dimanche 25 février 2007

DAVID BOWIE (part 1)

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Dandy trash, Caméléon nihiliste, Artiste Total... quarante ans en juin que la presse se creuse la tête pour trouver un qualificatif approprié à l'art (aux arts) de David Bowie. Il est probable que tous ceux-là soient vrais. Il est certain qu'il en manque beaucoup d'autres, auxquels les journaleux de tout crin auront l'occasion de penser cette année (puisqu'il semble acquis qu'un vingt troisième-album verra le jour dans le courant 2007). D'ici là, quelle meilleure occasion pour inaugurer cette nouvelle rubrique ? Bowie, c'est bien simple, a quasiment tout inventé. Et les rares fois où il ne le fit pas ce fut pour emprunter avec génie. Passé maître dans l'art du contre-pied, il fait tout simplement partie du club très fermé des artistes auxquels tous les musiciens de toutes les époques doivent quelque chose.


A part les Beatles et les Stones, personne ne peut en dire autant.


I. ALBUMS STUDIO

1. THURSDAY's CHILD : 1962 / 70

Si les enfants précoces ne sont pas toujours des génies, force est d'admettre qu'il arrive que ce soit le cas. Improbable livre des records, la jeunesse du petit David Jones impressionne : Baby Bowie lit tout Kerouac à dix ans, joue remarquablement du saxophone et du piano à onze, fréquente les milieux jazz londonien à treize... A quinze ans, premier concert : The Kon-Roads, groupe de jazz-rock peigné et looké, ont laissé un fort souvenir à ceux qui les ont vus à l'époque. Rebaptisés The King Bees, ils écument les bars londoniens à la recherche d'un contrat qui ne viendra jamais. En 1964, David les plaque pour rejoindre un groupe mod de plus en plus en vogue : The Manish Boys. Ce sera sa plus longue expérience collective, son tempérament n'étant semble-t-il pas vraiment compatible avec le concept de groupe - ce qui ne surprendra personne. Il s'acharnera quand même, intégrant pas moins de huit formations entre 1962 et 67... avant de finalement tenter sa chance en solo après avoir été repéré par Deram lors d'une tournée des Boys en première partie de (accrochez-vous bien) Gene Pitney, The Kinks & Marianne Faithfull ! Cette fois, sa carrière commence pour de bon : changement de patronyme et adoption de Bowie en 1965, premier 45 tours (« Do Anything You say ») l'année suivante... l'histoire est en marche !


David Bowie (1967)

L'album de la discorde, au point que son auteur le raya rapidement de sa discographie. Non pas que David Bowie soit un mauvais disque, mais il est certain qu'absolument rien ne laisse deviner ce qui va suivre ! C'est le disque d'un Bowie sous influence, obsédé par Anthony Newley et par les Kinks. Certaines chansons telle « Did You Really Have a Dream  » ont un réel potentiel commercial... sauf qu'on est en 1967 ! L'heure est au psychédélisme et au LSD, et les délires mods du jeune Bowie (il a à peine vingt ans), qu'ils soient musicaux ou visuels, semblent déjà passablement ringardos. On oublie d'ailleurs assez vite à l'écouter qu'il s'agit d'un disque sorti la même année que Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band tant le son paraît vieillot. Le recul aide cependant à apprécier David Bowie (intitulé David Bowie'67 sur les rééditions américaines) de manière plus juste : il s'agit réellement d'un bon album, simplement totalement décalé par rapport à son époque aussi bien que par rapport à la suite de la discographie. Si seul l'onirisme de « There Is a Happy Land » annonce les merveilles à venir (en tendant l'oreille, soit), de nombreux titres retiennent l'attention. Peut-être le seul disque vraiment pop de Bowie ? En tout cas le seul où il ne fasse pas preuve d'originalité.


