jeudi 21 décembre 2006

Neil Young - These Songs of Freedom...

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La réédition deviendrait-elle un exercice trop étriqué pour nos amis les musiciens ?
 
Après le temps des rééditions normales, après le temps des fausses rééditions, celui des rééditions CD, SACD, coffret... etc, et plus récemment des rééditions remixées, Neil Young, comme toujours en avance sur son temps, nous propose un concept révolutionnaire : la réédition démixée.
C’est quoi une réédition démixée ? Eh bien une réédition démixée, c’est l’inverse d’une réédition remixée : vous enlevez le mix. L’idée serait sans doute plus intéressante si Neil Young l'avait appliquée à un de ses classiques, ou bien à un album surproduit comme (par exemple) son Are You Passionate ? de 2002. Mais oui mais non ! car Young l’a fait avec son dernier né, Living with War, publié il y a seulement six mois (et dont j’ai touché un mot à l’époque). En soi, c’est curieux. Ce qui l’est encore plus, c’est que Living with War, et c’est justement ce qui faisait son charme, sonnait déjà comme une collection de démos ! Pouvait-il sonner plus démo encore ?
 
Force est de croire que oui, quand bien même cette révélation n’aura pas une influence vitale ni sur la carrière de Neil Young, ni sur la vie de ses fans. Désormais sous-titré In the Beginning et bénéficiant d'une pochette un poil plus travaillée qu'à l'origine, Living with War sonne encore plus cru et débridé que dans sa version originale… bon ok : même du Patrick Bruel démixé ça sonnerait plus cru, on est d’accord, la raison d’être du mix étant justement que les titres sonnent moins bruts de décoffrage. N’empêche : là, l’expression crue prend toute sa forme. Bye bye les deux ou trois cuivres qui illustraient les morceaux, au revoir les chœurs… de ces quelques enluminures déjà discrètes ne restent que le feu, la poudre et les guitares stridentes d’un Loner parti en guerre contre Bush (comme tout le monde, certes, mais surtout mieux que tout le monde). L’exemple le plus flagrant de la (trans)mutation des compos, c’est celui du titre éponyme, plutôt cool et délicat dans la version de mai dernier, qui ici n’est plus que guitares sursaturées et rythmique plombée… Neil Young qui vire metal ? pourquoi pas ? Après tout, il en déjà tâté à plusieurs reprises par le passé (notamment sur l’album Re-Ac-Tor au début des années 80).
 
Évidemment, ça reste globalement le même disque, et ceux qui ont déjà la première saillie n’ont nullement besoin de la seconde : normal, puisque ce sont les mêmes versions des mêmes chansons proposées avec un mix différent (enfin non : un nomix). L’auditeur a donc toujours droit au Young survolté et rageur qu’il croyait avoir perdu depuis des lustres. Un Young qui adresse des clins d’œil à Dylan (« Flags of Freedom » en écho à « Chimes of Freedom »), aux Stones (le furibard « The Restless Consumer »), à lui-même (« Shock & Awe », simili reprise de son « Hey Hey My My » d’antan)… le Young qui s’amuse à sampler (Neil Young qui sample, putain, merde, qui l’eût cru ???) George W. Bush au milieu du surpuissant « Let’s Impeach the President », et chante l’espoir sur « Looking for a Leader »… bref : un Neil Young que beaucoup croyaient perdu à force d’avoir passé trop d’années à jouer du banjo sur son rocking chair pour ses petits enfants.
 
Eh bien non ! il est là. Et bien là. Et, comme le rock'n’roll, Neil Young is here to stay.
 
De fait, même sans la superbe reprise de « America the Beautiful » en guise de grand final, même démixé, remixé ou surmixé ou n’importe quoi, Living with War compile les neufs (ou dix selon les versions) meilleures chansons du Loner depuis Sleeps with Angels, douze ans plus tôt.


👍👍👍 Living with War - In the Beginning 
Neil Young | Reprise, 2006 (2005 pour l'édition originale)