vendredi 2 février 2007

Siouxsie & The Banshees - Are You Still Dying, Darling?

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D’une certaine manière c’est rassurant : l’évènement post-punk du moment n’est pas le dernier Razorlight. Ce serait plutôt cette sortie copieuse du groupe qui a inventé cette vague musicale, l’a faite prospérer puis l’a enterrée.

En fait de réédition, ce n’en est d’ailleurs pas vraiment une : les Peel Sessions initialement parues en 1990 et rééditées ou moins cinq fois depuis n’étaient qu’un EP d’une poignée de titres tous enregistrés en novembre 1977… autant vous dire que ce n’était franchement pas très bandant. Tous ceux qui y étaient sont d’accords là-dessus : les Banshees originaux, ceux du London Punk, étaient probablement le groupe le plus nul du mouvement. Rien à voir avec les grandes choses accomplies par la suite, l’invention de la new-wave, les mélopées gothiques, les errances psychédéliques ou l’émergence de l’electro.

Or aujourd’hui, les Peel Sessions sont passées du simple au triple, comptant dix-neuf titres étalés de 1977 à 1986 (soit donc pile au moment où le groupe a cessé d’être passionnant). Les amateurs s’en lècheront d’autant plus les babines qu’à ce jour le best of et les deux greatest hits disponibles sur le marché sont bien loin de prétendre à l’exhaustivité, faisant la part belle aux tubes… sauf que les tubes de Siouxsie & The Banshes, ce sont les titres principalement enregistrés après 1986 ! Plus pop, plus catchy. Franchement moins inventifs, surtout.

Particularité de ce groupe mythique officiellement dissout en 1996 (et brièvement reformé en 2002 pour une tournée à guichets fermés et un live – The Seven Year Itch – indispensable), l’instabilité permanente du personnel en aura défini les évolutions, ce qui est pour le moins surprenant. Les Banshees sont le seul groupe de toute l’histoire du rock dont les principaux compositeurs n’ont pas été les membres fondateurs… présents depuis le début, Siouxsie Sioux (chant) et Steve Severin (basse) cédèrent vingt années durant aux coups de barres des différents guitaristes et producteurs, parfois avec un franc succès et parfois pour un résultat catastrophique (il n’est pas idiot de considérer que la nullité de Jon Klein, le dernier maestro en date, soit directement liée au déclin du collectif). Cet espèce de best of déguisé permet donc de survoler d’une manière originale une large part d’une carrière qui, plus que n’importe quelle autre alors, symbolisa son époque.

Particulièrement peu inspirés, les Banshees de 1977 n’annonçaient franchement pas la couleur. Ici se situe le principal défaut de la compile : cette période, la seule qui soit réellement méconnue, est surreprésentée par rapport aux autres… tout en étant sans doute aucun la moins intéressante. Ces enregistrements carrément punks (les seuls, puisque dès le premier album – The Scream – en 1978 ce sera autre chose) montre un groupe un peu pataud, doté d’un second couteau à la gratte (Marco Pirroni, parti peu après rejoindre les loosers d'Adam & The Ants) et d’un Sid Vicious qui s’appelait encore Simon Ritchie à la batterie (si vous vous demandiez ce qu'il y a de plus moche qu'une partie de basse de Sid Vicious, voici désormais la réponse : une partie de batterie de Sid Vicious !). Les chansons ne sont pas mauvaises, la plupart ayant d’ailleurs été repêchées pour le premier opus studio, mais elles sont radicalement différentes, bourrinant à tout va. Le tout sonne comme un succédané des Pistols, Pirroni s’appliquant à décalquer pataudement le célèbre « mur de guitares » de Steve Jones. Entendre « Metal Postcard » passée au mixer ou la divine « Love in a Void » ainsi charcutée fait franchement mal au cœur, quand bien même ces enregistrements revêtent un aspect « historique » très fort. La traditionnelle « Helter Skelter » est bien plus convaincante (comme souvent les reprises chez leurs groupes n’ayant que quelques mois d’existence), cependant la version offerte ici n’arrive pas aux ongles des petits orteils de celle du live Nocturne (1983). A la limite on aurait préféré entendre « Lord’s Prayer », titre d’une rare sauvagerie qui mobilisait à l’époque les vingt dernières minutes de chaque concert.