👍👍👍 Man of Words / Man of Music (1969)

Plus connu sous le titre Space Oddity, et c'est déjà une autre paire de manches. Saqué par Deram, Bowie a échoué sur RCA pour publier deux ans plus tard (ce qui est très long pour l'époque) ce qu'il considère comme son premier véritable album... on ne peut que lui donner raison : contrairement au précédent, celui-ci est doté d'une ligne directrice, d'une production léchée (la rencontre avec Tony Visconti fera date) et d'une réelle couleur - en l'occurrence plutôt folk-pop. S'il est amusant de se dire que son manager de l'époque voulait faire de lui le nouveau Donovan, difficile de ne pas succomber à la grâce de « Letter to Hermione » (la seule véritable chanson d'amour qu'il ait écrite, mais quelle chanson !), à la légèreté touchante de « God Knows I'm Good »... et bien sûr au morceau d'ouverture, « Space Oddity » premier classique et premier tube (qui pour l'anecdote ne sortit en single que quatre ans plus tard car le manager susmentionné craignait de changer son poulin en one hit wonder). Ailleurs, avec « Memory of a Free Festival » et « Cygnet Comitee », Bowie signe ses deux premières pièce-montées spatiales dont on ne doute pas qu'elles aient inspiré plus d'un Radiohead. Objectivement et en dépit de critiques qui tendent à le dévaluer, cet album est parfait. Mention spéciale à la réédition de 99, qui vous donnera l'impression d'écouter un album sorti la semaine dernière.


👍👍👍 The Man Who Sold the World (1970)

... n'est pas que l'album renfermant une certaine chanson popularisée par un certain leader d'un certain groupe grunge. Bien avant cela, c'est une oeuvre singulière où Bowie casse une image jusqu'alors un peu lisse (il pose en travelo sur la pochette) et affirme son indépendance artistique. Pour ce faire il a recruté Mick Ronson, auquel il faudra probablement consacrer une chronique entière un jour. Guitariste dément, arrangeur inspiré, le jeune homme va propulser la musique de Bowie dans des sphères qu'elle n'aurait sans doute jamais atteintes sans lui. S'ouvrant sur l'escalade métallique de « The Width of a Circle », ce troisième album lorgne régulièrement vers un rock obèse comme un Sabbath (« Saviour Machine », « The Supermen » et surtout « All the Mad Men » à la cavalcade maidenienne avant l'heure !!!) rattrapé par la mode psyché à une époque où elle n'intéresse déjà plus grand monde (« Running Gun Blues »). Bien qu'ayant un peu trop tendance à s'étirer au-delà des cinq minutes réglementaires, David Bowie parvient à signer son premier album totalement cohérent du début à la fin. Si Man of Words / Man of Music sonnait parfois comme une compile de chansons géniales, The Man Who Sold the World sonne comme un authentique album/somme.


2. GOLDEN YEARS : 1971 / 74
Ça commence plutôt bien, mais la carrière de Bowie est encore loin d'être lancée. Tout vient cependant à point à qui sait attendre : début 71, Bowie signe un contrat mirobolant, rencontre Angie et embauche Tony Defries en guise de manager. Ce triste sire lui volera ses maigres bénéfices (car Bowie a un nom mais ne vend pas) et lui confisquera son catalogue pendant deux décennies, soit. Il sera aussi l'artisan d'une carrière médiatique à nulle autre pareille : désormais, même absent de l'actualité, Bowie sera toujours là. L'idée de Defries est de lui faire exploser le concept de musicien pour le métamorphoser en icône culturelle... pas une mince à faire. Pour quelqu'un de normal, en tout cas, car la créativité de Bowie dépassera toutes les espérances de son manager aux dents longues... une nouvelle ère commence, celle des tubes, du succès à grande échelle, des paillettes et du glam...


