lundi 19 février 2007

Quoi ? Vous n'avez pas encore lu ?...

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Il y a des histoires à glacer le sang.

Il y a des écritures à glacer le sang.

Lorsque dès les premières phrases vous trouvez les deux, il y a de fortes chances que vous soyez en présence d’un excellent livre.

Simon fuit. Dans une Porsche qui n’est pas la sienne. Sur la banquette arrière, le corps de son enfant. On ne sait pas où il va, ni pourquoi il y va. En fait on ne sait pas grand-chose, mais on l’accompagne tout de même, fasciné par cet étrange engrenage qui se reconstitue au fil des pages. Le ton est blanc, clair, neutre. Les chapitres sont courts, les phrases aussi… quelques lignes suffisent à donner au lecteur la sensation que le temps s’effrite en même temps que tout l'être de Simon…

Ainsi le récit s’enfuie-t-il vers le passé, revient au présent, retrouve le passé… la majeure partie étant conjuguée au présent sur un mode de vouvoiement haranguant tout autant le personnage que le lecteur/spectateur, on finit par se laisser envahir par la confusion (et donc par l’angoisse) : on ne perd jamais le fil, mais on n’a jamais pied. Sous son apparente simplicité ce roman est complexe, touffu, sinueux… et par le fait profondément troublant. Parce qu’au final plus le lecteur sait, moins il comprend. Plus le narrateur lui raconte, plus le brouillard s’intensifie. C’est une sensation pour le moins étrange, que je ne me souviens pas avoir jamais ressentie à la lecture d’un roman : celle d’être livré à moi-même. De devoir seul me dépatouiller du sens de tout ça. Trouver les explications et les clés, les circonstances atténuantes s'il y en a. Alors que tout est là – du moins semble-t-il. Oui, ce livre met mal à l’aise, comment pourrait-il en être autrement ? Parce que Nicolas Cauchy a une écriture sèche, brutale et sans concession. Un autre auteur aurait sans doute inconsciemment usé d’effets de style pour arrondir une histoire profondément sordide… rien de cela ici : chaque phrase vous enfonce un clou supplémentaire dans le cœur. Implacable – ce mot placé sur le quatrième de couverture est en effet celui qui convient. La Véritable histoire de mon père, derrière son titre presque jovial, s’avère une implacable (imparable !) machine à angoisser. Un récit court et millimétré dégageant une impression de maîtrise absolue. Dont vous ne ressortirez définitivement pas indemnes, même si vous le détestez…

Au final, je me suis dit qu’il y avait là une certaine injustice : inutile de préciser que comme 99,9 % des bloggers l’ayant évoqué j’ai lu ce livre suite aux sollicitations de son auteur. Je ne l’aurais sans doute pas dit si j’avais été le seul ou bien le premier, mais tant de blogs « amis » l’ont traité avant moi que ce serait un peu idiot de le passer sous silence. J’ai été séduit et amusé par l’expérience proposée par Nicolas Cauchy. Ce qu’il ne semble pas savoir, cependant, c’est que son roman n’avait pas besoin de ça pour être déjà, en lui-même, une Expérience.


👍👍 La Véritable histoire de mon père 
Nicolas Cauchy | Robert Laffont, 2006