mardi 10 avril 2007

Robert Plant - 80's Life

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Il est probable que beaucoup d’ex-leaders de groupes mythiques souhaiteraient avoir la carrière solo de Robert Plant tant elle paraît exemplaire en terme de sincérité et de crédibilité. Parce qu’il n’est pas le premier venu, parce qu’il a toujours su s’entourer et parce qu’il a toujours refusé de se compromettre, celui que certains ont longtemps considéré comme le fossoyeur de Led Zeppelin a réussi a gagner l’estime du monde entier, au point qu’aujourd’hui il est pour beaucoup une référence. Moi-même, qui ai longtemps laissé de côté ses travaux post-dirigeable, j’ai été littéralement soufflé lorsque j’ai assisté à sa prestation du Rock En Seine 2005 – Sa Majesté passait après Franz Ferdinand et franchement à côté c’est eux qui avaient l’air d’être des quinquas tant l’énergie du hurleur sexy est restée intacte au fil des décennies.
 
Bien sûr Plant n’a pas publié que de bons albums, et ses œuvres des années 80 sonnent terriblement… années 80, ce qui n’a rien d’illogique, et surtout rien de déshonorant. Car si on met ces travaux en perspective avec ceux d’un Bowie ou d’un Jagger à la même époque, pas de malentendu possible : Plant est sans aucun doute le seul dinosaure des années 60/70 à n’avoir jamais commis de grosse daube putassière pour aligner les livres sterling durant cette décennie honnie et emtiviesque en diable. Le revers de la médaille, c’est qu’il aura galéré comme aucun autre et aura dû attendre son fabuleux album de reprises Dreamland pour que les critiques consentent à reconnaître que oui, la carrière solo de Robert Plant tenait foutrement bien la route… Vous avez bien lu : Dreamland – soit donc en 2002.
 
Rapide retour en arrière :
 
1980 : John Bonham meurt, laissant les amateurs de rock éternellement orphelins.
 
1982 : La publication de Coda entérine la rupture de Led Zeppelin – dont personne ne doutait vraiment.
 
Même année : Robert Plant publie Pictures at Eleven, premier album solo qui en déroutera plus d’un, puisque reniant presqu’intégralement l’héritage zeppelinnien pour s’adonner à une pop léchée – et un peu cheap par moment aussi.
 
Il faudra attendre 1988 et Now & Zen (quatrième opus) pour que Robert Plant trouve vraiment sa voie, entre rock’n’roll et expérimentations pré-world de qualité (à savoir que ça ne sonne jamais comme de la musique de supermarché, ce qui est le minimum quand on a enregistré « Kashmir », me direz-vous). Salué par la presse de l’époque comme « La réconciliation de Robert Plant avec son passé », Now & Zen n’a pourtant pas grand chose à voir avec Led Zeppelin. On se demande comment des journalistes censés être sérieux et cultivés ont pu écrire un truc pareil à l’époque, le pire étant sans doute que ces types sont manifestement toujours aux affaires (ce sont peu ou prou les mêmes qui accolent systématiquement l’adjectif « intemporel » à chaque borborygme de Dylan). Non, vraiment, en toute objectivité Now & Zen ne sonne pas plus Led Zep que son sympathique prédécesseur Shaken’n’Stirred. En revanche, et c’est là qu’on se rend compte que finalement critique musical est un job fastoche et trop bien payé, Jimmy Page joue (discrètement) trois notes sur « Tall Cool IOne »… vous voyez le raccourci, je suppose. C’est d’autant plus stupide que :
 
-          c’est surtout le batteur (dont j’ignore le nom) qui impressionne sur ce titre
 
-          c’est un des moins bons de l’album
 
Car l’intérêt, le charme de Now & Zen est ailleurs – précisément dans les titres les moins rock. Dans ceux où Robert Plant va voir du côté des autres genres, fidèle à sa réputation (peu de légendes du rock ont joué si peu de rock dans leur vie). Dans « White, Clean & Neat », par exemple, rencontre improbable (et particulièrement réussie) entre le hard-blues et Depeche Mode. Dans l’entêtant « Dance on My Own », dans le très 50’s « Billy’s Revenge » (qui serait un chef-d’œuvre avec un son moins typé 80’s, mais est déjà excellent en l’état) ou encore dans « Helen of Troy », scie funk-rock explosant à l’aise l’intégralité du Bowie de l’époque.
 
Tout n’est évidemment pas bon, dans ce disque. Sans doute se serait-on passé de l’approximatif « The Way I Feel » voire même du susnommé « Tall Cool One » (sympa mais poussif). Peut-être aussi la ballade tubesque « Ship of Fools » était-elle en trop (quoiqu’en ce qui me concerne je la trouve plutôt agréable)… Il n’empêche : avec cet album, Robert Plant va joliment se remettre en scelle et focalisera à nouveau les attentions du public et des médias. Au point de pouvoir frapper un sacré grand coup dès l’album suivant, le redoutable Manic Nirvana , destiné à être son meilleur opus solo.


👍 Now & Zen 
Robert Plant | Es Peranza/Atlantic Recors, 1988