👑 Hunky Dory (1971)

Quatrième album, quatrième métamorphose. Ça tombe bien : les mutations et autres personnalités multiples sont au centre du concept de cet album tout simplement charmant où Bowie s'essaie tour à tour à la pop 60's et au crooning... rétro, Hunky Dory ?! Certainement ! Définir cet album lumineux mais sinueux,n'est pas une mince à faire. Allons donc au plus simple : prenez un carré d'as « Changes » / « Oh ! You Pretty Thing » / « Life on Mars ? » / « Quicksand ». Ajoutez son triptyque d'hommages à Warhol (« Andy Warhol »), Dylan (« Song for Dylan ») ainsi qu'au Velvet (« Queen Bitch »). Ajoutez à cela un esthétisme dandy du meilleur aloi, la réinvention d'un courant musical en passe d'exploser (le glam-rock) et le morceau le plus mystérieusement fascinant de tout le répertoire (« The Bewlay Brothers »). Secouez bien : vous aurez dans votre shaker l'album préféré de 90 % des fans. A noter que c'est sans aucun doute le disque le plus direct, mélodique, accessible... du Duke - idéal pour ceux qui d'aventure seraient réfractaires aux décibels.



👑 The Rise & Fall of Ziggy Stardust & the Spiders From Mars (1972)

Ironie du sort, le concept album le plus populaire des années 70 aura aussi été le plus con de tous les temps. Avec son histoire de rocker martien romantique, Ziggy Stardust fait franchement pitié... Bowie, parolier surdoué, aura réussi à coucher sur le même disque ses dix textes les plus nuls - il fallait le faire. Qu'importe, l'essentiel est ailleurs : dans les soli de Mick Ronson, dans les embardées des Spiders From Mars, dans le son cotonneux et indémodable concocté par Ken Scott... Aussi puissant et abrasif que Hunky Dory était mélancolique et feutré, Ziggy Stardust reste aujourd'hui encore l'un des plus grands albums de toute l'histoire du rock'n'roll - peut-être même le seul album foncièrement rock de son auteur. En créant son personnage, en se cachant derrière, Bowie a bâti son mythe. A tel point que lorsqu'il annonça que Ziggy ne donnerait plus de concerts, les fans crurent que David prenait sa retraite. S'il n'est certes pas le premier à avoir eu cette idée d'incarner un personnage, mais il est en revanche le seul, d'Alice Cooper à Marilyn Manson, à avoir jamais su s'en défaire.




👑 Aladdin Sane (1973)

Troisième (avec l'album de reprises Pin ups) et dernière saillie des Spiders From Mars, Aladdin Sane peut être vu comme un Ziggy Stardust plus sombre et plus tordu. L'entrée en lice du pianiste scientologue Mike Garson (seul musicien à n'avoir jamais cessé d'accompagner Bowie depuis) n'y est pas pour rien : son jeu torturé porte à merveille l'abum, plus spécialement le titre éponyme, qui oscille entre jazz sombre et quasi funk. L'ensemble suit cette voie, soutenu par la fameuse ambiance cabaret dont Bowie deviendra le premier dépositaire (« Time »). Ailleurs une écoute attentive permettra de noter l'impact de cet album précis sur les groupes du revival glam 80's (notamment les Guns'N'Roses). Les meilleurs moments de ce troisième chef-d'œuvre consécutif demeurent néanmoins les chansons les plus viscérales : « Watch that Man », « Cracked Actors » et bien sûr le tube de service, « The Jean Genie ». Et puis il y aussi la rétro-rock « The Prettiest Star », la quasi punk « Panic in Detroit », la noire et lancinante « Lady Grinning Soul »... un des meilleurs Bowie, moins couru que les deux précédents mais tout aussi indispensable.



