vendredi 27 octobre 2006

Tout oublier (mais vraiment tout)

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°51]
Never Trust a Live - Les Wampes (2004)

Autant le dire tout de suite : ceci est le quatrième et dernier live de ce Top 100.

Pour les Wampas, comme pour les Ramones, avec qui ils ont plus d’un point commun, le choix d’un live m’a semblé évident. On dit souvent, parfois avec mépris : « Tel ou tel groupe se consomme avant tout en live ». Ce n’est pas toujours vrai, mais en ce qui concerne les Wampas c’est indéniable. Hormis le dernier en date, aucun de leurs albums studio n’a jamais bénéficié d’un son décent. Il fallait donc choisir fatalement un de leur deux lives, et le choix a été ardu car ils sont tous deux différents et complémentaires ; ma préférence s’est arrêtée sur celui-ci pour une raison très bête : le précédent date d’il y a presque dix ans. Depuis, le répertoire du groupe s’est enrichi d’une flopée d’indispensables dont, entre autres, « L’Aquarium tactile », ou « Jalabert », ou « Comme un punk en hiver »... de ces petites merveilles délirantes dont eux seuls ont le secret.

Les Wampas et moi, c’est une histoire qui dure depuis un bon moment. L'adolescence d'abord. Puis les choses sérieuses. 1998. J’étais très jeune, j’ai commencé à faire de la radio et Didier W. fait partie des toutes premières personnes que j’ai interviewées. Je l’ai refait plusieurs fois depuis, j’ai vu le groupe en concert au moins huit fois et chaque fois, ce fut le meilleur concert de ma vie. J’ai eu la chance d’assister à des représentations de sacrés pointures, même des Stones. Mais aucune qui arrive à la cheville de celles de Wampas. Je ne crois pas qu’il y ait un seul autre groupe au monde qui se donne autant que celui-ci. Chaque concert est un moment de bonheur total : vous oubliez tout, vous êtes juste là, dans la salle. Vous n’êtes pas un membre du public, vous êtes un membre du groupe, vous faites partie de la famille. Car la générosité des Wampas n’a d’égale que l’humour décapant de leur répertoire.


On a écrit beaucoup de connerie sur les Wampas. Il s’agit, en gros, des mêmes que celles qu’on a pu écrire sur les Ramones. Notamment que c’était un groupe débile, comme si « régressif » était fatalement « débile ». Le plus curieux étant qu’en général, les abrutis proférant ce genre d’ineptie sont pliés en deux devant les films des frères Farrelly. C’est dommage de lire des choses pareilles, et même un peu triste. Savoir qu’un truc aussi barré que « Chocorêve » (dont le refrain est tout de même "Méfie-toi des anges surtout s’ils ont les yeux bleus" !) puisse être pris au premier degré me laisse les bras ballants. Il y a des choses inexplicables dans ce monde, et les critiques musicales en font partie.

Mieux vaut se contenter d’écouter ce disque (même si je ne saurais que trop vous conseiller d’assister à l’une des prestations du groupe), qui s’ouvre, fort logiquement, sur « For the Rock » : … "on rêve / Sans en parler / C’est juste du rock'n’roll". La couleur est annoncée dès le début, pas la peine d’aller chercher du sens là où il n’y en a pas. J’ai même lu récemment un truc rigolo, comme quoi le dadaïsme serait de nouveau à la mode et Didier le roi des dadas. L’idée est très amusante, mais là, pour le coup, c’est débile : quand Didier chante peinturluré en vert, ce n’est pas pour rendre hommage au dadaïsme. C’est juste parce qu’il trouve ça marrant. C’est juste du rock'n’roll, qu’y disait. Alors pourquoi aller chercher plus loin ? C’est déjà bien de faire "juste" du rock'n’roll… pas de préchi-précha politique comme adorent le faire les groupes français, juste un peu (beaucoup) de bonne humeur, d’énergie…

Il y a beaucoup de titres géniaux sur ce live, les énumérer tous prendrait trop de temps… j’ai un gros faible pour « L’Aquarium tactile », d’abord parce que c’est une chanson totalement revigorante mais aussi parce qu’elle est sacrément bien foutue et dément la rumeur selon laquelle les Wampas ne sauraient pas jouer. Qu’il n’y ait pas de malentendu entre nous : les heureux possesseurs de leur tout premier EP, le mythique Live ’83, témoigneront qu’en effet à l’origine, c’étaient des crêpes. Ils étaient d’une nullité totale, jouaient n’importe quoi n’importe comment, quant à Didier Wampas, je vais vous révéler un secret : il a appris à mal chanter. C’est-à-dire qu’il chante mal, mais bien. Au début, il chantait mal mal (ou mal tout court ? enfin vous me comprenez… non ?)

Pour le reste il y a bien un ou deux titres un peu faiblards, mais pas beaucoup. Les deux ou trois petits ventres mous (qui s’entendent sur disque mais pas du tout quand on est dans la salle, d’ailleurs) sont totalement balayés par les déferlantes punk'n’roll que sont « Yeah Yeah » ou « J’ai avalé une mouche ». Ou « Denise (my love) ». Ou « Jalabert ». Ou « Comme un kenyan ». Ou… ok, ok, j’arrête sinon on va toutes les faire. De toute façon mes préférées demeurent celles ou Didier redevient un gamin. C’est à dire où le narrateur est un enfant (à moins de considérer que Didier soit un môme, ce qui finalement n’est pas si bête) : « Les Bottes rouges » et « Ne dis pas aux copains ». Ces deux-là sont vraiment des perles, adorables, hilarantes, géniales… je ne m’en lasse pas, et pourtant ce ne sont pas les plus récentes de la set-list.

Non décidément, je n’ai rien à reprocher à ce disque…ok, « Kiss » en version CD ne sert à rien. « Les Apprentis charcutiers » a peut-être un poil moins d’impact… normal : un concert est un concert. Techniquement parlant, ça ne devrait pas être en disque.
Il n’en demeure pas moins que peu de lives dégagent simultanément une telle énergie et une telle chaleur.

Et que bien qu’ayant assisté à un nombre impressionnant de concerts du groupe, bien que l'ayant rencontré moult fois... j’en suis toujours à me poser la même question existentielle, la seule, l’unique, celle qui, peut-être, recèle la clé de voûte de l’Univers :

"Est-ce que c’est les chevaux blancs ou les noirs qui courent plus vite ?"


Trois autres disques pour découvrir Les Wampas :

Simple & Tendre (1992)
Toutafonlive ! (live / 1997)
Rock'n'Roll – Part 9 (2006)