mercredi 11 octobre 2006

Cloudsplitter - The Great American Novel

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Le Cloudsplitter du titre, c’est le Mont Tawahus, qui s’élève au loin, déchirant les nuages, spectateur impuissant des évènements héroïques ou tragiques se déroulant à ses pieds.

Dans une monumentale lettre-confession (qui a dû lui coûter cher, même chez UPS), Owen Brown accepte de raconter à une jeune étudiante sa jeunesse et le combat qu’il a livré aux côtés de son père John et des abolitionnistes…

Il raconte tout, peut-être même trop. C’est ce qui rend ce livre exceptionnel. Le narrateur ne se contente pas de narrer les évènements qui ont amenés à la Guerre de Sécession. Il parle sans s’arrêter de ce père dont l’image de héros sans failles a gâché sa vie, et, d’une certaine manière, trouve une ultime manière d’exister au travers de ce récit. Car ce combat, il s'en rend compte à l'hiver de sa vie, n'était pas vraiment le sien.

Quand j’étais plus jeune, j’étais très intéressé par la Guerre de Sécession. C’est une fascination qui a dû me prendre juste après les dinosaures je crois… le fait est que c’est une histoire qu’on ne nous enseigne pas vraiment à l’école. Alors j’ai lu des dizaines de livres sur le sujet, dont Cloudsplitter, et puis je l’ai relu. Et me voilà aujourd’hui, affirmant sans trop me tromper que pas un seul roman écrit sur le sujet ne lui arrive à la cheville. C’est à la fois LE chef-d’œuvre de ce qui, aux Etats-Unis, est quasiment un genre littéraire, et LE chef-d’œuvre d’un Russell Banks qui n’a sans doute jamais été aussi remarquable.

Car Banks n’entasse pas des faits historiques sur lesquels il aurait rajouté des personnages comme le font tant d’autres. Au contraire, il a en premier lieu créé les personnages, et les a fait préexister à son histoire. C’est seulement après que la grande machine historique se met en branle ; on retrouve donc ici tout le génie de Banks pour créer des êtres plus vrais que nature, pour faire exister des humains et non seulement évoquer des personnages – mais multiplié par dix. C’est remarquable et captivant, et vibrant d’une corde dont Russell Banks use bien trop peu : l’ironie. Son narrateur n’a rien d’un héros, et il le sait. Il se confesse sur son lit de mort ou presque, et ce recul lui permet de ne pas se laisser emporter et noyer par ses souvenirs.

En somme, nous avons ici l’union parfaite de tout ce qui devrait toujours un faire un roman au sens littéral du terme : du fond, de la forme ; du propos et du style…

Je crois connaître une liste longue comme le bras de petits écrivaillons prétentieux qui feraient bien d’en prendre de la graine.


👍👍👍 Cloudsplitter 
Russell Banks | Flamingo, 1998