👍👍 Diamond Dogs (1974)

Il faut parfois savoir casser les mythes : si Diamond Dogs est devenu un classique, c'est avant tout grâce à sa pochette scandaleuse (on y voyait à l'origine les roubignoles du Bowie - Chien) et au plus grand tube de la première décennie bowienne : « Rebel Rebel ». Pour le reste, Diamond Dogs est un excellent disque de rock'n'roll, mais c'est un Bowie mineur. C'est en fait le premier (le seul ?) où l'artiste n'évolue pas vraiment, reprenant des formules glam-rock avec lesquelles il a déjà fait ses preuves. Mais à l'époque, Bowie est en pleine crise identitaire : il vient de liquider son groupe, se fait prédire une ringardisation précoce (il n'a alors que vingt-sept ans) par une presse pas vraiment remise de la « mort » de Ziggy Stardust... Diamond Dogs, à sa manière, est son oeuvre la plus personnelle : hormis la batterie, il a enregistré tous les instruments, composé, produit... vu sous cet angle, le résultat tient plus que bien la route ! Les chansons sont simples et efficaces, les mélodies limpides... Sûrement pas le Bowie idéal pour commencer, certes, mais il a fait pire. A noter pour les amateurs que le fameux « plan piqué par Air » se trouve sur ce disque...



3. CHANGES : 1975 / 80
Pour Bowie, les années 70 se terminent aussi mal qu'elles ont bien commencé. Dépressif, cocaïné jusqu'aux ongles des orteils, le héraut du rock anglais trahi la Nation en s'exilant aux USA pour fuir la pression médiatique - le Royaume-Uni mettra dix ans à le lui pardonner. Là-bas il décide subitement d'abandonner le rock, de défricher de nouveaux terrains soniques... tout en n'améliorant pas, mais alors pas du tout sa consommation de drogue. Paradoxalement, ce sera sa période la plus folle, la plus créative, la plus puissante. Jusqu'à présent il avait publié des chefs-d'œuvre en terme de qualité, mais Hunky Dory ou Ziggy Stardust, aussi fabuleux qu'ils aient été, reposaient sur du pillage ou du recyclage. Cette fois-ci les choses vont être différentes. Radicalement. C'est là, entre 1975 et 1980, que David Bowie va réellement révolutionner la musique.


👍👍👍 Young Americans (1975)

A cette époque, la fameuse white - soul n'existe pas encore. Bowie va y remédier d'une belle manière, avec cet album illuminé par la présence d'un ami de prestige : John Lennon himself. Ensemble, les deux icônes reprennent « Across the Universe » et publient « Fame » - encore un tube. C'est néanmoins seul que Bowie couchera sur disque la merveille funk « Young Americans » ou l'inoxydable « Win ». Seul avec tout de même l'aide du second guitariste de génie à croiser sa route, Mister Carlos Alomar, dont le jeu tout en aigus et en groove sied parfaitement à cet album punchy et quasiment spontané. Un des meilleurs ? Très certainement ! On en reparle la semaine prochaine dans la rubrique « Rééditions »...



👑 Station to Station (1976)

Call him The Thin White Duke. Sur son album le plus noir, voire même carrément glauque, Bowie chronique son addiction sans avoir l'air d'y toucher. L'ensemble, au carrefour des relents funk de l'album précédent et des prémices d'une new-wave qui n'existera officiellement que quatre ans plus tard, pourrait bien être son œuvre la plus profonde et la plus passionnante. Il n'est d'ailleurs pas idiot de considérer qu'il s'agit du premier album mature d'un David Bowie qui pour la première fois tombe le masque. On y retrouve même une touche très personnelle dans cette manière d'agencer les rythmiques qui deviendra la marque de fabrique du Bowie d'après 76. Difficile de dégager une chanson du lot tant l'album semble un objet compact et indivisible. Bien sûr, « Stay » et ses scies guitaristiques à la King Crimson (signées par la paire Carlos Alomar / Earl Slick) demeure un titre essentiel, cela dit son impact paraît moindre lorsqu'on ne l'entend pas pris en sandwich par « TVC 15 » et « Wild Is the Wind »... Non décidément, impossible de donner un titre en particulier. Station to Station, c'est un tout. Une symphonie funk-metal ne pouvant provoquer que deux réactions : la fascinantion ou le rejet total.




