mercredi 25 octobre 2006

Ne dis rien. Surtout pas.

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Aujourd'hui, je ne savais pas quoi raconter, quand, soudain… l’évidence m’a frappé : je me suis rendu compte que ça faisait une paie qu’on n’avait pas causé cinoche sur Le Golb ! Pour ceux qui auraient loupé les épisodes précédents, je rappelle qu’en fait j’adore le cinéma, j’y vais souvent, je vois beaucoup de films, mais je ne suis pas capable d’écrire une vraie belle chronique ciné. Du coup, par principe, je ne parle que des films tout pourris que j’ai été voir.

Me voici donc dans une salle obscure pour assister à l’avant-première d’un film dont on a très mal choisi le titre : Ne le dis à personne. C’est un gros foirage, puisque le film n'est pas encore sorti que tout le monde en parle déjà. Heureusement, ce n’est pas un foirage uniquement pour cette raison.

J’avoue avoir été un peu surpris lorsque j’ai appris que Guillaume Canet, auteur de l’excellent et abrré Mon idole, avait eu l’idée assez absurde d’adapter le mega-seller de Harlan Coben. Bon, je ne veux pas faire preuve de préjugé : je n’ai pas lu le livre. En revanche, j’ai déjà lu du Coben, et bon… c’est sympa, mais de là à en tirer « le grand thriller de l’année » (dixit Isabelle Giordano…oh dites, vous moquez pas, on a les références qu’on peut hein) il y a quand même une marge. Le niveau des intrigues de Coben correspondant à peu près à celui des intrigues de James Ellroy quand il était en CM2, je ne me faisais pas beaucoup d’illusions quant à ce film. Il paraît que reconnaître ses torts est un premier pas vers la sagesse, alors j'avoue : je me suis trompé lourdement : il n’y a aucun de problème d’intrigue dans le film de Canet, puisque l’intrigue n’existe pas. Le jeune cinéaste aurait-il voulu se la jouer film à l’américaine ? Bah… oui et non.

Non, dans la mesure où quelqu’un qui veut faire un film à l’américaine (genre Kassovitz avec Les Rivières pourpres) s’arrange pour que son film n’ait quasiment rien qui lui donne l’aspect français hormis les plaques d’immatriculations des bagnoles. Dans ces cas-là, le réalisateur prend plutôt Jean Reno que François Cluzet pour le rôle principal. Cluzet, bizarrement, ne fait pas vraiment star américaine. Il fait même pas vraiment star, à dire vrai.

Cluzet est très bien dans ce rôle. Évidemment, il a un problème d’âge. Au début du film, son personnage vient de finir ses études de médecine, il a donc dans les trente ans. Il semble que Cluzet n’ait plus l’âge de jouer les jeunes premiers. Le hic, c’est que tous ses amis d’enfance qu’on voit dans le film, eux, ils l’ont l’âge de leur rôle. Du coup, on frôle carrément l'épineuse question de la concordance des temps. D’autant que le personnage, Alex, est avec sa femme depuis l’âge de huit ans environ. Et là non, quoi, c’est pas possible : la femme de François Cluzet, c’est Marie-Josée Croze. Elle ne peut pas sortir avec Cluzet depuis l’âge de huit ans, impossible, puisque quand Cluzet avait huit ans elle avait (j’ai fait des recherches)… euh non.. .bon, c’est vrai que c'est impoli de dire l’âge des dames. Sachez cependant que Cluzet est né en 1955. Et que quand il avait huit ans, la sublime Marie-Josée (parce qu’elle l'est diablement même, c’est quand même elle qui donne envie de rester jusqu’au bout) avait -7 ans… Bref !

