la Bowie capable de s’adapter à n’importe quel registre. Jazz ou rock, pop ou soul, classique ou reggae… Elvis Costello a touché à tout et a excellé dans quasiment chaque domaine abordé.

Il est donc devenu absolument évident que Costello s’est retrouvé classé punk un peu rapidement au début de sa carrière… comme d’ailleurs des tas d’autres : en réalité, quasiment tout ce qui est sorti en 77 et se jouait avec des guitares électriques a alors été étiqueté ou assimilié punk-rock, et le fait que la définition du mouvement soit plus esthétique que musicale n’a pas franchement aidé à faire le tri. La même chose n’a cessé de se reproduire par la suite pour des tas d’autres mouvements, figurez-vous qu’il existe encore aujourd’hui des gens qui considèrent que les Pixies font du grunge (ne riez pas, je vous assure que j’en connais) !

Pour autant, ces errances journalistiques ne justifient pas tout : concernant Costello il y a quelque chose d’absolument décalé dans cette classification. Réécouter son premier album (My Aim Is True) trente après a même quelque chose de boulifiant ™ tellement il ne sonne jamais punk. Comment un truc pareil a-t-il pu être classé dans le même bac que les Pistols, Clash et autres Buzzcocks ? Comment alors que franchement, ce n’est même pas du rock dur ou du pub rock ?... alors que c’est à peine agressif ?... On se le demande franchement, car le groupe le plus violent évoqué par Elvis Costello sur cet album sont les Kinks (sur le titre d’ouverture, « Welcome to the Working Week »).


Ce débat mis à part, Declan McManus (de son vrai nom) développe déjà dans cet album une palette musicale considérable. On peut même considérer que franchement, c’est un très grand album (même s’il pâtira forcément de la comparaison avec les trois suivants – et premiers Attractions : le pétaradant This Year’s Model, le teignissime Armed Forces et le rectifiant Get Happy!!). Les popsongs somptueuses y sont légion et relativement méconnues (« No Dancing », « Sneaky Feelings »), accompagnées de morceaux franchement plus roooooock’n’roll que punk (« Miracle Man », « Blame It on Cain »). Le groove y est assez terrifiant (mention forcément très spéciale à l’incontournable « Less than Zero ») et l’on y trouvera également en vrac : un clin d’œil goguenard à Presley (« Mystery Dance »), un délire autoparodique irrésistible (« I’m Not Angry », ce qui venant du plus grand pitbull de la britpop ne peut que faire marrer), un mega-classique dégingandé (« Watching the Detectives ») ainsi que ZE ballade – celle qui n’est ni guimauve ni putassière ni commerciale : « Alison » (qui n’a pas pris une ride trente ans après, et n’en prendra sans doute jamais aucune).

Bref un disque incontournable, que même une édition Deluxe-anniversary-collector-bonus ne saurait piétiner. On se passera des démos assez peu sexy de « No Action » et autres « Call on Me », mais en revanche pas question de zapper ni la douzaine de titres lives déjantés ni la remasterisation parfaite proposées par cette réédition.

Un vrai beau boulot, comme tout ceux de cette collection proposée par le label Hip-O (lequel semble avoir décidé depuis deux ans de nous venger de toutes les rééditions cd foireuses qu’on s’envoie depuis 1989).

A côté de cela la réédition de Rock and Roll Music fait forcément un peu poids plume. Ou comment une idée plutôt sympathique (Elvis Costello avait réalisé lui-même une compile de ses morceaux les plus rock’n’roll, albums époques et faces-B confondus) peut rapidement tomber à plat si elle n’est pas promue de manière sérieuse (il aura fallu attendre 2007 pour que les gens s’y intéressent, elle était totalement passée inaperçue en son temps et pour cause : Costello était en plein bombardement d’albums palpitants intéressant bien plus public et critiques).


C’est en toute objectivité un très bon disque, surtout la première moitié qui propose tout de même un enchaînement « Lipstick Vogue » - « No Action » - « Big Tears » - « (I Don’t Want to Go to) Chelsea » - « This Year’s Model » - « Miracle Man » - « Pump It up! »…assez stupéfiant ! Voilà qui rappellera vite fait (très bien) fait aux éternels détracteurs du teigneux de Liverpool quel artiste majeur il fut. Le problème est que la seconde moitié de la compile se révèle un cran en dessous, non pas tant parce que cette période de l’œuvre costellienne est moins bonne (elle englobe quand même les grandioses Blood & Chocolate et King of America) que parce que le choix des titres pour ladite période est moins relevé. A la décharge de notre petit génie, c’est une époque de sa carrière résolument moins rock’n’roll, mais l’excuse ne tiendra que pour les inconditionnels (à ce moment là il n’avait qu’à s’arrêter en 1981 et basta, parce que ressortir des choses comme « King Horse » n’était vraiment pas l’idée du siècle)…: de toute façon, un Costello ne présentant que sa face rock n’est pas un Costello d’Appellation d’Origine Contrôlée. Lorsque l’on soigne tellement l’éclectisme de ses albums studios, cela frôle même le contresens que de construire une telle compile.

Que personne n’en soit dégoûté pour autant : une fois de plus c’est un disque de bonne tenue. Il est juste un peu limité par son concept, mais le contenu est plutôt très bon. Maintenant en tenant compte du fait que les fans ne comptent pas (ce sont des gens qui sont capables d’acheter un disque dont ils connaissent tous les titres par cœur juste pour le principe, le genre de personne à qui on ne peut pas faire confiance), que penser d’un non-fan qui achèterait Rock and Roll Music au moment où ressort une version de My Aim Is True à décorner les bœufs ?...

… rien : après sondage, il a été statistiquement démontré que ce genre de personne n’existait pas chez les gens n’ayant aucun antécédent psychiatrique.


👍👍👍 My Aim Is True | Columbia, 1977
👍 Rock and Roll Music | Hip-O Records, 1986

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