👑 Low (1977)

En écoutant la réédition 1999 de Low, le doute n'est plus permis : c'est bien dans ce disque que Radiohead a puisé l'essentiel de ses influences pour Kid A. Ceci devrait suffire à convaincre certains d'entre vous de l'acheter. Aux autres nous dirons que c'est tout simplement ici que commença la musique électronique. Soit : avant Low il y eut les disques de Kraftwerk, tous très intéressants... mais pour tout dire pas très jolis. Alors que Low... Low écrase tout simplement toute la concurrence. Un monceau d'instrumentaux poisseux à vous coller au plafond, soutenu par une poignée de chansons annonçant l'electro-pop des New Order et consorts. Divisé en deux faces (la première plutôt mélodique et la seconde totalement ambient - le genre de luxe qu'on ne peut plus vraiment se permettre depuis la disparition du vinyle), le premier volet de la Trilogie Berlinoise ne ressemble tout simplement à rien de connu. Tout à la fois lumineux (Bowie sort enfin de sa période sombre, ça se sent) et absolument fulgurant, il garde le côté soul des deux derniers opus tout en l'abreuvant d'un genre nouveau que l'on n'appellera que beaucoup plus tard : techno. Mais plus que n'importe quelle chronique, ce sont sans doute les mots célèbres de Brian Eno (co-producteur avec Tony Visconti) qui qualifient le mieux cet album : « David a mis tellement d'idées dans Low qu'un artiste normal pourrait bâtir une carrière dessus. »



👑 « Heroes » (1977)

Enregistré au même endroit (Berlin) au même moment, « Heroes » (avec guillemets) ne pouvait être que la suite logique de Low. Une suite en plus expérimental encore - ce qui pourrait sembler difficilement croyable ! Comme Low, « Heroes » est divisé en deux parties, à ceci près que la partie mélodique s'avère cette fois nettement pop (avec notamment « Beauty and the Beast » et « Joe, the Lion ») et la partie instrumentale franchement plus planante. On pourrait même considérer sans trop se tromper qu'il s'agit d'un disque new-wave, voire plus précisément d'un disque pré-Cure : les chansons pop annoncent le Cure des singles, les chansons planantes évoquent le psychédélisme gothique du Cure des albums. On peut difficilement faire plus visionnaire. Évidemment on ne peut conclure un article sur « Heroes » sans évoquer le titre éponyme, sans aucun doute le plus grand standard de Bowie. Un morceau qui détonne violemment par rapport au reste, cela dit en passant, et qui de plus laisse perplexe : comment expliquer que le titre le plus connu de Bowie soit sur un de ses albums les plus méconnus ?




👍👍👍 Lodger (1979)

Trilogie Berlinoise, suite et fin. Lodger est probablement le moins abouti du lot, pourtant c'est sûrement le plus fouillé. Cette fois-ci Bowie, Eno et Visconti s'intéressent aux musiques du mondes... : l'Afrique (« African Night Flight », étranges percus), l'Orient (« Yassassins »), l'Asie (« Fantastic Voyage »)... ils s'en approchent sans pour autant sombrer dans le pillage ou le ridicule. Autant vous dire que Lodger est le genre de disque qui va vous réconcilier avec la world music et vous permettre de pardonner à Peter Gabriel, Youssou NDour and co. La world de supermarché aurait théoriquement dû s'arrêter là. Pas de chance, ce sera l'inverse : elle explosera à échelle planétaire, incitant Bowie à aller voir ailleurs si les Talkings Heads n'y sont pas. Dommage : beaucoup auraient aimé le voir poursuivre dans cette voie.