Bien plus intéressante est la période suivante, qui coïncide avec la publication du premier album. Entre 1978 et 1979, les Banshees vont s’appliquer à tuer le père – soit donc le punk. Intégrant l’éphémère batteur Kenny Morris et surtout l’excellent guitariste John McKay, ils vont donner un coup de fouet à leur carrière… et enregistrer une Peel Session totalement démente en avril 79. Apocalyptique, cette prestation copieuse se révèle sans aucun doute la meilleure de celles regroupées ici, ce qui ne manquera pas de surprendre : le groupe fait alors la promotion de Join Hands, sans doute le moins bon album de cette période 1977 – 86. Mais peut-être est-ce justement parce qu’entre temps les Banshees sont devenus un véritable groupe ?... En tout cas les interprétations titanesques de « Carcass » ou « Placebo Effect » justifient à elles seules l’achat de Voices on the Air, tout comme celle de « Poppy Day », la plus fulgurante publiée à ce jour.

Ainsi partie du punk-rock, cette bande de corbeaux explora tous les genres avec une réussite et un succès quasiment jamais démentis. Mais si la carrière de Siouxsie & The Banshees n’a fait que devenir de plus en plus palpitante par la suite, l’état de grâce de cette réédition s’arrête hélas ici. Résumées à seulement sept titres, les trois prestations suivantes ignorent deux albums dont un majeur (A Kiss in the Dreamhouse), négligent la meilleure période de la bande (1980 – 82) et offre un titre des Creatures dont on se demande ce qu’il vient foutre ici. De là à dire que l’époque la plus créative du groupe a débouché sur les concerts les moins intéressants, il y a une marge qu’il vaudrait mieux ne pas franchir. Cependant comment ne pas éprouver une petite déconvenue en entendant l’incontournable « Voodoo Dolly » expédié avec si peu de conviction ? La vérité, c’est que l’état d’esprit du groupe a alors changé : les Peel Sessions, autrefois la meilleure manière possible de se faire connaître, n’étaient plus devenues pour les Banshees qu’un outil promotionnel comme un autre. D’où une prédominance pour les singles (« Halloween », « Candyman », « Cannons ») et l’absence des pièces montées psycho-rock faisant la marque de fabrique du groupe pendant les ères McGeogh / Carruthers… à l’exception notable du lancinant « Lands End », qui caresse, monte en puissance et meurt sur un délicieux larsen. C’est malheureusement le dernier titre, et pour l’atteindre il aura fallu en supporter pas moins de six dont on se serait franchement passé.

Que retenir au final ? Depuis la reformation avortée, Siouxsie et Budgie, détenteurs du nom et du catalogue du groupe, vident leur grenier. A tout prendre cette compile rééditée dans une version semi intégrale (le groupe a fait des apparitions chez John Peel pour chacun de ses dix albums) n’est pas ce qu’ils ont exhumé de plus mauvais (écoutez l’album de remixes si vous ne me croyez pas), ni de meilleur (ce serait plutôt le coffret Downside up). L’écoute n’a rien de désagréable, mais on peut difficilement s’empêcher de se demander si l’achat se justifie : sur dix neuf titres, seule la poignée enregistrée en 1979 captive vraiment. Le reste relève plus du remplissage approximatif inhérent à ce genre de réédition bancale. C’est un peu dommage : il y avait matière à proposer plus qu’un bon disque à usage des fans – un objet indispensable pour les amateurs.

En l’état, je le conseille. Maintenant on peut tout à fait vivre sans – y compris si on aime les Banshees.


👍 Voices on the Air 
Siouxsie & The Banshees | Universal, 2007

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