lundi 15 janvier 2007

The Hamlet - Flem-mingite aiguë

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En 1940, William Faulkner publiait The Hamlet, premier volet d’un vaste projet qui l’occupera quasiment jusqu’à sa mort : la Snopes Trilogy. Le concept (explorer l’inconscient collectif américain au fil des décennies via le portrait d’une unique famille) était ambitieux. Tellement ambitieux qu’en fait, Faulkner abandonna totalement sa série dès 1941. C’est seulement seize années plus tard qu’il publiera The Town, second volet qui n’a plus grand chose à voir avec le projet initial. Car si l’histoire est toujours là, le style de Faulkner a tellement évolué entre temps que les différences sautent aux yeux.

La spécificité de Faulkner par rapport à n’importe quel autre écrivain (non seulement Américain, non seulement du vingtième, mais de toutes nationalités et de tous les temps) c’est que quand son style évolue, la structure de ses bouquins évolue aussi. Chez lui la construction narrative va de paire avec l’écriture en elle-même, ce qui signifie (si vous avez bien tout suivi) qu’entre The Hamlet et The Town on est beaucoup moins frappé par la différence de style que par la différence de schéma narratif.

Principalement articulé autour de deux thèmes, la haine de Mink pour Flem et l’ascension sociale de ce dernier, The Town est objectivement un roman beaucoup plus « classique » que The Hamlet. Dans les années 50, le goût de Faulkner pour le bricolage chronologique commence à s’apaiser… ou disons par devenir plus naturel : les éléments sont toujours brouillés, la chronologie toujours malmenée, mais tout ceci se fait de manière plus discrète, ce qui est somme toute normal : Faulkner a désormais sa marque et n’a plus rien à prouver. Pour The Town, il a écrit un roman beaucoup plus « lisible » que les précédents, parce que plus linéaire et mieux maîtrisé. De même, il a affiné ses caractères quitte à les schématiser (en gros on a l’impression que Flem ne pense qu’au fric, Mink qu’à tuer à Flem… etc) pour mieux revenir à son idée de départ : écrire une authentique tragédie. C’est bien pourquoi la haine de Mink se voit assénée, matraquée même, tout au long de ce second volet… comme dans une tragédie, le lecteur doit déjà pressentir les évènements tragiques qui vont se dérouler. Autant vous le dire, ça marche ! Bon évidemment… moi je le sais parce que je les ai déjà lus, mais je vous assure qu’au terme du volume deux le lecteur s’attend déjà à voir Mink tuer Flem – ce qui sera fait dès les premières pages du volume trois (The Mansion). De fait, les deux premiers épisodes ne semblent plus être qu’un long prologue à un meurtre inéluctable. Il est même très clair au terme de The Town que l’auteur en a terminé avec Flem. De toute façon, personne ne pouvait le blairer, alors…

S’il fallait n’en garder qu’un dans la trilogie, ce serait donc sûrement celui-ci. Le problème c’est qu’autant les deux autres peuvent être lus individuellement, autant celui-ci, coincé au centre de l’histoire, peine à se suffire à lui-même… sa fin n’a d’ailleurs rien d’une fin, et lire The Town sans connaître les autres serait un peu comme regarder L'Empire contre attaque sans rien savoir de Star Wars… bref, si vous voulez savourer celui-ci, il vous faudra obligatoirement soit vous envoyer The Hamlet (pour avoir le début) soit vous envoyer The Mansion (pour avoir la fin). C’est mon seul bémol. A part ça c’est assurément et de loin LE meilleur roman du Faulkner des années 50…


👍👍 The Town 
William Faulkner | Vintage, 1957