mercredi 20 septembre 2006

La Nonchalance en bandoulière

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°45]
J'veux du live - Alain Souchon (2002)

Je savais au moment de rédiger la liste qui est devenue cette rubrique qu’on y retrouverait un disque d’Alain Souchon. C’est la musique qui a bercé mon enfance. Jusqu’à l’âge de dix ans je n’ai connu que lui et Mozart. Alors c’était sûr que Souchon y serait. Restait à savoir quel disque choisir. Chaque album contenant son lot de grandes chansons, le choix a été ardu.

Alors j’ai opté pour ce live, pour deux raisons :

La première est purement pratique : Souchon ayant choisi l’option électro-acoustique pour cette tournée, il y a peu de chance qu’il vieillisse jamais autant que certains de ses disques studios (au hasard : C’est comme vous voulez…, sans doute génial en 1985 mais passablement daté aujourd’hui).

La seconde, c’est que c’est une bonne occasion de rappeler ce qu’on ne dit jamais à propos de Souchon, à savoir que c’est un artiste particulièrement brillant sur scène. Il y développe une sorte de séduction délicate à laquelle il est extrêmement difficile de résister, sait s’entourer (en l’occurrence de Fabrice Moreau, Michel-Yves Kochmann et d’Albin de la Simone – à une époque où il ne faisait pas encore de disques solos et où de fait le monde se portait beaucoup mieux), et communique avec le public comme peu d’artistes de sa stature le font. J’ai vu beaucoup de concerts de gens aussi connus que lui (et plus, et moins), mais je n’en ai pas vu beaucoup qui se livraient autant sur scène et sortaient du trin-trin habituel de la tournée showbiz où tout est rôdé, millimétré, jusqu’au moindre mouvement de bras en direction de la foule. Lui, il improvise en permanence, s’amuse avec le public, fait tout pour lui faire passer un agréable moment et c’est ce qui fait toute la différence avec les autres chanteurs dits « de variété » - si tant est que Souchon ait jamais été un chanteur de variété, ce qui est sujet à caution si l’on considère l’extrême sophistication de ses disques.

Tout ceci est présent sur le live, et un peu plus encore. Beaucoup de chansons oubliées (on le comprend aisément : il y en a tant) comme « Tout me fait peur », la superbe « Portbail »… les classiques sont bien sûrs au rendez-vous, les incontournables, mais Alain Souchon a l’intelligence de ne pas sacraliser son propre répertoire. Il le triture, joue avec, s’amuse à annoncer l’Aria de Bach en lieu et place de « Foule sentimentale », et introduit j’ai 10 ans ainsi : "Quand j’ai commencé à chanter on me posait des questions sur tout, on me disait « Alors, votre carrière ?... comment vous envisagez ?... » moi je disais « je sais pas… on verra… les évènements nous porterons… en tout cas il y a des choses qui sont évidemment certaines... on ne me retrouvera pas vers l’âge de 55 ans en train de chanter t’ar ta gueule à la récrée »… Vous voyez il ne faut jurer de rien parce qu’en fait c’est ce qui va arriver maintenant."

Alors voilà. Alain Souchon s’amuse, le public s’amuse, et nous on s’amuse à les écouter s’amuser ensemble. Il y a bien sûr quelques moments d’émotion, « La P’tite Bill… » ici, « J’étais pas là » (sa plus belle chanson) là ; un soupçon de sarcasme le temps d’un « C’est comme vous voulez » qui plus de vingt ans après n’a décidément pas pris une ride… mais l’essentiel reste de passer un bon moment ensemble, de se laisser un peu aller. Vous allez voir un concert, vous laissez vos soucis à l’entrée de la salle et vous les récupérez en ressortant. Finalement, c’est pour ça qu’on a inventé la musique, non ?


Trois autres disques pour découvrir Alain Souchon :

Bidon (1976)
Jamais content (1977)
Au ras des pâquerettes (1999)