Donc ils sont contents, dans ce début de film, ils sont heureux, ils s’aiment, ils se promènent à poil au bord de l’eau. Là, Guillaume Canet fait preuve d’un grand tact, nous laissant admirer le corps de la comédienne, superbe à tout point de vue, mais ne montrant Cluzet nu que des cheveux aux tétons (on imagine sans peine que le temps a fait des ravages sur lui, le pauvre, on le plaindrait presque). Ensuite pas de bol, ils s’engueulent, sa femme plonge (ils sont sur ponton au milieu d’un lac), elle crie, il accourt (façon de parler : en fait il nage) il arrive sur la berge, il prend deux coups de batte de baseball dans la gueule. Noir. La suite se passe huit ans plus tard. Le pauvre Cluzet a donc 38 ans, mais bon, très franchement, il fait toujours trop vieux. Il est désespéré parce que sa femme est morte. Pas besoin de le dire, Canet manie l'art du non-dit presqu'aussi bien qu'un réalisateur d'Amour, Gloire & Beauté : notre héros fume et a une barbe de deux jours - sous entendu : le suicide est proche. Et là, un gros con lui fait une blague en lui envoyant un e-mail de… sa femme. Qui est morte. Enfin : je dis un gros con, c’est mon point de vue, parce que lui il n’envisage pas une seconde que ça puisse être une blague. Non, il y croit. Il fonce. Il fonce tête baissée. Il fonce pendant deux heures et dix minutes. La première demi-heure est plutôt réussie. On se laisse facilement emporter, j’ai commencé à me dire que Canet avait gagné son pari. Heureusement ou malheureusement, j’ai eu raison, c’est un foirage. Déjà, ce canevas de base posé, l’intrigue se dilue totalement dans une succession de courses et de bavardages. A un moment, Cluzet prend la fuite, il court, il court, il court (le furet). Il court tellement que moi, inquiet pour son cœur, j’ai regardé ma montre. Il a couru pendant vingt minutes non-stop ! A son âge, est-ce bien raisonnable ?

Comme Cluzet n’a vraiment pas de bol, il est poursuivit non seulement par les flics, mais aussi par les méchants. Les méchants, on les reconnaît facilement, parce que leur patron c’est Olivier Marchal et il a vraiment une gueule typique de méchant. Moi j’ai vu Olivier Marchal arriver, je me suis dit « Oh ! enfin les méchants ». Eh bien figurez-vous que le mec derrière moi a réussi à dire à voix haute : « Ah ! il est suivi par les flics »… bah dis donc, les flics ont de drôles de méthodes… je sais bien qu’ils ont mauvaise presse en France, mais à ce point là…

Après ça forcément, Cluzet il est trop crevé, il peut plus courir. Alors il bavarde. Il parle, à ses amis (il ne devrait pas, à cause de lui ils se font buter), à la police, à son avocate (Nathalie Baye, paumée au milieu de nulle part). Il s’allie à des petites frappes de la téci qui sortent des bonnes vannes, parce que dans les films de djeun’s les djeun’s sont toujours sympas. Et il fouille dans le passé de sa femme. Donc l’intrigue reprend finalement, une heure et demi après s’être brutalement stoppée pour laisser François s’exercer au 400 mètres haies, mais c’est un peu tard vu que ceux qui n’ont pas encore décroché ont déjà deviné que sa femme était vivante – et quasiment toute la suite. On voit alors débarquer des personnages, qui ont tout de même leur petite importance : Canet lui-même, Rochefort… et c’est là que ce film atteint un degré de nullité qui me donne presque envie de lui décerner un César, parce que même sans avoir lu le bouquin on arrive à voir où et quand Canet a taillé dans l’histoire de Coben J’imagine en effet que ces nouveaux personnages qui surgissent de nulle part ou presque, à ce stade du roman, ils ont déjà été présentés et caractérisés. Là, c’est à peine si on nous a dit leur nom. Comme ils ont une importance capitale dans le dénouement, c’est un peu emmerdant. Je ne brise aucun suspens, on se doute bien (enfin le spectateur à peu près intelligent se doute bien) qu’ils ont une importance, sinon ils n’apparaîtraient pas subitement.

Le grand final vaut pourtant son pesant de cacahuètes, moi je vous le dis. D’abord le flic, Berléand, décide subitement qu’en fait, Cluzet n’a pas tué sa femme. Allez savoir pourquoi… comme ça pouf ! Il l’a cru pendant tout le film et bing ! Il a la fameuse intuition du policier et décide que non, ce serait trop simple. Alors il vont tenter un truc terrible, un truc de ouf… ils vont piéger le personnage Y (je laisse un poil de suspens) en enregistrant ses aveux à Cluzet via un micro. Et ce con de Y, il se fait avoir (il n’a jamais vu un polar de sa vie ou quoi ?). Miraculeusement, il se lance dans un récit improbable qui permet à Guillaume Canet de se métamorphoser en metteur en scène de génie : dénouer une intrigue qui n’a jamais été nouée, ça, c’est une prouesse que même Hitchcock n’était jamais parvenu à réaliser. Moi je dis : chapeau l’artiste. Bon ensuite, il nous lâche encore un ou deux petits rebondissements pour la route, rebondissements-flashbacks à la SexCrimes, mais en tellement éculés qu’on ne relève pas même pas. L’important est ailleurs, dans la grande scène d’émotion d'avant générique (autre exercice imposé), celle où Cluzet retrouve enfin Marie-Josée. Ils sont heureux, ils s’aiment, ils fondent en larme. C’était communicatif : j’en ai pleuré aussi…

... de jalousie.

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