dimanche 19 novembre 2006

The Naked and the Dead - Anopopéi, mon amour

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Je ne suis pas un fana de livres de guerre, mais je reconnais au moins à ce type de littérature une qualité immense : c’est facile à résumer ! Dans ce premier roman, Norman Mailer évoque la Seconde Guerre Mondiale (qu’il a faite) dans le Pacifique Sud (ça tombe bien puisqu’il y était aussi). Plus précisément, il s’attarde sur le débarquement d’une division de l’armée américaine sur la petite île d’Anopopéi. The Naked & The Dead, livre au titre éloquent, est la chronique de cette bataille loin d’être gagnée d’avance, et du quotidien de ces hommes qui, avant de devenir des soldats, étaient juste des braves types ordinaires.

J’ai lu un paquet de premiers romans dans ma vie… il n’empêche : je me suis quand même demandé comment on pouvait, pour un coup d’essai, réussir une entreprise aussi remarquable. Norman Mailer se démarque dès les premières pages de l’habituel roman de guerre en conférant à son texte une structure narrative extrêmement particulière, adoptant presque la construction d’une tragédie antique – avec emploi régulier d’un chœur entre les différents chapitres. Ce chœur est là, du début à la fin. Il dévoile ce que les personnages taisent ou cachent, telle une conscience.

Arrive enfin le chapitre cinq, morceau de bravoure du roman qui décrit la première grande bataille de ces antihéros… là, on est soufflé par le style fulgurant de Mailer. Les combats sont décrits avec une poésie incroyable tout en évitant cependant (improbable numéro d’équilibriste) de sublimer la barbarie guerrière. Stupéfiant ! Stupéfiante, aussi, cette puissance d’évocation dont fait preuve l’auteur : on y est, là, au milieu de la bataille d’Anopopéi. On voit les cadavres s’entasser, on voit des gens qui se détruisent mutuellement sans savoir pourquoi… Superbe, vraiment. Et terrifiant, surtout. Ecoeurant, même, par instant.

S’ensuit un autre chapitre remarquable, aussi calme et bavard que le précédent était brutal et silencieux. Là, Mailer, par la voix du général, détourne la célèbre métaphore mettant en parallèle la guerre et les échecs pour livrer sa propre vision d’un tel conflit :

"… la guerre n’est certainement pas un jeu d’échec. […] Plutôt comme une foutue partie de football. Vous entrez sur le terrain, vous établissez puis recommencez votre jeu, et pourtant cela ne finit jamais comme vous l’aviez prévu."

Une vision fort sombre (nul héroïsme, nul témoignage d'amitié virile comme on peut en voir ailleurs), à peine amoindrie par les quelques petites faiblesses que présente immanquablement tout premier roman quel qu’il soit. C’est vrai que l’on peine à s’attacher vraiment aux personnages… malgré les efforts de l’auteur pour les humaniser, ils ressemblent plus à des figures ou des symboles qu’à des êtres humains… fait volontaire visant à stigmatiser le processus de déshumanisation massive que représente le fait guerrier ? Il n’en demeure pas moins que, des personnages, il y en a peut-être un peu trop. Et que le roman est peut-être un peu trop long…

Mais ce ne sont que de légers détails. The Naked & The Dead atteint au bout de quelques pages son double objectif : proposer au lecteur une guerre comme s’il y était, et lui ôter toute éventuelle envie d’y être.


👍👍👍 The Naked & The Dead 
Norman Mailer | Rinehart & Company, 1948