👑 Scary Monsters... and Super Creeps (1980)

En 2003, Bowie déclarait au cours d'une interview : « Je parie que c'est mon meilleur album depuis Scary Monsters... ? ». Il avait déjà fait la même pour l'album d'avant, et pour cause : symboliquement, Scary Monsters...est effectivement resté dans l'esprit des fans sinon comme le dernier chef-d'oeuvre du moins comme le dernier classique. Le dernier coup de griffe avant une très longue éclipse. Celui qui contient peut-être avec le titre éponyme son morceau le plus puissant (quoiqu'il vaille mieux le voir sur scène pour s'en rendre compte). Dans une ambiance new-wave, Bowie balance une dernière fois avant des lustres ces titres provocants dont il a le secret, les « Ashes to Ashes », « It's No Game », « Fashion »... c'est en fait (DEJA !) une oeuvre-somme, où l'artiste reprend tout ce qui a fait son succès, du rock dur à l'electro en passant par la soul-funk dansante. Fort, très fort, même si on finit par se demander si le symbole n'a pas étouffé un peu le contenu. Peu importe : avec Hunky Dory et Ziggy Stardust, Scary Monsters... est le troisième disque de Bowie qu'il faut posséder absolument.



4. BRING ME THE DISCO KING : 1981 / 88
« Dans les années 80, j'ai été absent de mes disques. » dira souvent Bowie. On confirme : après Scary Monsters..., Bowie le péroxydé va sombrer lentement mais sûrement. Jamais complètement, car un album de Bowie ne peut être totalement foiré, m'enfin bon... rien de très extraordinaire. D'ailleurs ses meilleurs titres d'alors, il les jette en pâtures à des B.O. (Cf « Absolute Beginners ») - ce qui peut sembler logique si l'on considère qu'à cette époque il semble bien plus intéressé par sa carrière cinématographique que par sa musique !


👍 Let's Dance (1983)

Contrairement aux suivants, Let's Dance est un très bon disque. On peut considérer qu'il mérite son succès, car même si leur son a vieilli, « Modern Love », « China Girl » et « Let's Dance » demeurent le genre de hits auquel il est franchement difficile de résister. Néanmoins Let's Dance relève tout de même un peu de l'arnaque, dans la mesure où Bowie l'a vendu comme un retour à la soul et à la musique black - ce qui est assurément faux. Une seule écoute de (au pif) « Ricochet » suffit à faire tomber le masque : cet album est avant tout un effort de rock FM basique. Réussi, personne n'ira dire le contraire, mais dépourvu de la moindre originalité ni - plus grave - de la moindre authenticité. On l'écoute avec plaisir, en se demandant néanmoins à quoi sert cette musique presque désincarnée sinon à faire danser dans les mauvaises boites de nuit...


👎👎 Tonight (1984) 
👎 Never Let Me Down (1987)

Les spécialistes n'ont pas encore réussi à se mettre d'accord : lequel de Tonight ou de Never Let Me Down est l'album de Bowie le plus piteux ? Sur le papier, tous deux sont de sérieux prétendants au titre, néanmoins je dois avouer que Never Let Me Down me semble relativement honnête. Avec une production moins typée 80's il aurait pu même s'agir d'un très bon disque, dopé par des titres tout à fait réussis comme « Day-in Day-out » (superbe jeu de Peter Frampton) ou « Bang Bang ». On ne peut certainement pas en dire autant de Tonight, disque qui frôle l'atroce presque continuellement (mention spéciale à la reprise du « God Only Knows » des Beach Boys, qui ressemble à s'y méprendre à l'idée que je me fais de l'Abomination). Il y a certes « Blue Jean » (ouf) mais l'objectivité nous force à admettre qu'aussi sympathique soit-elle, cette petite ritournelle pop n'est pas non plus le truc le plus dément qui ait jamais été enregistré. De toute façon, Tonight ne sert pas à grand chose : il a été produit entre deux tournées pour payer les dettes de désintox d'Iggy Pop. Une saine initiative pour l'Iguane dont se serait probablement passé le reste de l'humanité. A noter que Tonight est une exception dans l'histoire de la musique, puisque c'est le seul disque dont les bénéfices (colossaux) ont été inversement proportionnels à l'investissement (il n'y a quasiment que des reprises).

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